AVENIR DE LA PROBATION : « SECTEUR ASSOCIATIF HABILITE » ? NON, MERCI…
Depuis 2007, la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) a engagé un démantèlement du service public d’une ampleur inégalée jusque là. Si, au sein du Ministère de la Justice, l’Administration Pénitentiaire est épargnée par les suppressions massives de postes, elle n’en demeure pas moins touchée par la réduction drastique de la « voilure » des services publics.
Ainsi,
depuis la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, toutes les fonctions autres que
« direction, greffe et surveillance » des établissements pénitentiaires peuvent faire l’objet de délégations
au secteur privé. La mise en oeuvre du Partenariat Public – Privé (PPP) dans le cadre du plan de
construction « 13200 » a ainsi atteint un niveau inquiétant tant en matière de construction que de gestion
des établissements. La gestion des parloirs ou encore la restauration des personnels font ainsi partie
des derniers transferts opérés après le travail, la formation professionnelle, les cantines, l’entretien,
etc…
Ce qui se joue aujourd’hui autour de la probation est tout aussi inquiétant. Malgré les multiples
interpellations du SNEPAP-FSU auprès de la direction de l’Administration Pénitentiaire, des
parlementaires et des ministres en charge du dossier, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 n’a
marqué aucune avancée concernant la reconnaissance de l’exécution des peines en milieu
ouvert au titre des fonctions régaliennes de l’Etat. Ce statu quo est d’autant plus regrettable que,
depuis quelques années, les brèches se multiplient au sein du monopole du service public, et donc des
SPIP, sur le champ de la probation :
· Depuis la loi du 4 avril 2006, le JAP dispose dans le cadre du SME de la possibilité de
« désigner, pour veiller au respect des obligations, la personne physique ou morale qui était
chargée de suivre l’intéressé dans le cadre du contrôle judiciaire ». La loi du 9 juillet 2010, en
modifiant l’article 471 du Code de procédure pénale, vient d’étendre cette possibilité de désignation,
au tribunal correctionnel directement. Sans doute que les habitudes de travail entre JAP et SPIP
constituaient encore un frein trop important à cette procédure de délégation. Et pourtant, ici ou là,
quelques associations n’avaient pas ménagé leurs efforts en ouvrant les soldes : le suivi du SME au
tarif préférentiel du contrôle judiciaire de plus de 6 mois !
· Ailleurs, prenant prétexte des difficultés du SPIP et sur la base d’un accord datant de 2002, ce ne
sont rien de moins que les enquêtes 723-15 qui sont déléguées entièrement à une
association « habilitée »… En vertu de quel texte de loi ? Mystère… Interrogée sur ce point, la
juridiction se retranche derrière « les modalités d’exercice des attributions juridictionnelles des
magistrats ».
· Cerise sur le gâteau, le rapport sur le travail d’intérêt général (TIG) remis au début de l’été à la
Garde des Sceaux par le député Christian VANNESTE, préconise dans sa proposition n°14 de «
Confier la mise en oeuvre de certains TIG à des associations habilitées. ». L’argumentaire à
l’appui de cette proposition pourrait prêter à sourire s’il ne révélait une profonde méconnaissance
des missions du SPIP et une vision caricaturale de la mesure de TIG de la part de l’auteur du
rapport qui prétend néanmoins orienter la politique pénale dans le domaine. Ainsi peut-on lire : « la
plus-value professionnelle d’un CIP pour l’encadrement d’un TIG n’est pas forcément indispensable.
Par exemple, pour le suivi d’une mesure de TIG de 80 heures consistant à tondre une pelouse, il
semble possible de se dispenser de l’expertise, de la formation et des compétences des conseillers
d’insertion et de probation. » A noter au passage, qu’à aucun moment le rapport n’envisage de
renforcer les SPIP tant en personnels d’insertion et de probation qu’en d’autres catégories de
personnels qui pourraient avoir la charge de certains aspects techniques ou administratifs de la
mise en oeuvre des TIG.
Pour le SNEPAP-FSU, au-delà des dérives et petits arrangements locaux, c’est bien un mouvement de
fond qui est à l’oeuvre dans l’administration pénitentiaire, au prétexte de l’insuffisance de moyens des
SPIP. Ce mouvement est soutenu par le lobbying croissant de quelques associations socio-judiciaires
extrêmement présentes dans certaines régions et parfois structurées nationalement. Il n’est ainsi plus
rare d’entendre, plus ou moins ouvertement et longuement, dénigrer le travail des SPIP au profit des
associations qui peuvent, elles, avec des moyens souvent bien plus conséquents, oeuvrer sans les
contraintes et les charges de travail des SPIP. Ces discours trouvent à l’évidence un écho favorable
auprès du monde politique et parfois judiciaire. Ainsi, le ministère aurait fait connaître son intérêt pour le
projet de délégation totale des TIG. Nous exigeons qu’il fasse toute la transparence sur ce point.
La cohérence et l’équité des politiques pénales en matière d’exécution des peines ne peuvent relever que d’un service public
national reconnu dans sa dimension régalienne et non d’orientations
associatives locales et privées.
Le SNEPAP-FSU dénonce cette tendance à recourir de
plus en plus fréquemment au secteur associatif sur le
champ de l’application des peines. Il exige que la
transparence soit faite sur les sommes allouées aux frais de
justice qui financent ces prises en charge associatives.
L’exemple de l’évolution des missions de la Protection
Judiciaire de la Jeunesse constitue un précédent lourd de
sens. Comme le montre la Cour des Comptes dans son
rapport concernant la Protection Judiciaire de la Jeunesse publié en juillet 2003, l’introduction progressive des associations dans le suivi des mineurs a abouti à une véritable éviction du service
public. Le même rapport fustige en outre les conséquences financières des délégations.
Le SNEPAP-FSU refuse l’abandon du champ de la probation par les SPIP et la transformation de leurs missions en un outil de gestion des flux carcéraux via la seule logique de l’aménagement des peines
d’emprisonnement. Combien d’incarcérations pourraient être
évitées à la condition d’assurer réellement le suivi des peines
de probation qui marquent souvent les premières étapes d’un
parcours pénal ?! Combien de SME, de TIG, de SSJ dans les
placards des SPIP, faute de personnels en nombre
suffisants ?! Cette situation de constante pénurie doit
cesser !
Dans ce contexte, les annonces du Projet de Loi de Finances 2011
relèvent de la provocation. Le SNEPAP-FSU continuera d’exiger
les moyens humains dignes d’un service public de qualité !
Le SNEPAP-FSU exige la constitution d’organigrammes dans les SPIP pour toutes les catégories
de personnels, qui fixent des seuils de prises en charges pour assurer un travail de qualité et un
suivi effectif de toutes les mesures et sanctions pénales !
Le SNEPAP-FSU exige que le plan budgétaire triennal (2011 – 2014) prévoie les recrutements de
personnels de toutes catégories, nécessaires pour atteindre cet objectif !
Le SNEPAP-FSU exige la fin du dispositif de pré-affectation des stagiaires sur poste vacant afin
d’assurer que chaque poste budgétaire corresponde réellement à celui d’un titulaire formé en
position de prendre en charge des dossiers !
Le SNEPAP-FSU exige la création d’équipes de « CIP placés » chargés de venir en renfort des
services en difficultés qui dépasseraient provisoirement les seuils de prise en charge définis !
LE SNEPAP-FSU REVENDIQUE LA RECONNAISSANCE DES SPIP EN QUALITE D’ACTEURS
CENTRAUX DE L’EXECUTION DES MESURES ET SANCTIONS PENALES,
SERVICES PUBLICS D’ETAT, GARANTS DE LA COHERENCE ET DE L’EQUITE D’UNE POLITIQUE
PENALE AU SERVICE D’UNE PREVENTION DE LA RECIDIVE EFFICACE ET JUSTE…