Comité Technique Ministériel du vendredi 29 mai 2015 : déclaration liminaire

Malgré des mobilisations d’importance, notamment contre les politiques d’austérité, amplifiées par des désaveux électoraux, le gouvernement poursuit son programme économique et social, sourd et impassible. Le chômage, notamment celui des jeunes, atteint un taux record. La politique de restriction budgétaire touche tous les secteurs alors que d’autres alternatives se font entendre en Grèce mais aussi en Espagne.

En France, si cette politique perdure, la situation des services publics n’est pas prête de s’améliorer. Ils ont pourtant, dans un contexte de crise, un rôle décisif dans la réduction des inégalités ; encore faut-il qu’ils aient les moyens de le tenir… L’annonce d’une augmentation du budget de la défense de 3,8 milliards d’euros supplémentaires pour les 4 ans à venir marque la consécration d’une nouvelle priorité : prioriser le budget militaire pour financer, notamment, les opérations extérieures au détriment des budgets sociaux et des politiques d’avenir, est un signe plus que préoccupant pour notre pays.

PDF - 256.4 ko

Une nouvelle priorité qui n’a en réalité rien de nouveau en ce qu’elle s’inscrit pleinement dans une dynamique sécuritariste. Le plan de lutte contre la radicalisation violente en était un premier pan.

Nous devons à ce titre relever la totale opacité dans lequel il se décline ; aucun dialogue de fond au niveau ministériel ; aucun embryon d’information et d’échange à la Direction de l’Administration Pénitentiaire.

Le projet de loi renseignement en est le troisième volet. Un texte dont la portée, qui dépasse de loin la lutte contre le terrorisme, facteur de sidération de la classe politique, rend le choix de la procédure parlementaire d’urgence indigne d’un débat démocratique. Attentatoire aux libertés collectives et individuelles, elle légalise des pratiques abusives et permet la surveillance massive des citoyens sans garantie de contrôle suffisante. En intégrant le Ministère de la Justice dans la liste des Ministères

prescripteurs, elle soulève des questions de principe ; pour l’administration pénitentiaire, principale visée, la confusion des missions serait lourde de sens et de conséquence.

Confusion des missions, toujours. Une circulaire dite de « vigilance opérationnelle » co-signée le 3 mars 2015 par la Direction des Services Judiciaires, la Direction des Affaires Criminelles et des Grâces et la Direction de l’Administration Pénitentiaire, entend renforcer la « collaboration des juridictions et de l’AP dans le processus d’exécution des peines et de gestion des situations pénales ».

Dans les faits, elle conduit à une extension des responsabilités dans les hypothèses de défaillance, toujours plus facile que de donner aux services compétents les moyens humains et matériels pour répondre à leurs missions ; elle sort complètement les Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation de leur champ de compétence et met davantage de pression encore sur les greffes pénitentiaires.

La réforme pénale. Il est encore trop tôt pour en tirer un quelconque bilan, si ça n’est celui de l’accroissement des tâches, en décalage complet avec le déploiement des ressources humaines. Elle entendait consacrer et valoriser les SPIP et leurs missions. C’est une bonne chose. Mais l’heure est venue d’une pleine reconnaissance ; la reconnaissance statutaire. Le statut des directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation est devenu totalement obsolète, pour ne pas dire insultant ; il n’est plus en adéquation avec les responsabilités et les contraintes qui pèsent

désormais sur l’encadrement du SPIP, sur la filière dans son ensemble. Le lien avec le statut des CPIP est indissoluble. Le passage vers la catégorie A, depuis longtemps promis, est devenu incontournable. Les discussions statutaires concernant les DSP et les officiers sont légitimes ; mais le fossé se creuse, et la filière insertion et probation ne regardera pas passer le train, nous en faisons devant vous la promesse.

D’autre part, la FSU réaffirme l’urgence à réformer de façon ambitieuse et progressiste

l’ordonnance de 1945. Les chiffres du ministère de la Justice pour 2013 font apparaître une hausse de l’incarcération des mineurs par rapport à 2012. Les chiffres pour 2014 ne sont pas encore publiés. Nous pensons que c’est une déclinaison logique des dispositifs législatifs répressifs adoptés sous le précédent gouvernement (procédures rapides, place prépondérante des parquets au détriment de celle du juge des enfants, mise à mal de l’excuse atténuante de minorité pour les 16/18 ans, TCM…), dispositifs toujours en vigueur.

Le travail engagé par la DPJJ sur le rétablissement des fondamentaux de l’action éducative sera sans impact sur la situation des adolescents si une réforme de l’ordonnance de 1945 ne voit pas le jour. De plus, la création significative de postes, notamment de psychologues, dans le cadre du plan anti radicalisation ne vient pas combler les pertes conséquentes subies.

La FSU souhaite attirer solennellement l’attention sur la situation des ASS du ministère de la Justice.

La gestion des ASS par le Ministère des Affaires Sociales a toujours été compliquée en ce qu’elle fait cohabiter de façon artificielle des pratiques professionnelles différentes. Cette gestion n’a été en rien bénéfique pour les agents, bien au contraire. C’est pour cela que nous réclamons le retour de la gestion de ses ASS par le ministère de la justice. Hier, les délégations FSU/CGT et CFDT ont boycotté

la CAP de mobilité. En effet, contrairement aux CAP précédentes et sans discussion préalable, le Ministère des Affaires Sociales a décidé que seul l’avis du responsable de service demandé par l’agent serait retenu comme critère pour la mobilité. La grande majorité des demandes de mutation concerne le ministère de la justice (22 contre 2 pour les autres ministères). Concrètement, tous les postes du ministère sont donc traités comme des postes à profil. Nous ne pouvons accepter cette

modalité de mutation qui remet, de fait, en cause le diplôme d’Etat, en exigeant des compétences différentes suivant les postes. Nous exigeons une intervention du ministère dans ce dossier, avant la reconvocation de la CAP.

Concernant l’ordre du jour, et plus précisément l’agenda social, la FSU aura bien du mal à dissimuler son exaspération. A la mi-2015, les organisations professionnelles et l’administration en sont toujours à discuter de ce dont…. elles vont discuter en 2015. La situation serait comique si les sujets à traiter n’étaient pas aussi sérieux.

La création d’un corps de psychologue du Ministère de la Justice est annoncée depuis 3 ans. Les travaux ont été engagés il y a un an, pour être aussitôt suspendus. Combien de calendriers évoqués, pour autant de reports ? A la lumière de celui qui nous est aujourd’hui soumis, qui peut croire que le décret sera publié avant 2016, dernière promesse en date ? Les psychologues de la DAP, tous sous contrats, subissant déjà une gestion lamentable de leur situation, paient le prix des paroles

non tenues. L’administration doit aujourd’hui entendre qu’elle est en train de créer, seule, les conditions d’une cristalisation des positions ; elle devra en assumer toutes les conséquences.

Paris, le 29 mai 2015

TOP