Le phénomène de radicalisation violente et l’administration pénitentiaire

Depuis les attentats de janvier 2015, des annonces par voie de presse se sont multipliées s’agissant de la prise en compte par les institutions du phénomène de radicalisation violente. Le Ministère de la Justice, et l’Administration Pénitentiaire, sont positionnés au cœur de ces annonces.

Entre déclarations d’intentions, expériences déjà en cours, moyens nouveaux, le SNEPAP-FSU, réuni en Commission Administrative Nationale les 27, 28 et 29 janvier 2015, réaffirme sa conception humaniste d’une justice respectueuse des droits de l’homme et des valeurs républicaines. Les questions de sécurité ne doivent pas être réglées au détriment de la défense de ces valeurs.

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Réalités du phénomène de radicalisation religieuse au sein de l’Administration Pénitentiaire

Récusant l’idée selon laquelle la prison serait LE terreau de l’islamisme radical, le SNEPAP-FSU dénonce les approches purement carcérales et sécuritaires de la radicalisation religieuse. Nous rappelons que parmi les 283 personnes à ce jour écrouées pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme, seules 16% l’ont déjà été. Il est primordial de se détacher de toute analyse restrictive et simpliste de ce phénomène inhérent à notre société, qui s’inscrit donc dans une problématique plus large et plus complexe.

Afin de déconstruire cette idée mais surtout de favoriser la connaissance des personnes placées sous main de justice, le SNEPAP-FSU préconise la réalisation d’une étude quant au phénomène de radicalisation idéologique et violente dans les prisons. Par une recherche scientifique, il s’agit d’identifier précisément les problématiques à l’échelle du territoire : ampleur du phénomène et nombre de personnes concernées, nature des problématiques existantes et état des difficultés rencontrées dans les prises en charge, en détention comme dans le cadre des peines de probation.

La formation des personnels, dont le SNEPAP-FSU ne cesse de rappeler l’insuffisance des crédits, contribue également à une meilleure compréhension et identification des problématiques liées à ce phénomène.

Pertinence des réponses pénitentiaires

Le SNEPAP-FSU émet les plus grandes réserves quant à la généralisation de l’isolement ou du regroupement des personnes détenues dites radicalisées. L’unique expérience menée à Fresnes doit impérativement faire l’objet d’une évaluation avant toute généralisation.

Le SNEPAP-FSU rappelle que les personnels des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation ne sont pas des agents de renseignement. La finalité des écrits et des actes professionnels, qui s’inscrivent dans le cadre de la mission de prévention de la récidive, ne saurait être détournée dans cette seule perspective de renseignement.

Le SNEPAP-FSU prend acte des dernières annonces relatives aux emplois et à l’abondement en crédits prévus, sur trois ans, pour le Ministère de la Justice, et de la garantie qui nous a été donnée que ceux-ci ne seraient pas issus d’une réorientation des engagements déjà pris.

Ces annonces restent néanmoins obscures quant à la déclinaison précise des moyens évoqués. Un déploiement de ressources humaines et budgétaires supplémentaires, lesquelles apparaissent conséquentes, centré pour l’administration pénitentiaire sur les seules questions du renseignement et de la radicalisation stricto-sensu, serait inefficient.

Le SNEPAP-FSU alerte fermement l’administration et les autorités sur la multiplication et le croisement des exigences et des priorités alors que les renforts en personnels se déploient en différé.

Plus largement, le SNEPAP-FSU appelle les responsables politiques à s’interroger sur le contenu de la prise en charge de ces publics au-delà de simples dispositifs techniques. Le ministère a annoncé une « recherche action » sur la création de programmes de déradicalisation dans deux établissements d’Ile de France. S’il soutient le principe des approches collectives ciblées et structurées telles qu’elles existent dans le cadre des PPR, le SNEPAP-FSU déplore le manque de transparence sur ce travail et s’interroge quant au contenu et aux moyens mis en œuvre pour ces programmes.

Le SNEPAP-FSU rappelle son attachement à l’individualisation des régimes de détention et des prises en charge, laquelle doit s’appuyer sur des critères objectifs d’évaluation. Ainsi, les mesures annoncées par le Premier Ministre et la chancellerie soulèvent nombre de questions : quel public précisément concerné ? Sur quels critères ? Quels acteurs ? quels outils pour évaluer les personnes concernées ? Quelles interventions de fond ? Quels moyens pour la prise en charge ?

Le respect des Droits comme condition nécessaire

Pour le SNEPAP-FSU, une lutte efficace contre la radicalisation violente en prison doit passer par le traitement de problématiques bien plus larges. Toute politique d’isolement ou d’exclusion ne pourra qu’aggraver les difficultés déjà existantes.

A ce titre, les conditions de vie et le respect des droits en détention doivent être améliorés et garantis pour toute personne incarcérée. Le SNEPAP-FSU considère que les espaces de dialogue à travers le mécanisme de consultation des personnes détenues sont d’autant plus nécessaires, notamment dans un objectif d’appropriation de la citoyenneté.

Le SNEPAP-FSU s’inquiète également de la multiplication des procédures engagées pour « apologie du terrorisme », comme seule infraction retenue, au sein de procédures pénales diligentées depuis le début du mois de janvier. Il reste attaché à l’égalité de tous devant la loi, à l’égalité de traitement et à l’individualisation des peines. Le SNEPAP-FSU rappelle que des peines inadaptées ou disproportionnées ne peuvent être que contre-productives.

Le SNEPAP-FSU réunit en Commission Administrative Nationale réaffirme donc fermement qu’au-delà des questions de moyens, des réponses techniques et de son identification, la délinquance liée à la radicalisation violente doit faire l’objet d’une réflexion de fond quant aux ressources à mobiliser en vue de permettre à leurs auteurs de retrouver une place citoyenne.

Enfin, pour le SNEPAP-FSU, cette réflexion dépasse le cadre sécuritaire et pénitentiaire dans lequel elle semble actuellement cantonnée. Elle concerne la société dans son ensemble.

Paris, le 29 janvier 2015

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