Liminaire du Comité Technique Ministériel du 11 décembre 2012

Madame la Ministre,

Voici maintenant 6 mois nous avions senti un vent nouveau se lever sur les politiques pénales. Nos premières

rencontres, Madame la Ministre, nous laissaient espérer la mise en place d’une nouvelle politique pour notre

Service Public de la Justice.

Vous savez notre impatience, nous connaissons vos contraintes. Vous nous répondrez

tout à l’heure qu’il faut du temps au temps, et en cela la FSU ne peut que vous rejoindre après avoir vécu les

dernières années comme une course effrénée où l’action précédait la réflexion, voir remplaçait celle-ci.

Toutefois, madame la Ministre, si votre ambition consistant à faire le consensus en matière pénale est tout à fait

louable, elle ne doit pas vous faire oublier, qu’en la matière il sera difficilement atteignable. Il vous faudra donc

un jour ou l’autre trancher. Trancher pour mettre un terme au flux d’incarcération que continuent de générer les

peines planchers, trancher pour redonner à la peine un sens aboli par la rétention sûreté, trancher pour garantir

la spécificité de la Justice des mineurs en supprimant les tribunaux correctionnels pour mineurs…

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Le temps, Madame la Ministre est donc aux décisions. Votre circulaire de politique pénale, ambitieuse mais peu

contraignante, vous le savez vous-même, n’a pas donné une réelle ré-orientation à la machine judiciaire. La FSU

et les personnels du Ministère de la Justice attendent donc davantage.

Au-delà de ces décisions d’orientations générales attendues par les professionnels, le changement pourrait être

plus immédiatement perceptible sur le registre du dialogue social, or ce n’est pas complètement le cas. Malgré les

discussions qui avancent à la fonction publique sur le droit syndical et laissent présager un assouplissement des

textes, l’interprétation de ceux-ci est toujours restrictive au Ministère de la Justice : articles 13 du décret du 28

mai 1982, composition restrictive des groupes de travail, etc…

Nous ne mésestimons pas les contraintes actuelles mais nous ne pouvons accepter qu’un budget de crise justifie

le sort réservé aux personnels, alors même que cette crise frappe de vos agents et en priorité les salaires les plus

bas. Ainsi, en ce qui concerne les non titulaires, comment comprendre à quelques semaines de la mise en oeuvre

du plan de résorption de l’emploi précaire, le sort réservé à ceux-ci ? Savez vous, Madame la Ministre, que dans

vos services on ne renouvelle pas les contrats d’agents qui, de fait, n’atteindront jamais les conditions requises

par la loi pour être titularisés ? Au-delà des situations individuelles dramatiques que cette situation génère,

pourquoi laisser partir des compétences dont le service public a pourtant bien besoin ? L’administration a préféré,

à tort, recruter des contractuels plutôt que des titulaires, il est indispensable que les services bénéficient

définitivement de leurs savoirs faire en les titularisant désormais !

De même, les personnels administratifs de votre ministère peinent à remplir leurs missions. Pourtant ni

recrutements, ni revalorisations. Pire, leur rémunération indigne et le traitement qui leur est fait dans le cadre de

plateformes interrégionales dont on ne connaît pas l’avenir, est symptomatique de l’état général de la Fonction

Publique mais aussi de celui, délabré, de votre ministère.

Ce budget dit de crise ne doit pas non plus justifier la régression des conditions de travail et de la qualité du

service public écornée par des recrutement en deçà des ambitions que vous aviez affichées au moment de votre

arrivée, en deçà des promesses faites par le président au moment de son élection. En ce qui concerne les mesures

catégorielles, rappelons donc qu’une grande partie des personnels en sont exclus à l’exemple des personnels

administratifs, mais aussi de celui du corps majoritaire de la PJJ, celui d’éducateurs !

Dans ce contexte, l’action sociale joue, malheureusement, un rôle parfois compensateur pour les personnels.

Aussi, en ce domaine, nous souhaitons attirer votre attention sur les choix qui pourraient être faits par la

Mutuelle du Ministère de la Justice en matière de rapprochement entre mutuelles. Dans l’intérêt des agents,

comme du point de vue de l’utilisation des finances de l’action sociale, la FSU souhaite obtenir des garanties sur

ce projet de rapprochement et s’opposera à tout lien avec une entreprise à but lucratif.

A la Protection Judiciaire de la Jeunesse, le budget est loin de réparer les destructions subies ces dernières

années. Au lieu de choisir la transparence, la Direction de la PJJ préfère maintenir « top secret » ses propres

règles de répartition des moyens qui déterminent les normes de prises en charges, ainsi qu’indirectement la

qualité du travail et des conditions de travail des personnels. L’afflux massif des Mesures Judiciaires

d’Investigation Educatives entraîne une surcharge de travail pour les psychologues et les Assistants des Services

Sociaux déjà en sous effectifs. Ainsi, pour les autres mesures, la pluridisciplinarité devient caduque. Avec une

situation sous tension permanente dans les hébergements éducatifs, un dispositif d’insertion qui n’en porte

même plus le nom, ce sont l’ensemble des unités qui s’enfoncent dans les difficultés au détriment de la qualité

des prises en charge. Face à cela, la DPJJ ne semble réagir uniquement qu’en termes d’évaluation quantitative à

coup d’indicateurs de performance. Quantifier l’activité, gérer les postes et les flux de mesures, rationaliser les

organisations en justifiant la suppression des services administratifs de proximité, ainsi se manifeste la poursuite

de la politique antérieure. Pourtant avec cette omnipotence des logiciels, la direction de la PJJ se montre

incapable de tirer une analyse qualitative de réformes qu’elle a mises en place, en particulier pour les Centres

Educatifs Fermés. Dans cette situation les espaces de réflexion pour parler des situations des adolescents et des

familles se réduisent, la qualité des prises en charge devient subsidiaire et dépend uniquement du

professionnalisme et de l’engagement des personnels.

A l’Administration Pénitentiaire, Madame la Ministre, les murs de nos prisons semblent avoir mis la DAP à l’abri

du vent du changement… Avant ou après le 6 mai, peu importe on continue droit dans le mur… Les murs

justement, ils n’existent pas pour les trois quart des personnes suivies par l’administration pénitentiaire, mais

celle-ci ne leur accorde pas ou peu d’attention, à eux comme aux personnels qui tentent de les mener vers une

vie exempte de crimes. Pourtant du sort qui leur sera fait dépendra le changement d’axe du système pénal,

dépendra la réduction de la récidive, dépendra la courbe budgétaire du Ministère dans les prochaines années,

dépendra également la qualité du suivi dans les murs,… Passer des murs à la probation… voilà le défi des

prochains mois. C’est en ce sens que la FSU, par son syndicat pénitentiaire, le SNEPAP, lors de son dernier congrès

national, a appelé les responsables politiques dont vous faites partie à « oser la probation ». Pour cela, la FSU

revendique la mise en place d’une peine autonome de probation sans référence à l’incarcération et la

reconnaissance du caractère régalien des missions des services au coeur de cette future peine : les SPIP. Mais

cette ambition, que vous avez semblé partager à votre arrivée, ne sera effective que si la DAP et le Ministère

prêtent un tant soi peu d’attention au milieu ouvert, et possèdent l’expertise suffisante pour rendre

opérationnels les textes d’application qui viendront, nous l’espérons, mettre la probation au coeur des nouvelles

politiques pénales. Or le milieu ouvert pénitentiaire, le savez-vous Madame la Ministre, c’est Terra Incognita ! La

vague de nominations récente au sein de la DAP est à l’image de l’existant, peu rassurante : aucun responsable

n’ayant jamais exercé dans un SPIP et à fortiori en milieu ouvert…Dans ces conditions, et en l’absence d’un

dialogue social spécifique aux SPIP, les problématiques du milieu ouvert et celles des SPIP en général peinent à

trouver des réponses efficaces… Davc, comité technique spécifique, logiciel origine, pré-affectation des CPIP, et

tout le reste… Les SPIP vous attendent Madame la Ministre.

Voici le bilan que nous dressons, six mois après une alternance politique que nous voulions prometteuse. Aussi,

Madame la Ministre, nous attendons désormais de votre part aujourd’hui de la concertation et des décisions.

Paris le 11 décembre 2012

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