DAVC : Les cobayes de l’An 1…. Après Pornic.
Depuis le 1er mars 2012, à peine plus d’un an après l’affaire dite « de Pornic », la direction de
l’Administration Pénitentiaire a fait le choix d’imposer l’utilisation systématique de l’outil DAVC dans tous
les SPIP de France.
Paris le 15 mars 2012
Malgré de multiples interpellations et mises en garde du
SNEPAP-FSU depuis la parution du décret portant
création d’APPI et de la circulaire relative au DAVC, la
DAP n’a pas dévié de sa route. La seconde sortie en salle
du film Titanic inspirerait-elle la rue du Renard ?
Pourtant, dans le véritable naufrage qui s’annonce, la
DAP aura bien du mal à rivaliser avec les moyens
technologiques de la nouvelle version 3D du célèbre
paquebot… Car son outil, obligatoire depuis deux
semaines, cumule les incidents et dysfonctionnements
de toutes sortes : pertes de données au moment de
l’impression, commentaires JAP transmis à toute une
antenne qui ne prend pas en charge les probationnaires
concernés…
A cet égard, le message électronique des deux sousdirections
de la DAP concernées, transmis en
catastrophe le 29 février, à la veille de la mise en oeuvre
du DAVC, puis la note DAP du 13 mars 2012, sonnent
comme un aveu tragique de ce que tout le monde
pressentait déjà, de ce que le SNEPAP-FSU n’a eu de
cesse de dénoncer : rien n’est prêt pour la mise en
oeuvre de cet outil.
Le dispositif technique n’est évidemment pas abouti,
faute d’une expérimentation sérieuse qui aurait du
permettre d’identifier l’ensemble des difficultés qui ne
se révèlent donc qu’aujourd’hui. Bien plus, alors que la
note du 13 mars avoue que ces difficultés font souvent
« obstacles » à l’appropriation du DAVC par les
personnels, elle n’en revient pas moins sur le caractère
obligatoire de son utilisation et renvoie à des évolutions
techniques ultérieures. Dans le même registre, elle
promet aux SPIP de faire évoluer prochainement la
visibilité du DAVC pour la restreindre aux seuls
magistrats du siège mandants et du parquet de la
juridiction (non exclusivement mandants), mettant fin à
une visibilité nationale qu’elle n’avait pas anticipée. Elle
indique « Parmi ces difficultés (techniques), figurait celle
relative à la visibilité par l’autorité judiciaire ». En
rangeant la visibilité par l’autorité judiciaire au simple
rang des « difficultés techniques », la DAP ignore
sciemment que c’est bien cette visibilité par l’autorité
judiciaire qui a détourné le DAVC de son objectif initial
– d’un outil méthodologique interne aux SPIP à un
rapport à l’autorité judiciaire, et que c’est
principalement ce que contestent les personnels
aujourd’hui.
Les garanties juridiques dues aux personnes prises en
charges, annoncées devant la CNIL et par la circulaire
du 8 novembre 2011, concernant en particulier le droit
d’accès et de rectification, ne sont pas en place. Tout
juste, le courrier des sous-directeurs PMJ et SD préciset-
il que « la sous direction SD, assurant le pilotage de
l’application de la loi du 6 janvier 1978 (droit d’accès et
de rectification des données nominatives), vous rendra
destinataire, dans les meilleurs délais, d’instructions
spécifiques relatives au DAVC s’agissant notamment de la
communication, de l’affichage et de la notice individuelle
prévue par le décret APPI et l’avis CNIL. »
Bien sûr, pour réfléchir plus avant, une fois ces
dispositions formelles prises, à leur impact sur le long
terme sur les pratiques des SPIP et sur l’évolution
induite de la relation entre les professionnels et les
personnes sous main de Justice, il faudra prendre son
mal en patience. Il faut dire que la suppression du CTPSE
a fait disparaître le seul espace de dialogue sur la
méthodologie des SPIP.
Au-delà de ce point particulier, c’est toute la réflexion
autour de la mise en oeuvre de ce diagnostic, de sa
finalité et de son utilisation qui est abandonnée. Qui
est aujourd’hui capable de donner un sens à
l’agglomérat d’informations comprises dans le DAVC ? A
titre d’exemple, quel objectif place-t-on derrière
l’interrogation sur l’environnement social et familial en
matière de prévention de la récidive ? Quelles
informations sont significatives pour l’évaluation de
chaque item, parmi ceux qui sont susceptibles d’une
analyse ? Faute d’avoir mobilisé les savoirs scientifiques
dans ce domaine et surtout de les avoir fait connaître
aux personnels d’insertion et de probation, la DAP leur
livre un outil dont ils ne peuvent saisir l’éventuelle
pertinence.
En effet, sur la question de la formation, la DAP
s’illustre une nouvelle fois par son insuffisance. Elle
annonce ainsi la mise en place bien tardive de deux
modules de formation continue (« sensibilisation aux
enjeux de la criminologie » et « DAVC : de l’évaluation
aux modalités de suivi »). Au-delà du manque d’ambition
d’intitulés aussi restrictifs, force est de constater que de
la volonté à la réalité, il y a un abîme dans lequel la DAP
plonge irrémédiablement. Ainsi, les DISP sollicitentelles
en catastrophe psychologues PEP ou PPR,
référents APPI et tout professionnel qui de près ou de
loin peut avoir quelque compétence en matière
d’évaluation des publics ou d’utilisation d’APPI, pour
assurer la formation des CPIP. Que dire de collègues
ayant candidaté pour une « formation APPI », devenue
précipitamment « formation DAVC » ? Que dire de ces
mêmes collègues devenus « formateurs » au terme
d’une session de 2 heures, chargés d’assurer des
journées de formation de 7 heures auprès de leurs
collègues !?
Refusant de se donner les moyens de ses ambitions, la
DAP assure donc le service minimum en matière
d’accompagnement des services et des personnels. Le
déploiement d’un outil de diagnostic supposait
préalablement l’arrivée de professionnels plus
coutumiers des techniques d’évaluation clinique.
Pourtant, si la loi de programmation relative à
l’exécution des peines prévoit dans son rapport annexe
les recrutements de 103 psychologues pour les SPIP,
nul ne sait à quelle échéance ils seront recrutés, formés
aux missions spécifiques des SPIP et enfin disponibles
pour accompagner les personnels dans l’appropriation
des nouveaux outils, qu’il s’agisse des PPR ou du DAVC.
Las, la DAP est bien plus prompte à imposer un outil
inachevé qu’à assurer la constitution de véritables
services pluridisciplinaires, tel qu’elle s’était
pourtant engagée à le faire dans le protocole du 9 juillet
2009.
Au rang des moyens qui font gravement défaut, le
recrutement de personnels d’insertion et de
probation se fait toujours attendre. Il est pourtant
indispensable à toute autre projet dans les SPIP.
Comment se pencher sur les modalités et la finalité de
chaque suivi lorsqu’on a la charge de plus de 150
personnes ? Cette situation n’est pourtant pas
exceptionnelle.
L’évolution des méthodologies de prise en charge
devrait donc impérativement s’adosser à l’élaboration
et à la mise en oeuvre d’organigrammes des services.
Revendication constante du SNEPAP-FSU, la
constitution d’organigrammes avait été timidement
ébauchée en mai 2010. Notre exigence d’alors est
toujours d’actualité : « un travail de fond visant à établir
des effectifs de référence, pour tout type de personnels,
adossés à une mesure de l’activité réelle des services et
non à un état des lieux des effectifs actuels. Sur cette base,
des seuils de prises en charge pourraient être établis qui
permettraient en conséquence de travailler autour des
mécanismes de compensation ou de remplacement des
absences inhérentes à la vie des services (création de
postes de CIP « remplaçants », mise en oeuvre d’un taux de
calcul pour la compensation des besoins de service
(TCCBS), etc.). » (Extrait tract SNEPAP-FSU-7 mai 2010).
Depuis lors et malgré les injonctions de différents
rapports et, à présent, de la loi de programmation
relative à l’exécution des peines, la DAP n’a pas avancé
sur ce problème central. Tout juste se contente-t-elle
d’annoncer ces travaux sur la base d’une large
concertation au premier semestre 2012. A moins de 3
mois de l’échéance, nul ne sait où cette « concertation »
se tient.
Au rayon des concertations mystérieuses, celle qui
entoure l’élaboration de la circulaire annoncée sur la
typologie des suivis relève de la plus totale opacité.
Pourtant, ces travaux sont censés donner un sens à
l’utilisation du DAVC. Nous ne relèverons pas
l’incohérence d’imposer l’utilisation du DAVC sans avoir
mené à leur terme les travaux sur les suivis différenciés.
Pas plus que celle d’imposer l’utilisation en milieu
fermé, dans un délai extrêmement contraint, d’un
diagnostic conçu pour l’essentiel pour le milieu ouvert.
Ni celle de proposer aux SPIP de travailler à leur propre
définition de modalités de prises en charge alors que
l’administration centrale déclare préparer une
« réforme des typologies de suivi ». Les SPIP désignés
pilotes en 2008 dans le cadre de l’organisation des SPIP,
qui ont du se mobiliser et mobiliser les équipes sur des
projets par la suite abandonnés, apprécieront
certainement… La DAP n’est sans doute plus à une
inconséquence près.
Si un seul argument manquait à la DAP pour enfin entendre les personnels des SPIP, le SNEPAP-FSU invite
les sous-directeurs PMJ et SD à relire, à tête reposée, ce monument de langue de bois technocratique :
« S’agissant du champ d’application du DAVC, la note s’attachera, dans le respect de la circulaire du 8
novembre 2011, à fixer des priorités. Il convient de rappeler que la systématisation qui doit s’engager à
compter du 1er mars 2012 ne fait pas obstacle à la nécessaire poursuite de l’appropriation progressive du
DAVC par les services. Il s’agit bien évidemment de prendre en compte les difficultés spécifiques ainsi que les
obstacles techniques déjà évoqués plus haut qui sont en cours de résolution. Ces difficultés ne peuvent en
revanche justifier un refus de principe de recourir au DAVC. »
Il est plus que temps pour la DAP de revenir à un minimum de bon sens, de renoncer à ce passage
en force qui envoie les SPIP de France par le fond ! Les personnels des SPIP refusent d’être plus
longtemps des cobayes aux mains d’apprentis sorciers maladroits.