Réforme pénale : de l’histoire d’un consensus et d’une peau de chagrin…
Au terme de longs travaux et de débats parfois houleux, de la conférence de consensus de février 2013 aux arbitrages ministériels de l’été 2013, en passant par son examen en Commission Mixte Paritaire le 8 juillet
dernier, la réforme pénale a finalement été adoptée par l’Assemblée nationale le 16 juillet et, le lendemain, par le Sénat.
Auditions, contributions, communications : le SNEPAP-FSU n’aura eu de cesse de lutter pour défendre sa vision d’une probation rénovée et ambitieuse. Nous regrettons que cette réforme n’ait pas été l’occasion de traiter la question du droit applicable aux longues peines et aux mesures de sûreté et qu’elle ait, dès le départ, abandonné l’engagement pourtant pris de l’abrogation de la rétention de sûreté. Aujourd’hui, force est de constater que la version finale est loin de répondre à nos espérances…
Afin d’y voir plus clair, petit mémo des principales dispositions de la loi :
La contrainte pénale :
Elle pourra être prononcée lorsque la personnalité, la situation matérielle, familiale et sociale de l’auteur et les faits justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu. D’une durée
comprise entre 6 mois et 5 ans, elle concernera dès le 1er janvier 2015 tous les délits punissables d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à 5 ans, et tous les délits à compter du 1er
janvier 2017. La juridiction fixe la durée maximale de l’emprisonnement encouru (qui ne peut excéder 2 ans, ni le maximum de la peine encourue) en cas de non respect et elle peut, dès le jugement,
prononcer toutes les interdictions et obligations, et notamment celle d’exécuter un TIG ou encore une injonction de soins. Au vu du rapport établi par le SPIP suite à une évaluation, le JAP peut les modifier.
Si la juridiction ne les a pas fixées, c’est lui qui les détermine.
Exit une peine autonome de probation lisible, sans référence à l’emprisonnement, seule peine de référence en matière de délit.
L’ajournement de peine aux fins d’investigation sur la personnalité :
La juridiction prononce la culpabilité mais ajourne le prononcé de la peine aux fins d’investigations, confiées au SPIP ou à une personne morale habilitée. La décision sur la peine intervient dans les 8 mois
maximum (4 mois, renouvelable une fois), durée pendant laquelle la personne peut être placée sous contrôle judiciaire, ARSE ou en détention provisoire.
Instauration de la justice restaurative :
Sous réserve que les faits aient été reconnus, la victime et l’auteur peuvent se voir proposer une mesure de justice restaurative. Elle sera mise en oeuvre par un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, ou, à la demande de celle-ci, de l’administration pénitentiaire.
La libération sous contrainte :
Il s’agit d’un examen systématique, aux 2/3 de la peine, de la situation d’une personne exécutant une ou plusieurs peines dont la durée est de 5 ans maximum. A l’issue de cet examen en CAP, où le SPIP est
représenté et où la personne peut être appelée à comparaître, le JAP rend une ordonnance. La personne condamnée doit avoir fait préalablement connaître son accord. La libération sous contrainte peut prendre la forme d’une semi-liberté, d’un placement à l’extérieur, d’un PSE ou d’une libération conditionnelle. Aucun critère n’est prévu pour encadrer les cas de rejet.
Exit une libération conditionnelle automatique qui aurait réellement bouleversé la politique d’aménagement de peine.
Les aménagements de peine :
Pour les aménagements de peine avant écrou, le seuil est de 2 ans pour les condamnés primaires, d’1 an pour les personnes en état de récidive légale. Pour les aménagements de peine en détention : mêmes seuils, étant précisé que la libération conditionnelle peut être accordée à mi peine pour tous. Le placement à l’extérieur peut désormais être envisagé à titre probatoire d’une libération
conditionnelle.
Dans le cadre du SME, (qui est maintenu en l’état) le fait d’obtenir l’autorisation du JAP pour tout déplacement à l’étranger devient une obligation spécifique. Si elle n’est pas prononcée, la personne doit simplement informer le magistrat de son déplacement. Le fait de s’inscrire et se présenter aux épreuves du permis de conduire devient une obligation spécifique, qui peut être prononcée sous réserve de l’accord de la personne.
Malgré nos alertes, l’extension du régime de la surveillance judiciaire (même si le terme n’est pas clairement employé) aux personnes n’ayant pas bénéficié d’une libération sous contrainte ou d’une libération conditionnelle est actée. Ainsi, le JAP peut ordonner que la personne sera soumise, pendant une durée qui ne peut excéder le total des réductions de peine dont elle a bénéficié, aux obligations et interdictions n’impliquant pas un réel suivi de fond (mesures de contrôle générales, obligation de résidence et interdictions du type « ne pas fréquenter les débits de boisson », « ne pas détenir ou porter une arme » etc….) Parallèlement, elle pourra bénéficier des mesures d’aide mises en oeuvre par le SPIP avec la participation, le cas échéant, de tous les organismes publics ou privés. Sous prétexte de lutter contre les sorties sèches, le législateur est parti dans l’extrême en généralisant la prolongation de la peine, après la fin de la peine !
Nos alertes seront restées sans effet sur un autre champ, celui de l’association, dans la politique d’exécution des peines, des instances locales de prévention de la délinquance. En effet, le législateur prévoit désormais qu’elles seront chargées d’organiser les modalités de suivi et de contrôle en milieu ouvert des personnes condamnées sortant de détention, désignées par l’autorité judiciaire compte tenu de leur personnalité, de leur situation matérielle, familiale et sociale ainsi que les circonstances de la commission des faits. Elles informeront
régulièrement les juridictions de l’application des peines et le SPIP (qui lui transmettent toutes les informations jugées utiles) des conditions de mise en oeuvre, dans le ressort, du suivi et du contrôle de ces personnes.
Espérons que ces dispositions, gravement attentatoires aux libertés publiques et à la séparation des pouvoirs, puissent ne pas franchir le barrage du Conseil Constitutionnel !
Dernier échec, scellé depuis le passage du projet de loi devant le Conseil d’Etat : la non reconnaissance du caractère régalien des missions du SPIP en matière d’exécution de peine. Ainsi, malgré les engagements de la Ministre, les principales fonctions du SPIP resteront sous la menace d’une privatisation. Si le recul de dernière minute sur la délégation de la contrainte pénale aux associations socio-judiciaires est un signe encourageant, il n’en demeure pas moins que, demain encore, des mesures de SME seront confiées par les
autorités judiciaires au secteur associatif. Pour le SNEPAP-FSU, plus que jamais, les fonctions de préparation, aménagement, contrôle et suivi des peines ainsi que de direction des SPIP devraient être
« sanctuarisées » par la loi.
Contrainte pénale confiée uniquement aux SPIP, suppression des peines planchers, fin de l’automaticité de la révocation des sursis en cas de nouvelle condamnation, alignement du régime des personnes condamnées en état de récidive légale sur celui des condamnés primaires s’agissant des crédits de réduction de peine et des réductions supplémentaires de peine, amélioration du droit des victimes sont autant de dispositions positives de cette réforme pénale.
Dispositions positives qui peinent à faire le poids face aux reculs et inepties constatés dans ce texte qui se retrouve, de fait, aux antipodes d’une simplification et d’une mise en cohérence du système de l’exécution des peines, pourtant tant attendues par les professionnels.
La contrainte pénale, mesure phare de la réforme, fera l’objet d’une évaluation dans les 2 ans suivant sa mise en place. Inutile d’attendre 2 ans ! En maintenant le SME en parallèle, nul doute que les
magistrats ignoreront cette peine complexe à la plus-value incertaine.
Tant de promesses envolées… Le SNEPAP-FSU restera vigilant pour que celle, faite en octobre 2013, de l’amplification des recrutements pour les SPIP, soit quant à elle honorée. A défaut, les personnels
d’insertion et de probation renonceront à poursuivre leurs réflexions visant à enrichir leurs pratiques pour construire une probation rénovée, que cette réforme n’aura pu leur offrir.
Paris, le 22 juillet 2014