AU ROYAUME DE YAKA…

En son royaume du Pas-de-Vague, le roi Yaka coulait des jours paisibles. Hélas, le Grand Tsar Nicolas ne tarda à troubler cette quiétude : une odieuse faute avait été commise, des têtes devaient tomber. Le roi Yaka fît diligence et lança son shérif Vouzoriédu et sa meute d’inspecteurs aux trousses de sieur DSPIP de Loire-Altantique et de ses gens… La curée ne se ferait pas attendre et les têtes tomberaient…

Mais le roi Yaka n-aimait guère ce genre de remous… Il prît donc quelques renseignements sur la vie de cette lointaine contrée de son royaume, dont il ne se préoccupait guère habituellement : les SPIP. Puis il réfléchît à une solution pour que de tels événements ne puissent plus se reproduire et que sa tranquillité ne soit plus troublée. Il publia donc immédiatement un édit stipulant à ses fidèles sujets : « Conscient de l’augmentation du nombre de mesures suivies dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation et de la charge de travail actuelle (car le roi Yaka était soucieux de ses sujets !), il apparaît néanmoins important de rappeler que les dossiers doivent impérativement faire l’objet d’une affectation nominative dans un souci de réactivité et d’efficacité du service public pénitentiaire ». Réactifs et efficaces, les fidèles vassaux interrégionaux du roi Yaka le fûrent ; les dossiers devaient être affectés dans l’heure.

Pourtant tout n’était pas si simple. Depuis de longs mois, les conseillers du roi l’avaient alerté : de grands problèmes existaient dans les SPIP et les personnels d’insertion et de probation ne parvenaient pas à faire face à toutes leurs tâches quotidiennes. Dès 2003, le grand Echevin WARSMANN préconisait le renfort de 3000 personnels (Proposition 83 du rapport Warsmann sur Les peines alternatives à la détention, les modalités d’exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison), en 2008, le Parlement du royaume de Yaka lui suggérait plus modestement un renfort de 1000 conseillers d’insertion et de probation (Etude d’impact concernant le projet de loi pénitentiaire). De même, le haut Magistrat LAMANDA lui conseillait : « Le nombre des conseillers d’insertion et de probation doit donc être sensiblement augmenté, de façon à permettre aux S.P.I.P de spécialiser une partie de leurs effectifs dans les suivis renforcés, avec le soutien d’équipes pluridisciplinaires départementales ou interdépartementales » (Rapport Lamanda « Amoindrir les risques de récidive criminelle des condamnés dangereux », recommandation 17). Le roi Yaka avait un temps écouté ses conseillers mais s’il tenait à sa quiétude, il n’en tenait pas moins à sa bourse. Il interrompît bien vite ses efforts et la Cour des Comptes lui en fît même la remarque : « Les fonctions de conseillers d’insertion et de probation (CIP) ont bénéficié d’un effort de recrutement soutenu depuis 2006. Ainsi, les promotions formées à l’Ecole nationale de l’administration pénitentiaire (ENAP) sont deux à trois fois plus importantes que celles du début des années 2000. Ces recrutements n’ont cependant pas permis de faire diminuer le ratio des mesures suivies par CIP. En effet le nombre de mesures en milieu ouvert et en milieu fermé n’a cessé de croître. Le ratio de personnes suivies par un conseiller était ainsi de l’ordre de 84 en 2009 contre 80 environ en 2006 » (Rapport de la Cour des Comptes : Le service public pénitentiaire : « Prévenir la récidive, gérer la vie carcérale »). Mais le roi Yaka n’y pensait plus et préférait se consacrer à sa vraie passion : construire des prisons. Lui fallait-il renoncer ? Dilapider son trésor pour enfin être tranquille ? Le roi Yaka ne pouvait s’y résoudre… Il eût alors une idée lumineuse ! Ses savants alchimistes lui avaient parlé d’une formule magique : le « DAVC-prise en charge différenciée-segmentation-pluridisciplinarité ». Il suffisait, selon les experts les mieux informés, de prononcer d’une seule traite cette formule pour résoudre toutes les difficultés des SPIP dans la seconde ! Certes, personne n’était jamais parvenu à faire fonctionner cette formule jusqu’ici… Mais le roi Yaka ne s’arrêtait pas à ce genre de contingences-

La tranquillité a un prix ! Le grand Tsar Nicolas serait content-}

Monsieur le directeur de l-Administration Pénitentiaire si ce conte vous a arraché un sourire, sachez que vous êtes le seul qu’il amuse… Les personnels des SPIP sont aujourd’hui pleins d’amertume et de colère face à votre réaction autiste traduite par la note que vous avez diffusé ce 27 janvier. Depuis des mois, alors que la Cour des Comptes dénonçait encore en juillet 2010 : « Des ressources humaines en situation tendue et précaire » dans les SPIP, le SNEPAP-FSU à l’unisson des autres organisations syndicales, n’a eu de cesse de vous interpeller ainsi que les ministres successifs sur la situation intenable des SPIP et de leurs personnels.

Aujourd’hui, le SNEPAP-FSU s’insurge contre les méthodes de l’inspection des services pénitentiaires qui, en réponse à la recherche frénétique de boucs-émissaires lancée au plus au niveau de l’Etat, s’affranchit du respect le plus élémentaire des personnels entendus.

Le SNEPAP-FSU dénonce à tous les échelons, du ministère à la direction inter-régionale, une attitude irresponsable où la lâcheté le dispute à l’hypocrisie.

Quel soutien a été apporté à des personnels mis en cause alors même qu-ils n-ont fait qu-appliquer au mieux les directives de vos services dans une situation où chacun sait qu-il est impossible de tout faire ?

Quelle réponse donnez-vous, monsieur le directeur, à la crise qui frappe aujourd’hui les SPIP et que vous venez d’aggraver par des consignes prises dans la précipitation dans un seul but d’affichage ?

Face à cette situation, le SNEPAP-FSU a interpellé le Garde des Sceaux lors d’une audience le 26 janvier, rappelant qu’il serait inacceptable que des personnels du SPIP servent de fusible dans cette affaire et que nous réagirions avec toute la vigueur nécessaire si cela devait être le cas.

Surtout, le SNEPAP-FSU a rappelé l’exigence centrale d’un renforcement massif des services tant judiciaires que pénitentiaires, de l’octroi des moyens financiers, matériels et humains propres à rendre enfin crédible l’objectif de prévention de la récidive !

Paris, le 31 janvier 2011.

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