Déclaration Liminaire CTM du 26 juin 2018

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Comité Technique Ministériel du 26 juin 2018

Déclaration liminaire

Madame la Présidente, Madame la Garde Des Sceaux,

La majorité politique, dont vous faites partie, a confirmé son orientation libérale et austéritaire, creusant les inégalités au profit des plus fortuné-es. Elle entame aussi le démantèlement de l’état social, ciblant les populations les plus en difficulté. Cette orientation ultra libérale favorise le repli sur soi et les idées xénophobes, met à mal les solidarités, notamment en dégradant l’action des services publics.

Parallèlement, le gouvernement mène une politique sécuritaire contre les mouvements sociaux, citoyens et étudiants en utilisant les prérogatives de l‘état d’urgence intégrées dans le droit commun. Le projet de loi Asile et Immigration, présenté pour vote ce 26 juin 2018 au Sénat, porté par le ministre de l’intérieur est éminemment répressif, raciste et liberticide. Il reprend le principe de délation de la circulaire Collomb, prévoit de durcir le droit d’asile des migrant-es et augmente le nombre de jours en centre de rétention pour les adultes et les enfants en le passant de 45 à 90 jours. Il s’inscrit dans la poursuite d’une politique rejetante à l’égard des migrant-es, dont les Mineur-es Isolé-es Etranger-es, en lieu et place d’une véritable politique d’accueil et d’accompagnement.

Au sein du ministère de la justice, cette politique se décline avec le projet de loi de programmation de la justice 2018, qui vient renforcer les moyens budgétaires pour l’enfermement (20 CEF supplémentaires, 1 EPM, 15 000 nouvelles places de prison), fermer un grand nombre de tribunaux d’instance et transférer certains services vers le secteur privé du numérique, faisant fi de l’accès aux droits de chaque citoyen-ne.

La stratégie RH présentée pour avis à l’ordre du jour de ce Comité Technique Ministériel est la déclinaison de cette politique, d’un choix de société qui n’est pas le notre à la FSU Justice. Il ne viendra en rien améliorer les conditions de travail extrêmement dégradées des agents de ce ministère tant il s’appuie sur l’individualisme et le mérite. Individualiser de plus en plus en allant jusqu’à parler de « salaire au mérite » ne va pas dans le sens d’une meilleure efficacité des services rendus aux usager-es ni d’améliorations des conditions d’emploi pour les agents.

Renforcer la part du mérite dans la rémunération, par la mise en œuvre du RIFSEEP notamment, relève d’une notion subjective et variable. Elle nie les relations professionnelles dans un même collectif de travail, elle dessert l’intérêt commun qui est au cœur des missions et n’est pas adaptée aux travail et missions des agents de la Fonction publique. Cela pourrait même nuire au travail collectif nécessaire qui devrait être l’axe majeur de réflexion y compris en terme de reconnaissance de l’engagement des agents au service de l’intérêt général. Le télétravail dont il est question également dans la stratégie RH pose de nombreuses questions en terme d’isolement des agents et de la conception que nous avons du collectif de travail. La FSU Justice demande qu’un travail réflexif soit engagé avec les organisations syndicales avant toute généralisation.

Aujourd’hui, les revendications de la FSU Justice de meilleurs conditions de travail restent éminemment d’actualité, notamment au travers du projet de réforme de la filière socio-éducative de la Protection Judiciaire de la Jeunesse qui doit reconnaître le rôle et la place de l’ensemble de ces personnels (RUE, CSE, éducateur.trice.s, ASS). Par l’accès à la catégorie A type, ces professionnel-les revendiquent la pleine reconnaissance de leurs fonctions d’expertise, d’élaboration et de mise en œuvre dans l’exercice de leurs missions. Ils et elles refusent d’être enfermé-es par l’administration dans un simple rôle d’exécutant-e.

A ce titre la FSU justice soutient le mouvement de grève qui se déroule ce jour à la PJJ, pour dénoncer les projets a minima proposés par la DPJJ pour l‘ensemble de la filière socio-éducative et la création d’un statut de cadre éducatif qui ne correspond pas aux attentes des personnels.

De même, le projet de statut ministériel des psychologues ne convient pas à la FSU Justice, notamment parce qu’il refuse de reconnaître les spécificités des missions exercées au sein de chaque direction. Il risque, à terme, de remettre en cause l’exercice de la clinique à la PJJ et d’assigner ces personnels à une fonction d’évaluation et d’expertise.

Les personnels de la filière administrative et technique participent chaque jour à la mise en œuvre des missions de ce ministère et ont vu ces dernières années leurs métiers évoluer vers une prise de responsabilité de plus en plus importante. La FSU Justice revendique pour ces agents une revalorisation statutaire, notamment par l’intégration des Adjoint.e.s Administratif-ves en catégorie B. Concernant le corps d’Adjoint-es Techniques dans les directions autres que la DAP, la FSU a revendiqué une revalorisation de cette filière qui ne voit aucun débouché, notamment en catégorie B. Elle n’est pas envisagée à ce jour dans la stratégie RH du ministère.

Au sein de l’administration pénitentiaire, la volonté d’effacer la contrainte pénale de l’échelle des peines ne fait qu’illustrer l’absence de courage politique d’un gouvernement justifiant son action par l’affirmation erronée que l’opinion publique n’est pas prête ! Pour la FSU Justice, le développement de la peine de probation ne pourra être que le nouveau paradigme d’un traitement pénitentiaire et judiciaire plus juste et efficace.

Ce choix d’effacer cette mesure moderne est d’autant plus surprenant qu’enfin les SPIP voient aboutir une réforme d’envergure : le déploiement du Référentiel des Pratiques Opérationnelles 1. Ce corpus théorique qui s’inspire de modèles probants de prise en charge marquent une nouvelle étape forte dans l’histoire de l’administration pénitentiaire. Cependant, cet outil ne doit pas masquer le vide statutaire et indemnitaire qui règne pour les agents œuvrant au sein de ses services. Les DPIP se sentent totalement bafoué-es et ignoré-es par leur administration qui ne daignent pas leur donner le même poids que les DSP ; les CPIP se voient accorder un minuscule A qui ne leur donnent droit qu’à un traitement financier totalement inadapté à leur emploi ; les personnels de surveillance et les personnels administratifs des SPIP se perçoivent encore et toujours oubliés dans la reconnaissance de leurs exercices.

Depuis plusieurs semaines plusieurs groupes de travail sur la prévention des risques pyscho-sociaux sont en cours. Nous ne pouvons que féliciter l’administration d’avoir privilégié ce champ professionnel. Cependant, les agents attendent aussi une reconnaissance indemnitaire et statutaire dignes du champ d’intervention des SPIP et indispensable dans la prévention des RPS.

La DGAFP a réaffirmé la volonté du gouvernement d’étendre le recours au contrat dans la Fonction publique. Il envisage ainsi de modifier les lois et règlements qui limitent aujourd’hui le recrutement de contractuel-les. A terme, davantage d’emplois publics, y compris ceux qui correspondent à un besoin permanent du service public, pourraient être pourvus par un-e contractuel-le alors que le gouvernement ne répond toujours pas aux nécessaires améliorations à apporter aux conditions actuelles de recrutement, d’emplois des contractuel-les, de leur rémunération, de la formation et de leurs accès aux droits. Pour eux et elles, la FSU exige toujours un plan de titularisation.

La FSU dénonce le projet de démantèlement des instances paritaires, le mépris affiché par notre administration envers les représentant-es du personnel, dans la continuité de celui affiché par le gouvernement envers les corps intermédiaires. Les CAP ne traiteront plus les mobilités, les avancements et seront délocalisés régionalement, les CHSCT perdront leurs compétences et le rôle des représentant-es des personnels seront diminués. Pour la FSU, le maintien des instances de dialogue social est nécessaire, aussi bien pour le bon fonctionnement des services que pour les bonnes conditions de travail et déroulement de carrière des agents.

Par ailleurs, nous constatons avec inquiétude que les personnels du ministère de la Justice des Départements et des Collectivités d’Outre Mer font face à une pénurie de moyens dans la mise en œuvre des missions auprès des usager-es de ces territoires. L’Administration peine à reconnaître leur spécificité et leurs besoins (histoire, situation sociale très dégradée, organisation du temps de travail).

La FSU Justice continue de revendiquer la création d’une Direction Interrégionale Outre Mer à la DPJJ comme à la DAP et reste attachée à ce que la situation historique, économique et sociale des départements et collectivités d’Outre Mer soit prise en compte dans le cadre des recrutements.

Madame la Garde Des Sceaux, comme vous le constatez, la FSU Justice soulève de nombreux points discordants avec votre vision du travail mené au sein de ce ministère. Même si certains chantiers avancent positivement, comme la prévention des risques psycho-sociaux, nous attirons votre attention sur le fait que les choix idéologiques menés vont à contre-courant d’un service public de qualité et d’une juste reconnaissance des fonctionnaires qui œuvrent au quotidien. Il devient urgent d’agir en tenant compte de l’altérité proposée par notre organisation syndicale ; sinon, vos aurez aussi pris part à l’étranglement de ce Ministère.

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