Fusion des corps d’encadrement de l’administration pénitentiaire ?

Depuis leur création en 1999, pas une année ne s’est achevée sans que les SPIP ne soient concernés, directement ou indirectement, par une réforme.

Depuis la conférence de consensus, tout semble s’accélérer et une nouvelle dynamique s’amorce : abandon du DAVC, découverte ou redécouverte de supports nationaux ou internationaux (étude sur le SME réalisée par Sarah DINDO, Règles Européennes de la Probation issues d’une recommandation du Conseil de l’Europe), apports des méthodes de l’entretien motivationnel et du RBR, lancement d’un groupe de travail national sur l’organisation, le fonctionnement et la méthodologie d’intervention du SPIP, recherche-action sur l’évaluation des PPSMJ, etc.

La loi du 15 août 2014, les travaux et débats qui l’ont précédée, ont révélé la volonté de déplacer le centre de gravité de la prison à la probation, et celle d’oeuvrer pour une probation plus efficace.

C’est probablement la première fois que médias, élus, citoyens, ont, autrement que par un mouvement social ou l’exploitation d’un fait divers, découvert, ou re-découvert, l’existence de leurs Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation.

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C’est dans ce contexte que, voilà quelques mois, un appel à une fusion des corps d’encadrement de l’administration pénitentiaire était lancé par une organisation professionnelle représentative des Directeurs des services pénitentiaires, confirmant, si besoin en était, la place croissante et stratégique prise par la probation dans le système pénal et pénitentiaire français.

Le mardi 21 octobre 2014, à l’ENAP, une conférence-débat est organisée par des élèves DSP, intéressante initiative, sur le thème : « Les corps de l’administration pénitentiaire : un avenir commun ? ».

Dans une administration en mutation permanente, longtemps fragilisée par le profond déséquilibre et la méconnaissance entretenus entre les différents acteurs, cette question posée mérite un débat sincère.

Le SNEPAP-FSU, syndicat majoritaire pour les cadres des SPIP, a répondu à l’invitation et débattra avec les représentants des deux organisations professionnelles des Directeurs des services pénitentiaires ainsi qu’avec le public présent.

Quelques garde-fous doivent néanmoins être posés.

En premier lieu, il est indispensable d’inciter à la prudence lorsqu’un pavé est jeté dans la mare à quelques mois d’échéances électorales. La prudence est d’autant plus requise que la mare est en pleine ébullition.

L’attrait soudain pour les missions d’insertion et de probation ne doit pas masquer les motivations utilitaristes et électoralistes. Discuter de l’avenir des corps d’encadrement ? Pourquoi pas. Le SNEPAP-FSU aime discuter. Mais pourquoi maintenant ?

S’agit-il de permettre aux DPIP d’accéder à une revalorisation statutaire alors que s’achèvent les discussions qui conduisent les DSP vers la catégorie A+ ? S’agit-il de favoriser les mobilités ? S’agit-il de créer un corps unique rompu aux dernières évolutions criminologiques de la prise en charge des publics, de décloisonner les services, de réorienter la gestion de la détention vers d’autres cieux ? Quelle plus-value pour les SPIP et les établissements mais surtout quels apports dans la prise en charge des PPSMJ ?

Le SNEPAP-FSU a longtemps porté seul la reconnaissance de la filière insertion et probation et de ses missions.

La revendication d’un corps autonome et hiérarchisé s’est développée au cours des années 1970, pour s’accélérer dans les années 80. Dans une gestion pénitentiaire à corps (et sens) unique, dans un contexte où il était pour le moins difficile pour un personnel éducatif ultra-minoritaire et non considéré de détourner l’administration pénitentiaire d’une gestion sécuritaire des établissements1, l’idée qu’une hiérarchie propre pouvait favoriser la prise en compte de la spécificité du travail éducatif et de la probation est devenue prégnante.

Avant que le SNEPAP-FSU n’obtienne la création des SPIP (écartée par toutes les organisations professionnelles, sans exception, en 1999), avant que le SNEPAP-FSU n’obtienne la création d’un corps de direction propre en 2005, et que plus récemment encore des cadres issus de la filière occupent, enfin, des postes à haut niveau de responsabilité, il était un autre temps.

Celui où la probation était évoquée avec le sourire ; celui où les personnels de la filière, pourtant les seuls à suivre l’intégralité des personnes confiées à notre administration, étaient marginalisés à outrance, lorsqu’ils n’étaient tout simplement pas regardés comme des empêcheurs de gérer une détention « en rond ».

Ces temps sont-ils révolus ? Le seul fait que la question de l’avenir des corps d’encadrement se pose, nous donne une idée de l’envie, pour nombre d’acteurs, de tourner une page. Mais dans quel sens ? Pour revenir en arrière et ficeler les SPIP ou franchir une nouvelle étape d’émancipation ? La page n’est pas encore pleine.

Le SNEPAP-FSU considère qu’une éventuelle fusion des corps d’encadrement, au même titre qu’un débat sur la création d’une Direction Autonome de la Probation, ne peut en aucun cas être un préalable, et qu’elle ne saurait être envisagée que comme une conséquence possible. Conséquence de la réflexion en cours sur la probation, sur ses objectifs, sur son organisation, ses moyens et ses méthodes. Conséquence d’une reconnaissance effective, et définitive de missions partagées, y compris sur le plan matériel. Sur ces points, il reste du chemin à parcourir…

Le SNEPAP-FSU revendique une revalorisation statutaire pour l’ensemble des personnels, lesquels ne cessent d’être sollicités et de déployer toujours plus d’adaptation, d’implication, de compétences et de connaissances. La retouche apportée aux statuts de DIP et DFPIP en 2011 n’a pas pris en considération cette réalité. Une fusion des corps d’encadrement, sans remise à niveau préalable, pourrait avoir des conséquences fâcheuses pour les personnes issues de la filière insertion et probation.

Nos revendications s’inscrivent en outre dans une approche statutaire d’ensemble, et non corporatiste, couplées à celle des métiers et des missions : catégorie A + pour le corps d’encadrement, A pour les CPIP, B pour les personnels de surveillance.

Pour le SNEPAP-FSU, le travail en cours sur les méthodes d’intervention, les relations avec les universités afin de mieux évaluer les situations et de mesurer l’impact de l’intervention pénitentiaire, va de paire avec une revalorisation des personnels et une augmentation des moyens des SPIP.

La reconnaissance sous toutes ses formes et à tous niveaux du corps d’encadrement des SPIP, qui vient pour la première fois de dépasser en nombre le corps de DSP, et des missions de nos services, doit être un préalable au débat sur la fusion des corps.

Le débat est sain, il éclaire nos esprits.

Mais il ne doit pas conduire les personnels à prendre des vessies pour des lanternes.

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