Visite de la Ministre aux Baumettes – Quand « politique pénitentiaire » ne rime plus avec milieu ouvert…
Lors de sa visite à la maison d’arrêt des Baumettes le 8 janvier 2013, Christiane TAUBIRA, Ministre
de la Justice, a annoncé la mise en oeuvre d’une « politique pénitentiaire ambitieuse et innovante »
basée sur plusieurs axes.
Le SNEPAP-FSU se félicite que notre Garde des Sceaux indique vouloir prendre à bras le
corps la question de « la grande indignité » de nos prisons. Dans son intervention, elle insiste
sur la rénovation de nos vieux établissements comme les Baumettes, Paris la Santé, Fleury Mérogis,
Aix, et déclare faire confiance au secteur public pour la construction pénitentiaire de Lutterbach
dont elle a réduit la taille initialement prévue (800 à 450 places). Elle annonce également la
fermeture de Valence, Riom, Clermont, Beauvais, Compiègne, le vieux Liancourt, Orléans, Chartres.
Elle rappelle qu’elle augmenté le budget 2013 de 20% de crédits supplémentaires pour la
rénovation des établissements.
Le SNEPAP-FSU approuve la reprise de la mise en oeuvre des Règles Pénitentiaires
Européennes notamment sur la question de l’expression collective des personnes détenues,
qui participe du développement de la citoyenneté des personnes, au coeur du travail de prévention
de la récidive. Il espère que le groupe de travail institué sur les questions de sécurité en détention,
notamment celle des fouilles, ne donneront pas lieu à de nouveaux « arrangements entre amis »,
mais seront traitées dans le respect de la loi pénitentiaire afin d’assurer aux personnels leur
sécurité et aux personnes détenues les droits suffisants. Bien sûr, il faut relever la volonté de la
Ministre d’en finir avec toute mention à une dangerosité des personnes, notamment dans le cadre
de leur affectation en établissement, au profit d’une vision plus dynamique de l’exécution d’une
peine et dont la personne serait perçue comme actrice… mais il faudra plus que des déclarations
d’intentions pour rendre effectif ce projet.
Toutefois, le SNEPAP-FSU aurait espéré que la Ministre profite de cette feuille de route pour
s’attaquer aux causes même de la surpopulation carcérale, principale responsable de
l’indignité des prisons, à savoir la politique pénale. Privilégier l’exécution des peines dans la
communauté éviterait à la ministre de se lancer dans des plans onéreux de
construction/rénovation de prison avec un objectif de 60 000 places pour la fin du mandat
présidentiel.
Car, s’il faut bien sûr rénover nos prisons et nos modes de prise en charge,
l’avenir de la pénitentiaire ne se situe pas derrière les barreaux !
La loi relative aux peines planchers, toujours en vigueur, continue ainsi son oeuvre en remplissant
les prisons et ceci malgré la circulaire de politique pénale de septembre 2012 qui ne semble pas
avoir profondément influencé la politique menée par les juridictions…
Bien plus, une « politique pénitentiaire ambitieuse et innovante » ne peut-elle donc se
concevoir qu’à l’aulne du milieu fermé ? En effet, le milieu ouvert n’est qu’à de très rares
exceptions évoqué dans les axes de suivis communiqués par le Ministère ! En prévoyant une
« politique pénitentiaire ambitieuse » par la seule lorgnette de la gestion des établissements,
le Ministère reproduit les mêmes erreurs que ses prédécesseurs en oubliant que les trois
quart des personnes prises en charge par l’administration pénitentiaire le sont en milieu
ouvert ! L’annulation de la première visite de la Garde des Sceaux dans un SPIP, prévue
initialement ce 14 janvier, ajoute à ce sentiment qu’un pan entier de l’administration pénitentiaire
reste une Terra Incognita pour nos dirigeants !
La Ministre a également annoncé la constitution d’un Conseil National de l’Exécution des
Peines, composé de parlementaires, de la société civile et de représentants des personnels
pénitentiaires, qui sera compétent pour traiter des conditions globales d’exécution des peines.
Toutefois, il aura notamment pour première mission de réfléchir à « l’individualisation de la prise en
charge des détenus » (et non de l’ensemble des condamnés) suite aux recommandations de la
conférence de consensus. Si les instances de discussions élargies peuvent être nécessaires et
intéressantes, cette annonce d’un nouveau temps de réflexion après la conférence de
consensus, uniquement centré sur la gestion du parcours en détention, nous laisse
relativement inquiets. En effet, le SNEPAP-FSU attend tout d’abord de la conférence de consensus
qu’elle débouche sur la mise en place effective d’une nouvelle politique pénale. La réflexion est
certes nécessaire, mais après plusieurs mois de patience, les personnels ont besoin de connaître le
cap choisi par leur ministre ! Bien plus, la scission de cette réflexion entre milieu fermé et ouvert est
inquiétante car elle nie la nécessaire cohérence du processus de suivi entre milieu fermé et
milieu ouvert dans l’idée d’un parcours de peine dynamique…
Enfin, le dossier de presse comporte une mention relative à la fin de l’expérimentation du DAVC
(pourtant généralisé en mars 2012) : « Fin de l’expérimentation du DAVC (de tri des condamnés
selon leur « dangerosité » alléguée), remplacé par une méthode, pragmatique et acceptée de tous, de
suivi des PPSMJ dans le cadre de la préparation de mesures probatoires alternatives à
l’incarcération. ». La Ministre, dans son discours, n’y fait pourtant à aucun moment allusion.
Alors qu’en est-il réellement ? D’où sort ce nouveau système de « suivi pragmatique » des
personnes dont aucun personnel n’a eu connaissance ? Après des mois pendant lesquels le
ministère a laissé les SPIP en rase campagne sur la question du DAVC, pourtant objet d’un
mouvement de boycott depuis plus d’un an, ce ne sont pas ces annonces qui vont faire sortir
les personnels du brouillard dans lequel leur Ministre les laisse. Le SNEPAP-FSU rappelle qu’il
revendique la mise en place d’outils d’évaluation et d’intervention criminologiques appuyés sur la
recherche, validés, évalués et accompagnés d’une solide formation pour les personnels, critères que
le DAVC ne remplit pas. Il continuera de porter cette revendication tant que le Ministère n’y aura
pas satisfait.
Le SNEPAP-FSU rappelle à la Ministre que le délabrement patent des services
pénitentiaires d’insertion et de probation, notamment en ce début d’année en
matière de ressources humaines, ne sera pas réglé par la répétition d’annonces
de principe, notamment si elles ignorent la réalité du fonctionnement du
milieu ouvert !
Le discours de Madame Taubira, s’il se veut paré de bonnes intentions,
laisse un goût amer pour les personnels pénitentiaires qui ont été oubliés
par cette « nouvelle » politique et qui souhaiteraient désormais connaître le
cap que leur Ministère entend donner à leurs missions !
Paris le 14 janvier 2013