Prévention de la récidive : Le Ministère de la Justice à la recherche d’un consensus.
La rentrée politique au Ministère de la Justice semble mettre au premier plan la probation. Enfin ! En
annonçant une conférence de consensus par voie de presse pour le 18 septembre prochain, la Ministre
de la Justice a ainsi laissé entendre qu’elle souhaite un débat autour du développement de la probation,
l’incarcération ayant démontré ses limites.
Le SNEPAP-FSU, qui revendique « une politique de prévention de la récidive digne de ce nom articulée
autour du développement de la probation et cantonnant l’enfermement aux cas les plus graves1 », ne
peut que se satisfaire de voir un tel débat posé publiquement. Il entend y participer pleinement.
Qu’est ce qu’une conférence de consensus ?
La « Conférence de Consensus » est une méthode très pratiquée dans le milieu médical lorsqu’il s’agit de définir
des bonnes pratiques. Elle consiste en la rédaction de recommandations par un Jury au terme de la
présentation publique de rapports d’experts faisant la synthèse des connaissances. Le promoteur (en l’espèce le
Ministère de la Justice) choisit le thème de la conférence et les pistes de réflexion qu’il lui semble indispensable
d’aborder. Le thème retenu répond à une préoccupation et à un enjeu important du domaine concerné, lorsqu’il
existe une controverse ou un décalage entre l’état des connaissances et l’état des pratiques, ou encore des
pratiques divergentes. Le promoteur confie la responsabilité de l’organisation de celle-ci à un comité
d’organisation composé de personnalités indépendantes, présidé par une personne devant impérativement
n’avoir aucun conflit d’intérêts sur le thème. Ce comité doit être ensuite totalement indépendant du promoteur
et libeller des questions et une problématique précises en lien avec le thème. Il constitue un groupe
bibliographique qui proposera un état des connaissances sur le thème. Il désigne un jury auquel il pose les
questions et transmet la problématique. Il désigne également des experts que le jury entendra lors d’une séance
publique. Ces experts doivent avoir une compétence particulière sur le thème de la conférence, attestée par des
travaux et des publications récentes. Le jury doit être composé de membres n’ayant jamais pris de positions
notoires sur le sujet et être issu du milieu professionnel comme du grand public. Il délibèrera à huit clos suite à la
séance publique afin d’émettre des recommandations. Le processus doit prendre plusieurs mois.
Cette méthode a déjà été utilisée dans le milieu judiciaire, notamment sur « les bonnes pratiques de l’expertise
civile » en 2007 à l’initiative de Guy Canivet.
Le SNEPAP-FSU a exigé du Ministère, par un courrier au mois d’août, qu’il informe les personnels du
déroulement et des objectifs précis qu’il entend donner à la conférence et qu’il les associe pleinement
au processus.
En réponse, le cabinet de la Ministre a annoncé ce jour au SNEPAP-FSU que les organisations
professionnelles (OS) du Ministère de la Justice sont invitées à la présentation de la conférence par la
Ministre le 18 septembre. Le thème, qui avait varié en fonction des informations relayées par la presse,
serait fixé sur « la prévention de la récidive : quel état des lieux, quelles réponses… ». Les
recommandations devront être émises pour février 2013 par le jury. Le Ministère va donner consigne au
comité d’organisation d’entendre les OS sur la définition exacte de la problématique à soumettre au
jury. A l’issu des recommandations émises par le jury, la Ministre souhaite amorcer des réformes
concrètes. La composition du jury sera connue le 18 septembre mais sa présidence devrait être
attribuée à Nicole Maesttracci, magistrate, ancienne présidente de la FNARS. Cette dernière avait déjà,
en 2007, présidé le comité d’organisation d’une conférence de consensus sur les personnes sans abri.
Pour le SNEPAP-FSU, la composition du comité d’organisation de la conférence de consensus, tout
comme le choix des experts et du jury, devra faire une large place à des personnels issus des SPIP.
Car dans ce débat, le SNEPAP-FSU rappelle que, nous ne partons pas de rien, et que la probation
française, portée par les Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP),
existe depuis plus de 50 ans.
Les personnels des SPIP ont ainsi acquis des compétences spécifiques
qui seront un levier essentiel pour développer la probation en France.
Le débat sur la prévention de la récidive ne peut se faire sans eux !
Le SNEPAP-FSU a proposé à la Garde des Sceaux en Juin un plan d’action pluriannuel pour les SPIP.
Nous continuerons à défendre cette revendication. Ce plan est la condition du développement d’une
probation efficace. Au préalable, un recrutement pluridisciplinaire dans les SPIP demeure
incontournable. Les annonces budgétaires dans les semaines à venir conditionneront ainsi forcement la
position du SNEPAP-FSU sur les projets du Ministère. La question du renforcement du statut des
personnels (notamment catégorie A pour les CPIP) ainsi que d’un dialogue social spécifique aux SPIP
devront également être pris en considération au préalable. Le plan devra ensuite s’attacher à faire
évoluer le contexte institutionnel dans lequel évoluent les SPIP en reconnaissant le caractère régalien
des missions des SPIP, en renforçant l’intervention du droit commun auprès des publics justice et en
menant une réflexion sur le rôle des acteurs de la chaîne pénale. Enfin il faudra doter les SPIP de
nouvelles méthodes d’intervention inspirées d’exemples étrangers mais adaptées au système et à la
culture française.
Afin de faire avancer le débat, le SNEPAP-FSU propose dès aujourd’hui, un commentaire de la note
longue qui avait accompagné en juin le manifeste « Pour une peine juste et efficace », dont semble
s’être inspirée la Ministre dans ses annonces.
Le SNEPAP-FSU est engagé plus que jamais dans la promotion de la spécificité
incontournable des personnels des SPIP en matière de prévention de la récidive.
Le SNEPAP-FSU entend que le développement de la probation ne soit pas réduit à une
campagne médiatique, et persistera à porter la revendication d’une politique de
prévention de la récidive ambitieuse dotée de moyens suffisants et d’outils éprouvés !
Paris, le 10 septembre 2012.