Modification des arrêtés de recrutement des CPIP : début des discussions

Comme annoncé dans notre communication du 17 septembre dernier, un cycle de discussions visant à la modification des arrêtés de recrutement et de formation des CPIP s’est ouvert. Il s’agit notamment de diversifier les profils et de redéfinir le contenu et le déroulement de la formation.

La première étape s’est récemment matérialisée par une rencontre bilatérale entre le SNEPAP-FSU et la DAP sur la question du recrutement. Dans des délais pour le moins contraints (comme de coutume), le SNEPAP-FSU était invité à se prononcer sur un certain nombre de questions pré-établies. Comme à son habitude, l’administration n’a préalablement

fourni aucun projet un tant soit peu étayé, susceptible de permettre des échanges véritablement constructifs.

PDF - 219.2 ko
Cliquez ici pour télécharger en PDF

L’administration part de deux constats que nous partageons, mais entre lesquels nous n’établissons toutefois pas de corrélation : la surreprésentation des CPIP diplômés en droit, alors même que la qualité de juriste n’est pas déterminante dans l’exercice du métier. Parallèlement, elle insiste sur l’importance de la « relation positive » qui doit se construire avec la personne suivie.

Sur ce point, le SNEPAP-FSU invite l’administration à davantage de prudence. Cette idée préconçue, et sous-entendue, selon laquelle les juristes auraient une moindre capacité à installer une « relation positive » n’est pas sans nous rappeler la brillante présentation de la campagne médiatique de recrutement de CPIP pour 2015. A cette occasion, il nous avait été indiqué que l’administration recherchait des candidats avec un « profil humaniste », à savoir des personnes diplômées…. en sciences humaines et en psychologie. La majorité des CPIP aujourd’hui en activité seront heureux d’apprendre qu’ils ne

placent pas « l’homme et les valeurs humaines au-dessus de toutes les autres valeurs » (profil humaniste tel que défini par le dictionnaire Larousse).

Partant de ce constat, l’administration estime que seule une modification des épreuves pourrait permettre de contrebalancer cette surreprésentation des juristes. Relevons néanmoins les limites du raisonnement : si l’ENAP a une idée assez précise du profil des CPIP recrutés, elle est dans l’impossibilité de savoir de quelles filières universitaires sont issus les candidats inscrits au concours. Les autres filières sont-elles sous-représentées dès l’inscription, ou est-ce le

concours lui-même qui conduit à recruter massivement des juristes ?

Plus globalement, c’est aussi la question de la publicité entourant le métier de CPIP auprès de l’ensemble des filières, dont celles des sciences humaines, qui doit être soulevée.

Dans ce cadre, revenons à la fameuse réunion de présentation de la campagne de recrutement de CPIP du début de l’été évoquée précédemment : il nous était alors indiqué la volonté de positionner l’Administration Pénitentiaire comme 3ème force de sécurité pour valoriser les métiers (A quand le retour dans le giron du Ministère de l’Intérieur comme espéré par la plupart des autres organisations professionnelles qui continuent, dans un jeu d’équilibriste dont elles ont le secret, à s’offusquer lorsque le SNEPAP-FSU préfère parler de CPIP plutôt que de travailleur social ?), et d’asseoir la communication sur le code de déontologie, « comme pour l’armée de terre » (sic). Notre interlocutrice (une communicante professionnelle) nous informant d’un projet de tournage de 2 clips vidéo (mis en ligne depuis) visant à laisser s’exprimer 2 CPIP, l’un affecté en milieu ouvert, l’autre en milieu fermé, nous posâmes innocemment la question du lieu de tournage. Réponse ? dans un établissement pénitentiaire pour

celui affecté en milieu fermé et…. devant l’établissement pénitentiaire pour celui affecté en milieu ouvert… Ou comment prendre l’expression « milieu ouvert » au sens littéral d’un « service aéré ».

Bref, l’administration ne devrait pas oublier que pour diversifier les profils, il lui appartient de dépasser la seule question des épreuves de recrutement, pour réfléchir aussi à son image, sa vision du métier, sans jamais couper le lien entre recrutement… et formation.

Les pistes de travail de la DAP quant à la modification du concours externe…

La réflexion de l’ENAP et de la DAP s’articule principalement autour de trois pistes :

– Un rééquilibrage des coefficients affectés aux épreuves écrites et orales. Cette piste nous semble effectivement légitime tant le déséquilibre est important entre les deux types d’épreuves. Au-delà du probable impact sur la diversification des candidats, donner plus de poids à des épreuves orales peut faciliter l’identification des motivations et des savoir-être.

– L’hypothèse d’une épreuve supplémentaire de tests psychotechniques (avec ou sans entretien avec un psychologue). Pour le SNEPAP-FSU, cette piste nécessite la détermination d’un profil pour exercer le métier de CPIP. De plus, les tests psychotechniques revêtant souvent un caractère formaté, les faire suivre d’un entretien individuel avec un psychologue nous apparaît nécessaire. Enfin, cette épreuve peut être envisagée sous la forme d’une approche collective, suivie elle aussi d’un entretien individuel avec un psychologue (exemple de la table ronde telle qu’elle existait auparavant). Or,

l’administration appréhende cette hypothèse avec réserve, sa mise en oeuvre étant particulièrement lourde.

– Une modification des deux épreuves écrites, la dissertation devenant une épreuve de Questions à Réponses Courtes (QRC), la note de synthèse se transformant en une épreuve de résolution de cas pratique à partir d’un dossier administratif. Ici, les discussions se sont animées, le SNEPAP-FSU prenant soin de rappeler quelques fondamentaux, tout en balisant la suite des travaux.

Modifier l’arrêté de recrutement, mais pas n’importe comment…

– La catégorie A dans le viseur….

Le SNEPAP-FSU a rappelé à l’administration le sens de ses actions au cours des 30 dernières années. L’accès des CPIP à la catégorie A est notre fil rouge, de la création des SPIP, portée par le SNEPAP-FSU contre l’avis de TOUTES les organisations professionnelles (qui se précipitent aujourd’hui, comme à chaque fois qu’approchent des échéances électorales, pour clamer leur amour de ces services), à l’émergence d’une identité professionnelle partagée par la création d’un corps unique de CPIP.

La sur-indiciarisation obtenue avec la réforme statutaire de 2010 constitue la rampe de lancement pour un changement de

catégorie. Les discussions annoncées pour le passage en catégorie A des officiers, dont la grille a servi de base de référence pour les CPIP, le prouvent. L’histoire nous a démontré que l’option d’un maintien dans la catégorie B CII, portée à l’époque par les autres organisations professionnelles, a cimenté dans cette catégorie B l’ensemble des personnels qui en dépendent. En échange, leur évolution indiciaire est famélique, ne souffrant aucune comparaison avec celle obtenue en 2010 pour les CPIP.

Pour le SNEPAP-FSU, une modification des arrêtés de recrutement qui éloignerait la profession des standards des concours de la catégorie A constituerait un recul inacceptable. En ce sens, si des épreuves de QRC sont apparues dans plusieurs concours de la Fonction Publique de catégorie A, il convient de souligner qu’une épreuve de dissertation générale y a été maintenue.

– Les processus de recrutement dans la Fonction Publique : recrutement de compétences ou recrutement de savoirs ?

En septembre dernier, lors de la réunion d’ouverture des discussions, l’administration avait remis en cause le modèle d’apprentissage universitaire français. En effet, d’autres universités, hors de nos frontières, feraient preuve de bien plus d’efficacité en transmettant des compétences….L’idée selon laquelle il appartiendrait à l’université de former à des métiers, pour permettre aux recruteurs de sélectionner des candidats « prêts à l’emploi », réduisant de facto les coûts liés à la formation initiale des personnels, est de plus en plus prégnante. Or, le SNEPAP-FSU défend le modèle universitaire français

d’apprentissage de savoirs. La connaissance doit être un outil d’émancipation intellectuelle, de promotion sociale et de dépassement de sa propre condition sociale. De fait, nous sommes particulièrement attachés au processus de recrutement par concours. Il appartient à l’Administration Pénitentiaire de former les personnels qu’elle recrute, et non pas de sélectionner ceux qui seraient potentiellement déjà formés. Le glissement vers un « sabrage » de la durée de la formation de CPIP devient évident, même si la DAP ne s’est pas encore risquée à l’exprimer clairement…

Le SNEPAP-FSU approuve la quête d’ouverture du métier de CPIP à des profils plus diversifiés. A ce titre, le mandat que nous portons est clair : la nature des épreuves du concours externe doit permettre le recrutement de candidats issus de tous les horizons de l’enseignement supérieur. Ce choix résulte de la nature même du métier de CPIP : complexe, au carrefour de plusieurs disciplines : droit, sociologie, psychologie et sciences humaines dans leur ensemble.

En outre, pour le SNEPAP-FSU, les modifications du processus de recrutement des CPIP devront se faire dans le respect du maintien d’une identité professionnelle commune et d’une perspective d’accès à la catégorie A. Autant de motifs qui induisent notre opposition à un recrutement par voie de concours sur titre.

Paris, le 23 octobre 2014

TOP