La probation à « la bonne franquette »

Voilà quelques décennies que les personnels d’insertion et de probation revendiquent un décloisonnement de l’administration pénitentiaire ainsi que la reconnaissance effective de leurs missions, à tout niveau.

Depuis la conférence de consensus sur la prévention de la récidive et les débats qui ont précédé l’adoption de la loi du 15 août 2014, les lignes ont bougé. Le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) et la probation ne sont plus totalement ignorés par les élus et la société civile. Mais nous étions sans doute trop optimistes, tout le monde n’ayant visiblement pas bien compris ce dont il s’agissait…

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En juillet 2014, nous avons échappé à un amendement du Sénat qui confondait allégrement le travail en partenariat et la privatisation pure et simple des missions du service public de l’exécution des peines. Depuis 2 semaines, l’Administration Pénitentiaire a découvert un « trésor caché » lui permettant de se lancer dans le recrutement en urgence de près de 90 Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation contractuels. Naturellement, ils ne seront jamais formés et seront jetés comme de vulgaires kleenex dans 9 mois, comme ce fut déjà le cas ces trois dernières années.

Aujourd’hui, c’est tout simplement une communauté d’agglomération (Saint Quentin) qui dépose une annonce au Pôle Emploi pour le recrutement d’un Conseiller d’Insertion et de Probation (CIP) chargé(e) de prévenir…la récidive. (cf document ci-contre)

Selon les recruteurs, le Pôle Emploi aurait commis une malencontreuse erreur dans l’intitulé du poste. Car il ne serait pas envisagé de faire de l’insertion probation : il s’agirait en fait d’occuper un poste expérimental de chargé de la prévention de la récidive… Soit… Mais peut-être aurait-il été judicieux pour cette collectivité locale, s’agissant d’un poste expérimental de « chargé de la prévention de la récidive », de prendre attache avec le SPIP, service public qui exerce cette mission de longue date…

Il est plus qu’honorable qu’une collectivité locale veuille renforcer son action en matière d’accompagnement socio-économique des publics les plus fragiles, dont certaines personnes sous main de justice font partie, d’autant qu’il s’agit là de l’une de nos revendications.

Ne pas soutenir les responsables des dispositifs de droit commun qui souhaitent co-construire un partenariat solide avec nos services relèverait de l’inconscience.

Mais qu’une collectivité locale mélange tout et n’importe quoi, en empruntant, pour la création d’un emploi, la dénomination d’un corps de fonctionnaires du Ministère de la Justice, et en introduisant un dangereux amalgame dans la définition des missions du futur « CIP local » est parfaitement irresponsable et insupportable.

L’accompagnement social et le travail sur les besoins socio-économiques ne sont pas de la probation, encore moins de l’exécution des peines. Ils ne doivent surtout pas être la porte d’entrée d’un contrôle social généralisé.

La probation n’est pas un concept qui se définit au détour de la place du village.

Au-delà de l’ignorance, d’un délire local, d’un manque de respect pour les professionnels et la population, voilà sans aucun doute les premiers effets d’un autre mélange des genres introduit par la loi du 15 août 2014 : à travers son article 36, elle ouvre aux instances locales la possibilité d’expliquer au SPIP comment organiser « les modalités du suivi et du contrôle » de certaines personnes sortant de détention.

Le SNEPAP-FSU va interpeller la Garde des sceaux et inviter le Gouvernement et son représentant local à bien vouloir rappeler quelques fondamentaux !

Paris, le 25 novembre 2014

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