Comité technique SPIP du 10 mars 2015

Pour la première depuis son rétablissement, le Comité technique SPIP (CT SPIP) s’est réuni le 10 mars. Dans cette nouvelle configuration, il est peu dire que l’An I du dialogue social entre la Direction de l’Administration Pénitentiaire et les organisations professionnelles représentatives des SPIP s’est ouvert sur fond de tensions. La première réunion d’un CT en début de mandat donne lieu à une tradition aussi ancienne que la roue : un projet de règlement intérieur dudit CT est examiné et soumis au vote, les organisations professionnelles proposent quelques amendements, l’administration rejette ces propositions, les organisations professionnelles boudent. La tradition a bien été respectée ! A ceci près que la Présidente du CT, Directrice de l’Administration Pénitentiaire, s’est fendue de quelques propos pour le moins maladroits et s’est drapée dans une posture à la limite de l’autoritarisme.

Curieuse entrée en matière, néanmoins symbole des incompréhensions et des choix regrettables qui ont émaillé les 18 derniers mois ; de mauvaise augure pour l’avenir.

Passons, les deux principales organisations professionnelles ont envoyé un message ; gageons que l’administration l’aura entendu. Des sujets majeurs étaient à l’ordre du jour.

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Code de déontologie des personnels : le dérapage…

Ce CT fut l’occasion de « discuter » d’un projet de décret visant à modifier ce code de déontologie sur plusieurs points.

Le SNEPAP-FSU s’est fermement opposé à l’une de ses dispositions.

Actuellement, un personnel doit informer son chef de service de l’existence de relations non justifiées par les nécessités de service avec une personne placée sous main de justice, ainsi qu’avec ses parents et amis, lorsque cette dernière est écrouée dans l’établissement ou suivi ou le service dans lequel l’agent évolue. Désormais, lorsqu’un agent demandera un permis de visite pour motif familial, quelque ce soit le lieu de détention, il devra préciser son appartenance à l’administration pénitentiaire et son lieu d’exercice. Soit…

Mais voici où le bât blesse : le texte remanié obligerait désormais les personnels à systématiquement informer leur hiérarchie « des relations non justifiées par les nécessités de service qu’il a entretenues avec les personnes placées sous main de justice ainsi qu’avec leurs parents ou amis » : partout sur le territoire, relations passées et présentes, peine en cours ou potentiellement achevée. L’absence de proportionnalité entre l’objectif visé (pour le moins obscur) et la contrainte créée est flagrante. Cette contrainte est absolument attentatoire au droit des personnels et de toute personne à voir leur vie privée respectée. L’administration estime que le texte est « équilibré » et refuse de l’amender. Le SNEPAP-FSU renouvellera, devant la Ministre, son opposition à l’occasion du Comité Technique Ministériel (CTM) qui examinera à son tour ce projet le 17 mars.

Un manuel de mise en œuvre de la contrainte pénale

L’administration centrale a élaboré un projet de manuel dont l’objet est d’accompagner la mise en œuvre opérationnelle de la nouvelle peine de contrainte pénale. Ce document pour le moins étoffé (60 pages) décline les différentes étapes du processus de suivi : de l’évaluation initiale et continue, en passant par la planification et la mise en œuvre des différentes modalités d’intervention. Il adosse la démarche à un cadre de références théoriques.

Il y a quelques semaines, le SNEPAP-FSU avait eu l’occasion d’échanger avec la Direction de projet SPIP sur une première version du manuel et une contribution écrite avait été remise à l’issue de cette réunion.

Sur la forme, notre organisation a rappelé combien il était nécessaire de prendre le temps d’associer les personnels et leurs organisations représentatives. Il est en effet impossible de mener une discussion constructive sur la rédaction d’un manuel à l’occasion d’une unique audience terminale dont l’objet est un produit quasi-fini.

Sur le fond, nous soutenons la démarche : il est intéressant et indispensable de faciliter la circulation des connaissances et d’expliciter l’origine des bonnes pratiques par un cadre de référence théorique. En asséner une longue liste sans que les professionnels n’en partagent l’intérêt est un écueil que l’administration pénitentiaire a rarement su éviter. Elle en a aujourd’hui l’occasion. Mais elle doit s’attacher à la nécessaire accessibilité des documents mis à disposition des professionnels, tout en luttant contre les raccourcis faciles, comme l’idée selon laquelle la probation française serait née un beau matin du 15 août 2014. Les personnels n’ont qu’un seul objectif : accompagner la sortie de la délinquance des personnes placées sous main de justice. Les carences en ressources humaines doivent inévitablement être prises en compte dans la démarche, mais elles n’interdisent pas un questionnement permanent visant à améliorer les pratiques.

Comment refuser, aujourd’hui, de discuter d’un document qui se propose de soutenir les personnels, de manière très opérationnelle, dans la mise en œuvre d’une nouvelle peine ? Comment contester la déclinaison de principes qui rappellent les fondamentaux et visent à l’harmonisation (et non l’uniformisation) des pratiques : articulation des interventions autour des besoins, des facteurs positifs, des ressources et de la réceptivité de la personne ; favoriser l’entrée en relation avec celle-ci, et poser les conditions d’une co-construction d’un parcours d’exécution de peine ; rappeler les clefs de la motivation au changement ?

Pour ce qui concerne le cadre de référence théorique, le manuel prend appui sur les différents courants de pensées existants. Il en est ainsi du « RBR », mentionné par l’article 66 des règles européennes relatives à la probation1 , dont la déclinaison opérationnelle a fait l’objet des études de fiabilité les plus poussées. Le manuel expose aussi les courants du Good Lives Model (GLM) et de la désistance. Ce dernier, s’il ne rejette pas le RBR puisqu’il le complète, cherche à limiter les dérives potentielles d’une méthodologie d’intervention exclusivement centrée sur les risques, ce qui n’est pas sans effet sur la qualité de l’adhésion et de l’investissement de la personne sous main de justice.

Même s’il reste encore du chemin à parcourir, le SNEPAP-FSU a déjà obtenu un certain nombre de modifications. Sur la forme du document, qui reste néanmoins toujours dense ; mais aussi sur le fond : de la définition de la finalité de l’évaluation à une explicitation de l’appréciation de la réceptivité et de l’adhésion de la personne suivie ; en passant par une profonde simplification quant au formalisme des réunions de la Commission Pluridisciplinaire Interne (CPI), ou par une redéfinition du rôle des différents acteurs en son sein. Notons la possible présence de la personne placée sous main de justice à l’occasion des réunions de la CPI, démarche intéressante dès lors qu’elle n’est pas une fin en soi dans la recherche d’adhésion.

Le SNEPAP-FSU continuera d’œuvrer pour l’amélioration de ce projet. Notamment pour casser la rigidité induite par les 4 entretiens imposés, en plus de l’entretien d’accueil. L’entretien d’accueil ou un potentiel entretien avec un psychologue du SPIP doivent pouvoir être considérés comme l’une de ces 4 échéances.

Enfin, le SNEPAP-FSU souhaite que le recours à la justice restaurative soit strictement encadré et pensé.

Ce projet doit rapidement prendre le chemin des services, où il donnera lieu à de nouvelles réflexions dans le cadre de groupes de travail locaux. Cela va dans le sens d’une appropriation, par les personnels, de la démarche et des travaux. Le document continuera d’être travaillé par les organisations professionnelles à l’occasion d’un groupe de travail ; c’est un engagement de la DAP. Il sera de nouveau soumis au CT SPIP en juin prochain.

Autre sujet d’importance à l’ordre du jour : un point d’étape sur la recherche-action relative à l’évaluation des publics conduite dans 6 SPIP, sous l’égide de deux universités (Rennes et Montréal). Le SNEPAP-FSU réclamait de longue date un début d’échange sur ce sujet pour le moins sensible.

Les travaux sont entrés dans une phase active il y a quelques semaines. Ils se dérouleront sur deux ans, en deux temps : il s’agit en premier lieu de mettre à plat l’existant, d’examiner les pratiques locales, puis de travailler à partir d’outils ou de méthodes ayant prouvé leur efficacité à l’étranger, en testant plusieurs d’entre eux. Il s’agira par la suite d’étudier la compréhension, la perception des personnes placées sous main de justice, l’impact de ces méthodes sur les relations.

Le SNEPAP-FSU partage l’objectif qui vise à favoriser l’individualisation de l’exécution des peines. Le choix de ne pas se focaliser sur un seul outil, de ne pas braquer les pratiques, est appréciable.

La direction de l’administration pénitentiaire communiquera prochainement à destination des personnels. Le SNEPAP-FSU se voit une nouvelle fois entendu quant à l’intérêt de partager l’information, sur les travaux en cours, avec l’ensemble des personnels.

A l’occasion de la réunion de ce Comité technique, nous sommes enfin rentrés dans le vif du sujet. Les travaux en cours sont sur la « place publique ». Au-delà des tensions et des divergences de fond, nous devons nous féliciter de la volonté des deux principales organisations professionnelles représentatives des SPIP d’alimenter les échanges. Les lignes bougent … cette autre organisation professionnelle intègre désormais la criminologie, aux côtés de la sociologie et du travail social, dans le corpus théorique des pratiques professionnelles…

Il ne reste plus qu’à espérer que les autres organisations présentes au CT SPIP se joignent au mouvement, en ne se contentant pas de le suivre. Il est triste de constater qu’une organisation s’exprime plus dans un tract de sortie de CT, qu’à l’occasion dudit CT, où ses prises de paroles se sont comptées en secondes. Il ne suffira pas, pour l’UFAP-UNSA, de communiquer sur la base des seules prises de positions des autres organisations professionnelles, comme elle vient de le faire. Les personnels n’attendent pas des commentaires de commentaires, mais du fond. Le SNEPAP-FSU est un éternel optimiste alors, « Keep calm, and carry on… »

Paris, le 13 mars 2015

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