Première rencontre avec la nouvelle Ministre de la Justice : la FSU Justice revient sur l’actualité et plante le décor

La FSU, représentée au sein du ministère de la Justice par le SNEPAP et le SNPES/PJJ, a été reçue par Madame la Garde des Sceaux, le jeudi 20 juillet, pour une première audience de prise de contact.

En introduction, nous avons tenu à rappeler que les mesures d’austérité généralisées engagées par la majorité présidentielle toucheront les populations, notamment les plus fragilisées, et entraîneront l’affaiblissement des services publics.

Nous avons, ainsi, fait part de nos inquiétudes quant à différents sujets qui font l’actualité : calendrier du PPCR décalé, valeur du point d’indice gelée, jour de carence rétabli… Enfin, nous avons dénoncé l’instauration d’un état d’urgence permanent, par l’inscription dans la loi de mesures renforçant le pouvoir administratif au détriment des libertés individuelles et collectives.

Cette rencontre a également permis à la FSU Justice d’aborder le budget de la justice et l’état des ressources humaines au sein du Ministère.

Les premières annonces font état d’une baisse de 160 millions d’euros, notamment sur la part dédiée aux projets immobiliers. La garde des Sceaux nous rappelle que le budget du Ministère augmente et que cette économie concerne en réalité des crédits gelés sur un budget total de 8 milliards d’euros.

A la PJJ, où le parc immobilier est très dégradé, notamment dans les lieux d’hébergement, il y a pourtant nécessité à développer des projets de rénovation et d’entretien.

Dans un contexte où le budget de ce ministère n’est pas à la hauteur des besoins des citoyen-nes, des administrations et des fonctionnaires qui le composent, ces annonces sont de mauvaise augure pour les années à venir.

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Bien plus, le choix politique de créer 15 000 nouvelles places de prison questionne. La Ministre de la justice concède que cette augmentation est « un puits sans fond » et la justifie par la surpopulation qui engendre « des conditions de détention portant atteinte à la dignité humaine ».

L’enjeu de la loi de programmation de la justice 2018-2022 est ainsi posé. Aux dires de la Ministre, cette loi devra porter « des réformes globales avec un budget satisfaisant » car « d’autres réponses en matière de politiques pénales » devront être apportées. Les mesures alternatives à la détention ont donc été invoquées !

La FSU Justice s’opposera à toutes les coupes budgétaires qui mettront à mal les missions des agents et leurs conditions d’exercice au sein du ministère.

Sur le plan statutaire, le SNPES-PJJ/FSU et le SNEPAP-FSU dénoncent le report de mesures prises dans le cadre du PPCR. Malgré le retard considérable pris depuis de nombreuses années, le PPCR a permis de desserrer l’étau du gel des salaires instauré depuis plus de 10 ans. Nous avons également rappelé notre hostilité à la mise en place du RIFSEEP qui instaure la mise en concurrence généralisée des fonctionnaires.

En outre, la FSU Justice déplore que plusieurs chantiers statutaires soient aujourd’hui en panne.

Depuis 2013, nous sommes en attente de la création d’un corps de psychologues du ministère de la Justice. Nous avons fortement insisté sur la nécessité de pouvoir enfin offrir à ces personnels devenus incontournables dans nos services, un statut de fonctionnaire. La Ministre a approuvé cette nécessité, charge à ses services de la mettre enfin en oeuvre.

L’absence de mesures statutaires fortes entraîne une précarité croissante des personnels contractuels au sein du ministère qui n’a pas été résorbée par la loi Sauvadet, puisque les concours réservés ne sont pas à la hauteur de la situation et des besoins. La FSU Justice demande qu’un plan de titularisation massif pour les agents non titulaires soit effectif.

Le passage en catégorie A de la filière socio-éducative à la PJJ, qui, en dépit de la parution des décrets du 10 mai 2017, risque d’être repoussé alors que la situation statutaire des C.S.E reste toujours en suspens.

La transformation des métiers de la filière administrative doit être étudiée sous l’angle d’une requalification des postes. Dans ce domaine, le mouvement des adjoint-es administratif-ves de la PJJ, soutenu par le SNPES-PJJ/FSU, démontre l’urgence qu’il y a à traiter ce dossier. La pétition initiée par ces personnels a été remise à la Ministre.

La fin du recrutement des professeur-es techniques signe l’abandon d’une politique ambitieuse d’insertion à la PJJ. Si la Ministre comprend la nécessité d’un « sas pour les jeunes de la PJJ avant l’accès au droit commun », elle évoque la possibilité de l’intervention de professeur-es de l’éducation nationale, comme cela se fait en détention, et n’entend pas la spécificité de la prise en charge défendue par la FSU Justice. Nous revendiquons la reprise d’un concours de professeur-es techniques dans les plus brefs délais.

Le SNEPAP-FSU est revenu sur la réforme statutaire jugée plus qu’insatisfaisante pour la filière insertion et probation en portant, notamment, la voix des Directeur-trices Pénitentiaires d’Insertion et de Probation qui n’acceptent pas une réforme niant leurs responsabilités et leurs missions. Cela a, ainsi, été l’occasion de questionner la place de la probation au sein de l’administration pénitentiaire et la reconnaissance des professionnel-les oeuvrant dans les SPIP.

Le SNPES-PJJ-FSU et le SNEPAP-FSU ont souhaité terminer cette audience en présentant à la Ministre les défis à venir.

A la PJJ, la FSU, représentée par le SNPES-PJJ, a défendu le lien constant, existant au sein de cette direction, entre les missions et les conditions de travail des personnels. A la question de la Ministre sur ce qui apparaît positif au ministère, le SNPES-PJJ a rappelé l’engagement des professionnel-les et ce malgré les difficultés

rencontrées.

Ces dernières années ont connu une dégradation constante entraînée par une pénalisation de plus en plus forte. Il est donc nécessaire de repenser l’action de la PJJ en rétablissant la double compétence civil/pénal et en réorientant les moyens dédiés à l’enfermement vers les services éducatifs.

A ce titre, la Ministre a évoqué la situation des Centres Éducatifs Fermés (CEF) en constatant que ces structures n’obtiennent pas « les résultats escomptés » ; elle s’est dite favorable à une diversification des solutions de prise en charge. Pour autant, il n’y aura pas de fermeture de CEF, ni de transformation en structures d’hébergement éducatif collectif.

En réponse aux interrogations de la Ministre, nous avons répondu que le face à face constant entre les jeunes et les personnels était intrinsèquement source de violence. Il faut sortir d’une logique qui n’améliore pas le parcours judiciaire des jeunes, nie parfois leurs droits et vient mettre à mal l’engagement éducatif et les conditions de travail des personnels.

Nous avons alerté la Ministre sur l’augmentation constante des chiffres de l’incarcération des mineur-es ces derniers mois et avons rappelé que seule une réforme progressiste et ambitieuse de l’ordonnance de 1945 pourra venir mettre un terme à cet emballement répressif.

Enfin, nous avons remis à la Ministre la lettre ouverte adressée par le SNPES-PJJ/FSU à la direction de la PJJ sur les difficultés rencontrées sur le versement de l’Agence de Services et de Paiement (ASP) aux Mineur-es Isolé-es Etranger-es.

Pour l’administration pénitentiaire, le SNEPAP-FSU a rappelé le rôle indispensable et central de la probation et des SPIP dans la bonne administration de la Justice et a insisté sur la reconnaissance de la probation comme mission régalienne ; les questions inhérentes à la sécurité ne pouvant être abordées de façon exhaustive sans une probation reconnue.

En effet, l’immobilisme d’une vision centrée sur le tout-carcéral va à l’encontre de nombreuses études qui soulignent le succès des mesures restrictives de liberté dans le cadre de la prévention de la récidive.

Enfin, la compétence des professionnel-les pénitentiaires doit être assumée dans une politique pénale ambitieuse.

Paris, le 24 juillet 2017

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