Les peines planchers : un projet bas de plafond !

Le nouveau projet de loi sur la récidive présenté par la ministre de la justice doit être débattu au Sénat dès le 5 juillet.

Ce projet de loi prévoit l’application de peines « planchers » aux auteurs en récidive légale. La peine « plancher » est par exemple de : 1 an pour un délit punissable de 3 ans, 4 ans pour un délit punissable d’une peine de 10 ans, 5 ans pour un crime punissable de 15 ans d’emprisonnement, jusqu’à un maximum de 15 ans pour un crime pour lequel la réclusion à perpétuité est encourue.

La marge de manœuvre du juge est ainsi fortement réduite par ce seuil de peine en-dessous duquel il ne pourra descendre qu’à titre dérogatoire et de façon limitée au regard « des circonstances de l’infraction, de la personnalité de l’auteur et des garanties d’insertion ou de réinsertion ». En cas de nouvelle récidive, la dérogation au plancher est encore plus retreinte : elle ne sera possible pour les crimes et pour certains délits qu’en cas « de garantie exceptionnelle d’insertion ou de réinsertion ». Cela étant, le projet de loi ne précise pas comment apprécier le caractère exceptionnelle des conditions d’insertion ou de réinsertion !

Les mineurs ne sont pas épargnés puisque les peines planchers s’appliqueront aux

mineurs dés l’âge de 13 ans et que le principe de l’atténuation de peine

pour les mineurs de 16 à 18 ans est remis en cause !

Pour le SNEPAP-FSU, ce projet de loi est démagogique, parce qu’il repose sur des postulats particulièrement contestables et ne répond pas au problème posé. Il pourrait en outre avoir des conséquences inverses à celles recherchées.

Une justice pénale insuffisamment répressive comme premier postulat : autrement dit, la justice est laxiste (rappelez vous de la polémique sur les juges des enfants de Bobigny). La solution est donc de contraindre les juges en instaurant des peines « planchers », balayant par là même le nécessaire principe de l’individualisation des peines.

Or, les réponses répressives existent dans notre droit et sont appliquées. Rappelons que les juges, présumés laxistes, sont depuis la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive, fortement incités à prononcer plus systématiquement des peines fermes (le nombre de peines avec sursis est limité, l’incarcération immédiate devient le principe en cas de comparution immédiate des récidivistes), si bien que la grande majorité des récidivistes se voient aujourd’hui condamnés à une peine ferme. Ainsi, le prétendu laxisme des juges relève d’un fantasme et d’un simplisme déconcertant. D’ailleurs, ce n’est pas la supposé trop grande mansuétude des juges qui explique qu’au 1er juin 2007, quasi 64000 personnes se trouvent sous écrou !

Ensuite cette idée entretient l’amalgame entre répression et prison, amalgame qu’il convient de dénoncer : les peines dites « alternatives » sont de vrais sanctions pénales, intelligentes parce que responsabilisantes, et peuvent s’avérer plus adaptée à une personne à un moment donné quelque soit sont « parcours » délinquant ; a contrario, la peine de prison, une fois prononcée, ne prend sens que si elle est doublée d’un accompagnement et d’une préparation à la sortie

Instaurer des peines de prison plus sévères et automatiques pour diminuer le risque de récidive est le second postulat. C’est la prétendue vertu dissuasive de la peine. Le passage à l’acte se réduirait à un choix, voir à un calcul. Or, tous les professionnels en contact avec des personnes délinquantes savent que le passage à l’acte est autrement plus complexe que la logique simpliste qui nous est proposée, et ceci d’autant plus lorsque l’auteur est récidiviste. Les causes de la délinquance sont multiples et complexes, et c’est ce qu’il faut tenter d’analyser, de façon collective comme de façon individualisée, pour limiter la récidive.

On peut craindre enfin que ce projet de loi ait des conséquences inverses à celles recherchées : par la systématisation de la peine de prison et par l’allongement des peines fermes prononcées, cette loi se traduira par une aggravation de la surpopulation pénale. Les conditions actuelles d’emprisonnement sont déjà connues et dénoncées comme étant criminogènes. Condamner plus lourdement les récidivistes reviendra à favoriser les conditions de la récidive. Ce problème est d’autant plus sérieux que la justice pénale manque déjà cruellement de moyens dédiés à l’insertion des personnes détenues, et aux services pénitentiaires d’insertion et de probation qui ne parviennent pas à suivre les 60 800 personnes actuellement incarcérées.

Pour le SNEPAP-FSU, lutter contre la récidive nécessite de rechercher inlassablement les causes de la délinquance des majeurs comme des mineurs et de s’attaquer en priorité à elles, en attribuant notamment au service public de la justice les moyens adéquats. L’examen de la personnalité, des circonstances de l’infraction (principe d’individualisation de la peine) et la proportionnalité de la peine à la gravité de l’acte doivent rester les principes intangibles de la justice.

Punir toujours plus sévèrement est pour certains une manifestation de force.

Pour le SNEPAP-FSU, c’est surtout un terrible aveu

de faiblesse et d’impuissance !

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