POLITIQUE PENALE : NOUS REFUSONS LE STATU QUO

Le SNEPAP-FSU fait part de ses plus vives inquiétudes quant à la passe d’armes entre les Ministères de la Justice et de l’Intérieur relative à la politique pénale et à l’exécution des peines, laquelle fait suite au courrier, rendu public, du Ministre de l’Intérieur au Président de la République. La gravité des enjeux mériterait pourtant une approche aussi maîtrisée, éclairée et dépassionnée que possible.

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S’il s’étonne d’une nouvelle confusion des pouvoirs et d’un respect aléatoire du périmètre de compétence ministérielle, et s’il ne s’explique pas la légitimité et l’objectif de la remise en cause des « pratiques actuelles de probation » par le Ministre de l’Intérieur au nom des services de Police et de Gendarmerie, le SNEPAP-FSU rappelle que la réforme pénale à venir ne pourra reposer ni sur des principes déjà mis en échec, ni sur l’instrumentalisation des personnels et de leurs organisations professionnelles. Sur le fond, le SNEPAP-FSU dénonce des erreurs fondamentales d’appréciation du Ministre de l’Intérieur. Ainsi, le postulat – porté par les pouvoirs publics depuis de trop longues années – selon lequel la peine de prison serait la principale, voire l’unique, réponse crédible à la délinquance et efficace pour prévenir la récidive, a largement montré ses limites dans les faits. L’extension du parc pénitentiaire ne répond en rien au phénomène de surpopulation carcérale. Le taux de « remplissage » des établissements ne coïncide en rien avec la courbe de la délinquance. De même, la volonté d’afficher une « exigence accrue de prévisibilité » et d’accentuer, sans limite, « la fermeté » à l’encontre des personnes récidivistes démontrent une nouvelle fois la difficulté de sortir des standards de la pensée unique sécuritaire. Le durcissement de la réponse pénale n’a cessé depuis des décennies, avec une accélération fulgurante au cours des 10 dernières années, sans pour autant démontrer son efficacité, bien au contraire. Si certains sont tentés de brandir des chiffres, ils seraient bien plus inspirés de sortir des poncifs idéologiques et de prendre connaissance des études scientifiques nationales mais surtout étrangères, qui concluent toutes à l’impact négatif des courtes peines de prison sur les risques de récidive. Réduire les courtes peines de prison est un enjeu de sécurité fondamental, si l’on veut réellement réduire l’impact de la petite et moyenne délinquance sur le quotidien de nos concitoyens. Les quelques organisations syndicales de la Police Nationale qui n’ont de cesse de sonner la charge contre le prétendu laxisme de la Justice, contre les acquis de la loi pénitentiaire et en arrière plan contre le projet de loi pénale, feraient bien de ne pas l’oublier. L’enjeu central de la prochaine loi pénale est bien celui de la construction d’une alternative crédible et efficace aux courtes peines de prison, pour réduire la récidive. Une peine de probation reconnue, reposant sur une évaluation pluridisciplinaire des situations, sur la construction d’un parcours de peine individualisé, structuré et assis sur des modalités de prise en charge variées et évaluées, est indispensable. A cet égard, si nous pouvons partager un constat avec M. VALLS, c’est celui du manque de lisibilité du projet de peine de probation annoncé par la Chancellerie. Si cette peine de probation ne se substitue pas aux mesures alternatives actuelles (sursis avec mise à l’épreuve, surveillance électronique, semi-liberté, travail d’intérêt général etc.), pour les regrouper et les décliner en fonction des situations individuelles, elle ne pourrait qu’aggraver l’illisibilité du dispositif existant en sur-ajoutant une nouvelle couche au mille-feuilles pénal, et décrédibiliser la mesure. Par ailleurs, le Ministre de l’Intérieur a raison d’attirer l’attention du Président de la République sur la situation des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP) et sur les moyens indispensables pour accompagner la réforme prochaine. Les seuls SPIP sont d’ores et déjà chargés du suivi de plus de 250 000 personnes sous main de justice, dont près de 70 000 personnes détenues, et la misère de leur moyens a été mise en évidence à l’occasion de l’affaire dite de Pornic. Ressources humaines et dotations budgétaires conditionneront inévitablement l’efficience de la lutte contre la récidive. Le Ministre de l’Intérieur a raison de s’étonner de la faiblesse des moyens envisagés. Pour le SNEPAP-FSU, le chiffre avancé de 108 à 280 créations d’emploi prétendument nécessaires pour ramener le ratio moyen de personnes suivies par un Conseiller Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (CPIP) à 60, relève de la mauvaise plaisanterie. A ce jour, pour 250 000 personnes suivies, ce sont officiellement moins de 3000 CPIP en fonction. Le calcul est simple : il faudrait immédiatement 1100 à 1200 créations d’emplois. C’est étonnamment ce qu’envisageait déjà, en 2008, l’étude d’impact de la loi pénitentiaire, et ce qui n’a jamais été mis en oeuvre. Au-delà des questions de fond, qui auront tout lieu d’être abordées lors du débat parlementaire, débat au cours duquel notre organisation prendra toute sa place pour éclairer les élus de la République, le SNEPAP-FSU déplore la prise de position du Ministre de l’Intérieur et surtout sa diffusion, qui n’a rien d’anodine. Cette démarche ne peut que servir les adversaires de toute réforme pénale basée sur les données de la science, la recherche d’efficacité et le souci de Justice. En 2001, le gouvernement Jospin abandonnait un projet de loi pénitentiaire sacrifié sur l’autel de la campagne présidentielles et du « sentiment d’insécurité », avec le résultat que chacun connaît. Les engagements du Président de la République et de la Garde des Sceaux doivent être tenus… Le statu quo est impensable… Dans l’intérêt de tous !

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