Affaire Pornic, deux mois après : où en sommes nous ?
La manifestation du 29 mars 2011 a été une réussite si l’on en juge par la présence dans la rue de 5000
participants issus de l’ensemble des secteurs de la Justice, tout comme par l’unité rarement égalée des
organisations professionnelles du monde judiciaire.
Mais elle peut être plus particulièrement considérée comme
une réussite pour les personnels de l’Administration Pénitentiaire, et notamment des Services Pénitentiaires
d’Insertion et de probation, qui formaient le gros des bataillons à battre le pavé pour exiger de leur ministre des
moyens.
Alors point final ou point d’étape ?
Où en sommes nous deux mois après que la Justice ait été secouée par l’affaire dite de Pornic ?
Rappelons-nous que l’émoi causé par la disparition de la jeune Laetitia n’a eu d’égal que la triste manière dont le
Président de la République a tenté d’y apporter de fausses réponses. En mettant en cause les personnels du
Ministère de la Justice et des Libertés, au premier plan desquels les personnels des SPIP, l’exécutif de notre pays a
lui-même mis le feu aux poudres dans les rangs de ses fonctionnaires. Si le Ministère a tenté de s’en sortir en
sanctionnant finalement un responsable régional de l’Administration Pénitentiaire, ses erreurs étaient déjà trop
énormes pour ne pas appeler une réaction des personnels. En effet, notre Ministre et son bras armé, le Directeur
de l’Administration Pénitentiaire n’ont eu de cesse depuis lors d’enfoncer sous l’eau la tête des services déjà au
bord de la noyade : affectation nominative des dossiers en attente le 27 janvier, nombre ridicule de recrutement
de CPIP le 8 février, note du 15 février 2011 incitant les Parquets à des mises à exécution sommaires sans
attendre la décision des JAP, explosion en conséquence du nombre de personnes incarcérées, baisse drastique
des budgets d’intervention dans les SPIP amenant les directeurs de services à mettre fin à de nombreux
conventionnements… Tout ceci sans aucune perspective en matière de recrutement de personnels titulaires ! Le
Ministère aurait voulu s’appuyer sur une mobilisation pour aller récolter des budgets à Bercy qu’il n’aurait pas
procédé différemment…
On a sous-entendu depuis que les SPIP ne se relèveraient pas de l’Affaire de Pornic et qu’il fallait déjà se partager
les restes de ces services moribonds… La création de multiples groupes de travail autour de l’exécution des peines
et le silence écrasant de l’Administration Pénitentiaire depuis le début de la crise ont favorisé ces bruits de
couloir. Alors des SPIP sous la coupe du Parquet comme l’UMP le propose pour « améliorer l’application des
peines » ? Sous la coupe des JAP comme le revendique l’Association Nationale des Juges de l’Application des
Peines (ANJAP) ? Sous la coupe des Directeurs des Services Pénitentiaires comme le défend FO-Direction ? Ou au
contraire encore plus forts car les SPIP sont plus que jamais un maillon incontournable au coeur des politiques
publiques de prévention de la récidive, comme l’affirme le SNEPAP-FSU ?
Il pourrait être en effet difficile d’y voir clair sur ce qu’il va advenir des SPIP parmi tous les groupes de travail qui
ont été mis en place par le Ministère…
· D’un côté, la mission « Ciotti » visant à « renforcer notre capacité à exécuter efficacement les peines
prononcées », le tout « dans un objectif global de résorption des peines non exécutées » assigné au Garde
des Sceaux. Cette mission doit rendre ses conclusions pour le 30 avril et semble à ce jour ignorer
fermement les SPIP. Inquiétant si l’on en juge par les positions qu’a défendu ce parlementaire lors du
débat sur la loi pénitentiaire en préconisant un TIG à 720h, inquiétant car certains membres de la mission
ont jusqu’à présent défendu le retour aux années 80 avec des SPIP sous la coupe des DSP… Anecdotique
si l’on en juge par le nombre de rapports édictés par les parlementaires sur l’exécution des peines depuis
plusieurs années et jamais suivis d’effets… Le SNEPAP-FSU a rencontré la mission et fait valoir ses
arguments en faveur de SPIP renforcés dans leur autonomie et reconnus dans leur compétence, sans être
dupe sur l’intérêt que porte M.Ciotti à l’avis des personnels, mais parce qu’il est de notre responsabilité
de faire remonter la parole de ceux-ci.
· D’un autre côté, la mission confiée à l’Inspection Générale des Services Judiciaires et à l’Inspection
Générale des Finances qui a pour objectif de définir des indicateurs d’évaluation de l’activité des services
et qui doit rendre ses conclusions mi-juin. Lors des auditions annuelles dans le cadre du budget par la
commission des finances de l’assemblée nationale, le SNEPAP-FSU avait en effet relevé que le seul
indicateur utilisé dans la loi des finances pour mesurer
l’activité des SPIP en milieu ouvert, et donc pour leur
octroyer les budgets en conséquence, est à ce jour celui du
« paiement des parties civiles ». Si on ne pourra jamais
précisément mesurer l’activité des SPIP en raison du
caractère individualisée des prises en charge, d’autres
indicateurs comme le nombre de personnes suivies, la
durée des suivis, l’importance des permanences
d’orientation pénale permettraient d’en mesurer tout de
même plus précisément l’activité.
Pour le SNEPAP-FSU, cette mission revêt un
caractère primordial, tant l’absence de
mesure fiable des charges de travail est
directement responsable de l’absence
d’organigrammes dans les SPIP. Ce travail
permettrait enfin de définir des effectifs de
référence et par incidence de faire valoir les
carences dans les services pour chaque type
de personnels.
· C’est la création de ces mêmes organigrammes pour les SPIP qui est un des axes du travail du groupe
ministériel sur les SPIP, piloté par Bruno Clément, le conseiller pénitentiaire ministériel, et Patrick
Mounaud, chargé de mission par la DAP sur l’exécution des peines. Ce groupe de travail a également pour
objectif d’analyser l’organisation générale du système, notamment sur les liens entre SPIP et JAP et entre
SPIP et établissements pénitentiaires. Enfin, il a pour dernière mission de faire un premier bilan sur la
question des expérimentations en cours en matière d’organisation des SPIP. Il devra rendre ses
conclusions au début du mois de mai.
Parallèlement à ce groupe de travail ministériel « SPIP », un autre groupe de travail est chargé
d’examiner le fonctionnement des services de l’application et de l’exécution des peines.
Composé de professionnels, ces deux groupes devaient associer également les organisations syndicales
représentatives, mais le Ministre s’est vu opposer un front solidaire de ces organisations, dont le SNEPAPFSU,
qui ont refusé d’y participer tant qu’aucun plan d’urgence sur la question des moyens ne serait
annoncé. Si le travail sur les organigrammes est, pour le SNEPAP-FSU, une attente forte en terme de calcul
des effectifs à atteindre, nous ne pouvions accepter de discuter avec un Ministre qui d’une part décide de
la mise à exécution de l’ensemble des peines à ce jour en attente dans les services, sans d’autre part en
tirer des conséquences en matière de ressources humaines !
· Enfin, en lien avec le groupe de travail ministériel sur les SPIP et afin d’en développer le troisième axe
relatif à l’organisation des SPIP, un groupe de travail dont la direction est confiée à Messieurs Lemaire et
Camus doit faire le bilan de la « segmentation », qui n’a, à ce jour, pourtant pas encore débutée sur les
sites pilotes, et du Diagnostic à visée criminologique. Si le groupe propose d’entendre les organisations
syndicales, les positions du SNEPAP-FSU sur ce sujet, ses propositions comme ses oppositions sur certains
aspects du projet de la DAP, ont été suffisamment conséquentes ces deux dernières années dans le cadre
du protocole de 2009, pour que l’administration
décide d’en tenir compte si elle le souhaite. Si le
SNEPAP-FSU a toujours défendu que l’évaluation de
la personne ait pour objectif de différencier la prise
en charge en fonction des problématiques décelées,
le projet embryonnaire de la DAP devra être réévalué
en fonction de son expérimentation sur les sites
pilotes et ne doit en aucun cas être conduit au pas
de charge.
Si tous ces groupes de travail ont un intérêt
certain, le rapport de force mis en place par
l’Interprofessionnelle Justice dans le but d’obtenir
un plan de recrutement, reste à ce jour la priorité
pour le SNEPAP-FSU qui attend du Ministère des
propositions fermes. C’est en ce sens que notre
organisation syndicale a refusé de participer aux
discussions qui lui étaient proposées dans ce
cadre.
Pour le SNEPAP-FSU, nous savons bien que l’avenir des
SPIP ne se joue pas dans ces groupes de travail. C’est
bien une décision politique qui tranchera in fine entre
les propositions, très certainement contradictoires, qui
seront faites dans le cadre notamment des deux
groupes ministériels sur les SPIP et sur l’application des
peines. Quelle position prendra le ministre, et plus
largement le gouvernement à ce moment ? Nul ne le
sait… S’agira-t-il de revenir sur la réforme de 1999 ou à
l’inverse d’affirmer que les SPIP ont acquis une
compétence propre et désormais indispensable à la
bonne exécution des peines ? Le ministre aura-t-il en
mémoire que bien loin d’enlever des pouvoirs aux magistrats de l’application des peines, la réforme de 1999 a été
au contraire la condition de la juridictionnalisation de l’application des peines, de la transformation de mesures
d’administration judiciaire en des décisions d’applications des peines enfin susceptibles de recours ? Certes les
SPIP sont des services jeunes et perfectibles, mais l’exigence d’amélioration doit être conduite par
l’administration dans l’objectif de renforcer leur place et non de les museler. L’occtroi de moyens
supplémentaires, tout comme le SNEPAP-FSU l’a exigé du Ministère depuis plusieurs mois déjà, et plus
récemment au mois de février par une plateforme revendicative spécifique aux SPIP, est un des élément essentiel
de cette reconnaissance.
Malgré sa présence au sein de l’Interprofessionnelle
Justice, l’ANJAP vient d’annoncer sa participation aux
groupes de travail, rompant ainsi l’unité de ce
rassemblement. Le SNEPAP-FSU dénonce cette décision
qui vient fragiliser la démarche unitaire engagée depuis
plusieurs mois et renforcée ces dernières semaines !
Ainsi, le document ministériel publié ce lundi 28 mars
n’annonce aucun renfort tant en magistrats qu’en
fonctionnaires des greffes pour les services en charge de
l’application des peines. L’ANJAP se trompe de combat,
l’heure est toujours à la mobilisation et non à la reprise
des discussions !
Le cortège de la mobilisation du 29 mars 2011 le démontre, c’est principalement sur les personnels pénitentiaires
et plus particulièrement ceux des SPIP que repose ce mouvement. C’est donc à nous personnels pénitentiaires
d’aller chercher les moyens dont nous avons besoin pour assurer nos missions ! Si l’on en juge par les délais
donnés aux groupes de travail pour rendre leurs conclusions, le Ministère, et plus largement le gouvernement,
devront se positionner dans quelques semaines et décideront ou non de l’occtroi de moyens supplémentaires en
fonction des conclusions des groupes de travail certes, mais également en fonction du rapport de force et de
l’engagement des SPIP dans la mobilisation.
LE MOIS DE MAI SERA DONC DECISIF POUR LES SPIP !
Afin que le rapport de force soit le plus visible possible et influence les décisions du gouvernement, le SNEPAPFSU,
appelle les personnels à mettre en place, dans l’unité la plus large, des actions ponctuelles et visibles qui
fassent la démonstration de notre détermination.
POUR CELA, NOUS APPELONS D’ORES ET DEJA A UNE JOURNEE « SPIP MORTS » LE JEUDI 14 AVRIL 2011 !
CE TYPE D’ACTION SERA AMENE A SE REPETER ET A S’AMPLIFIER
JUSQU’A CE QUE LE MINISTRE FASSE DES ANNONCES A LA HAUTEUR DE LA SITUATION !
Cette journée doit mettre en évidence que l’ensemble des services, tous corps confondus, ne peuvent plus
endurer les charges de travail imposées par le Ministère sans recrutement de personnels titulaires
supplémentaires. Elle devra être l’occasion pour les personnels d’établir collectivement les états des lieux
détaillés de leur service et de les communiquer localement aux médias, élus, citoyens… La compilation nationale
de ces états des lieux nous permettra de mettre définitivement le ministère devant ses responsabilités.
PARCE QUE C EST CE RAPPORT DE FORCE QUI NOUS FERA ENTENDRE !!!
LE SNEPAP-FSU ATTEND DU MINISTERE
DES ANNONCES FERMES EN MATIERE DE RECRUTEMENT DE TITULAIRES !!!
Paris le 4 avril 2011