Lettre ouverte au DAP : déploiement du logiciel Origine
Monsieur le directeur,
Depuis plusieurs mois, le SNEPAP-FSU alerte l’administration sur les modalités de mise en oeuvre de
l’application ORIGINE dans les SPIP, dont l’expérimentation n’a fait l’objet à ce jour ni d’une évaluation, ni
d’une communication par vos services.
A l’heure où la généralisation de ce dispositif est menée à marche
forcée, les personnels des SPIP expérimentateurs sont très inquiets face à la réduction de leurs droits, induite
par des contraintes prétendument techniques et en dehors de tout cadre légal.
A plusieurs reprises déjà, et notamment lors d’une audience en juillet dernier avec la sous-directrice RH
de la DAP en présence du chef de bureau SD2 en charge du projet, le SNEPAP-FSU a évoqué les multiples
difficultés relevées sur les premiers sites expérimentaux :
Difficulté principale relative au report de crédit-temps au-delà du mois n+1.
Problème important de lisibilité et d’organisation pour les agents.
Difficulté également sur la question de l’acquisition des congés, notamment hors-saison, mais aussi
compensateurs « astreintes », « permanences délocalisées », temps partiels…
Imposition de contraintes non conformes aux chartes des temps locales
Rappelons préalablement que la filière insertion et probation comme la filière administrative ont
obtenu par la circulaire du 27 décembre 2001 puis par le protocole du 14 janvier 2002, un régime
horaire spécifique, en raison des contraintes de l’exercice de leurs missions. Or le logiciel Origine, dans
sa conception a été pensé pour s’appliquer à la filière surveillance sans envisager quelles conséquences cette
application pourrait avoir pour les droits acquis par les autres filières. L’administration, par l’intermédiaire
du responsable de ce dossier, Monsieur PINEY (chef du bureau SD2), a reconnu la perte de souplesse dans la
gestion des horaires, et s’est engagée à porter certaines corrections au logiciel, sans pouvoir préciser
lesquelles. Mais à ce jour, aucune réponse n’a été donnée à nos demandes de bilan tant en juillet que lors de la
CAP des CPIP du 2 octobre.
Les services expérimentateurs ont pu constater un seul progrès notable : ORIGINE est désormais doté
d’une fonction « calculatrice » qui permet de visualiser le temps de travail réalisé en débit ou crédit sur une
journée. Mais nous sommes loin des améliorations attendues. Bien plus, le temps confirme les lourdeurs, le
manque de souplesse, et surtout la remise en cause de certains droits acquis par le protocole de 14 janvier
2002, signé par notre organisation, au terme d’un mouvement social d’ampleur. Nous avons dénoncé ces
dérives depuis le début de l’expérimentation, auxquelles il faut maintenant ajouter la remise en question des
chartes des temps, atteinte inadmissible aux droits des personnels.
En effet, tout en persistant dans son affirmation que le logiciel ORIGINE a été programmé en application
conforme de la circulaire ARTT du 27 décembre 2001, certaines DISP, ont d’ores et déjà entrepris d’imposer
des modifications des chartes des temps afin de les rendre compatibles avec ORIGINE (amplitude horaire,
régime des délais de route, modalités de récupération du crédit-temps) : faute de vouloir adapter le matériel
aux exigences humaines, l’administration estime plus simple de renverser la logique et tente de faire admettre
aux personnels qu’ils ne peuvent faire autrement que de s’adapter à l’outil censé faciliter le fonctionnement
de leurs services !
Force est de constater qu’ORIGINE n’est pas adapté aux contraintes de travail des CPIP ou des personnels
administratifs, qui impliquent une indispensable souplesse dans l’organisation de leur temps, et que ce
logiciel est une hérésie tant il représente un gaspillage de temps de travail pour toutes celles et ceux qui ont à
assurer sa gestion quotidienne dans les SPIP.
L’interprétation restrictive des textes par la mise en oeuvre du logiciel ORIGINE est clairement contraire à
la circulaire pré-citée, qui laisse notamment à chaque charte des temps le soin de déterminer les modalités
d’organisation du temps de travail et de récupération de crédit-temps, dans les limites fixées par le décret.
De même, le non-report des heures de crédit-temps au-delà du mois suivant est parfaitement
contraire à l’esprit même de l’accord RTT : les heures acquises doivent pouvoir se reporter de mois en
mois, tant que l’agent n’est pas en mesure de les compenser en journées d’absence ou sur des plages variables
en fonction de son niveau d’activité. Or les charges de travail actuelles dans la plupart des services laissent
peu de marge de manoeuvre et les mois de baisse d’activité sont de plus en plus rares et en tout état de cause,
suivent rarement immédiatement un mois de forte activité. Cet état de fait risque de ne pas permettre aux
agents la récupération des heures effectuées. Les personnels, déjà submergés par leurs charges de travail,
n’accepteront pas dans ces conditions des demandes de travail supplémentaires en fin de mois, ce au
détriment du bon fonctionnement des services.
Pour le SNEPAP-FSU, rien ne justifie d‘imposer aux personnels de la filière insertion et probation
et administrative des dispositions plus contraignantes que la circulaire, et il n’est pas question
d’accepter la transformation des Comité Techniques Départementaux (CT-D) en vastes entreprises de
blanchiment de dispositions non négociées voire illégales.
Le déploiement d’ORIGINE dans les SPIP était préconisé par le rapport de la mission conjointe de
l’Inspection Générale des Finances et de l’Inspection Générale de Services Judiciaires afin d’assurer un
meilleur suivi des effectifs. Mais le rapport s’empressait de préciser : « ORIGINE doit être paramétré aux
spécificités des agents des SPIP, les règles de gestion de ces derniers étant différentes de celles applicables aux
personnels de surveillance : un travail de conception détaillé des besoins doit être réalisé par la DAP pour le
développement par la société informatique prestataire ». Aujourd’hui tout indique que la DAP a fait l’économie
de cette première étape et cherche résolument à imposer le mode de fonctionnement d’un logiciel inadapté.
Malgré nos multiples alertes sur ces difficultés, nous ne pouvons que constater l’inertie de l’Administration
Centrale alors que les DISP multiplient les passages en force, grâce notamment à la méconnaissance patente
du dossier par les organisations professionnelles qui siègent à ce niveau. Dans ces conditions, nous sommes
amenés à la conclusion que la DAP mène une expérimentation opaque et déloyale à l’égard des personnels et
qu’elle dissimule, sur couvert de modernisation, son véritable objectif qui est de réduire les droits acquis des
agents en matière de temps de travail. Le SNEPAP-FSU ne restera évidemment pas sans réaction face à de
telles remises en cause et sera prêt, sans réaction rapide de la part de l’administration, à prendre
toutes les mesures nécessaires pour obliger l’administration à mettre un terme à ce qui n’est à ce jour
qu’une expérimentation et donc sans dimension contraignante.
Le SNEPAP-FSU vous demande donc expressément la garantie du maintien des acquis des personnels des
SPIP en matière de gestion de leur temps de travail, et la communication de l’analyse de l‘expérimentation
menée depuis plusieurs mois. Les SPIP, leur encadrement, les agents qui y exercent, les organisations
professionnelles qui y oeuvrent, apprécieront à sa juste valeur, la considération que leur
administration leur accorde dans le contexte actuel…
Pour le SNEPAP-FSU,
Charlotte CLOAREC
Secrétaire Générale
Paris, le 19 octobre 2012
PS : Ce courrier sera rendu public.