AUDIENCE MINISTERE DE LA JUSTICE
Accompagnée de son conseiller au dialogue social et à la modernisation, la Garde des Sceaux a souhaité rencontrer les organisations syndicales afin de connaître les points d’accord et les lignes rouges à ne pas dépasser concernant les cinq chantiers de la justice restitués le 15 janvier 2018. La FSU Justice a été reçue le 19 février 2018.
La Ministre a introduit l’audience en indiquant que ces textes feraient l’objet d’un projet de loi déposé à l’Assemblée Nationale à la fin du printemps. Elle a ensuite rappelé que la justice était un point d’action du gouvernement et que de ce fait, l’action et le budget de ce ministère ont été renforcés avec la création d’emplois supplémentaires « pour honorer le fonctionnement du service public ».
Le SNEPAP-FSU est revenu de façon plus détaillée sur le cinquième chantier relatif au sens et à l’efficacité des peines. Partageant les interrogations relatives au « tout carcéral » et aux courtes peines soulevées par les rapporteurs, nous avons souligné la création d’un mécanisme de libération conditionnelle automatique et la volonté de simplifier l’arsenal des peines avec la création d’une peine de probation à la place du SME et de la contrainte pénale.
Nous avons insisté sur notre souhait de voir développer la probation. Outre le fait qu’elle permet l’ implication de la communauté, elle incarne une véritable individualisation de la peine.
Le SNEPAP-FSU a donc déploré la place de cette dernière dans l’échelle des peines et la consécration d’une peine de PSE autonome après la peine d’emprisonnement.
Cette rencontre a été l’occasion de rappeler que l’évaluation est au cœur des processus d’accompagnement des usagers du service public pénitentiaire et qu’en conséquence, le SNEPAP-FSU revendique le caractère régalien de cette mission devant uniquement incomber aux SPIP, garant de l’équité de traitement des personnes placées sous main de justice.
Pour en savoir plus
Communication du SNEPAP-FSU à suivre relative au cinquième chantier justice : Pour le renforcement et la modernisation de la probation.
Le Service Public Pénitentiaire est confronté au problème de la surpopulation carcérale et de ses conséquences sur les personnes détenues elles-mêmes et leurs proches ainsi que sur l’ensemble des personnels pénitentiaires qui supportent des conditions de travail dégradées. Une fois de plus le même constat révèle les mêmes conséquences : augmentation des violences en détention, des risques d’agressions sur les personnels et hausse de la charge de travail pour l’ensemble des personnels pénitentiaires qui au final se trouvent dans l’impossibilité de réaliser convenablement les missions des services.
Le SNEPAP-FSU interpelle le Ministère de la Justice sur la nécessité de prendre en compte cette situation pour réunir les moyens utiles à la définition et à la mise en œuvre de politiques pénitentiaires orientées vers la prévention de la récidive en veillant à la valorisation des personnels pénitentiaires.
La surpopulation carcérale témoigne de la faillite des politiques pénales et pénitentiaires quand elles ne visent que le milieu carcéral, se repliant ainsi sur une vision sécuritaire et coercitive. Dans ces conditions, le réflexe immobilier propose inlassablement de construire toujours plus de places alors que cette fausse bonne idée a déjà fait la preuve de son inefficacité. En réalité, elle aggrave la situation contre laquelle elle prétend lutter !
Le SNEPAP-FSU milite pour une réelle réduction du nombre de personnes détenues, ainsi que des modalités de travail organisées en petites unités qui faciliteraient le déploiement d’actions collectives élaborées et menées conjointement par les personnels de surveillance et d’autres catégories de personnels.
Parce que pour contribuer à la prévention de la récidive et à la sécurité publique dans le respect des intérêts de la société, des droits des victimes et des droits des personnes détenues, la prison seule ne suffit pas. L’Administration Pénitentiaire doit impérativement orienter ses politiques et ses moyens vers la probation car comme le démontrent de nombreuses études,1 les peines exécutées dans la communauté sont plus efficaces sur la diminution de la récidive et indiscutablement moins onéreuses.
Aujourd’hui l’administration pénitentiaire prend en charge 140000 personnes en milieu ouvert et 70000 en milieu fermé. Plus de 11000 personnes exécutent déjà leur peine sous surveillance électronique, tandis que 39000 personnes exécutaient un TIG/STIG au 1er janvier 2017.
Les SPIP interviennent en milieu fermé et en milieu ouvert. Les agents exerçant en SPIP connaissent l’intégralité des publics et des conditions d’intervention en lien avec les étapes clés des parcours de peine.
Ils connaissent et usent au quotidien d’une diversité d’outils (procédures techniques et juridiques, conduite d’entretiens avec des publics souvent difficiles, outils d’évaluation, animation de programmes collectifs). Ils sont les interlocuteurs des partenaires publics, associatifs et judiciaires sur les territoires. Et ils subissent comme tous les personnels pénitentiaires les affres de la surpopulation. Ainsi cette surcharge de travail limite le temps imparti pour chaque usager ce qui rend difficile la réalisation des missions et, de surcroît, limite les possibilités d’instruire les procédures d’aménagement de peines.
L’accroissement constant du nombre de PPSMJ force le constat. Le développement des alternatives et des aménagements de peine ne suffisent pas, à eux seuls pour lutter contre la surpopulation carcérale.
La diminution de la surpopulation carcérale par le développement des aménagements de peine et des alternatives à l’incarcération fait l’objet de l’attention soutenue du législateur depuis une quinzaine d’année. L’année où la probation fête ses 60 ans, n’est-il pas étonnant de se souvenir que déjà la réforme Amor cherchait à lutter contre les écueils des courtes peines d’emprisonnement ?
Le taux d’aménagement peines a progressé ces 15 dernières années principalement grâce au développement du placement sous surveillance électronique (PSE). Depuis 2015, il culmine autour de 20 %. Cet effet de seuil témoigne entre autres, de la surcharge de travail des SPIP, des difficultés du législateur à ancrer l’automaticité des libérations conditionnelles systématiques en fin de peine et de l’impossible harmonisation des politiques en matière d’aménagement de peine.
Le SNEPAP-FSU considère que seule la création d’une libération conditionnelle systématique pourrait dynamiser le développement des aménagements de peine, enfin préconisée dans le rapport relatif au cinquième chantier justice relatif au sens et à l’efficacité des peines2.
La loi pénitentiaire de 2009 prévoit que la peine de détention doit être prononcée et exécutée en ultime recours ! Le SNEPAP-FSU déplore que depuis bientôt 10 ans, ce texte ne soit qu’incantation. Pour qu’il devienne enfin réalité, le SNEPAP espère que les travaux relatifs aux chantiers justice dédiés au sens et à l’efficacité des peines permettent de mobiliser de nouveaux moyens pour lutter contre le recours à l’emprisonnement.
Le SNEPAP-FSU estime nécessaire de chercher à diminuer la mise à exécution des courtes peines d’emprisonnement d’une part et de réduire par ailleurs les possibilités d’incarcération dans le cadre des mesures pré-sentencielles.
D’ailleurs le SNEPAP-FSU se réjouit des perspectives qui pourraient être mobilisées sur la dépénalisation de certains contentieux ainsi que plus globalement, de la refonte de l’échelle des peines. De plus, depuis longtemps le SNEPAP-FSU milite pour la création d’une peine de probation.
Le SNEPAP-FSU se prononce pour la création d’une peine autonome de probation sans référence à l’enfermement, prononcée par la juridiction de jugement, qui en fixe uniquement la durée. La peine autonome de probation serait la seule peine de référence en matière de délit.
La recherche de leviers visant à favoriser le prononcé de peines efficaces doit nécessairement s’appuyer sur l’évaluation des publics réalisée par le SPIP. En effet seule l’évaluation des risques de récidive, des besoins et de la réceptivité des personnes permet de déterminer les modalités de peine les plus à même de favoriser les sorties de délinquance.
Le SNEPAP-FSU restera attentif aux travaux à venir car si certaines mesures vont dans le bon sens, d’autres interrogent, c’est le cas du PSE autonome.
En créant une peine autonome de placement sous surveillance électronique placée dans le code pénal juste après la peine d’emprisonnement, la place de la peine de contrainte pénale dans la hiérarchie des peines est reculée. Difficile de voir, dans un tel recul, une cohérence avec l’objectif de cantonnement de la peine d’emprisonnement. Sur le plan technique, cette nouvelle peine autonome de PSE pourrait donc être prononcée à titre principal par la juridiction de jugement en répression d’un délit ; l’emprisonnement serait subi pour la durée du PSE en cas de non-respect des obligations.
Le PSE reste également une mesure alternative à l’emprisonnement. Cette proposition comporte également l’indiscutable avantage d’éviter l’effet de « seuil » du « PSE aménagement de peine », mais risque de n’avoir qu’un faible impact sur l’emprisonnement. En effet, si depuis le début des années 2000, le nombre de PSE a augmenté de manière exponentielle, il en a été de même s’agissant au nombre de personnes écrouées.
Pour le SNEPAP-FSU, la question du PSE doit se poser à travers la peine de contrainte pénale, dont il serait une modalité d’exécution et il en va de même du TIG.
L’idée d’un PSE autonome présente deux difficultés : elle ne résoudra pas la nécessité d’enquêter sur la faisabilité du PSE (accords divers notamment) et empêche d’y substituer une mesure plus adaptée (semi-liberté par exemple).
Le SNEPAP-FSU s’interroge également devant la sanction pénale découlant du non respect de la peine de probation qui reste liée à une peine d’emprisonnement. Ne serait-il pas plus logique d’adosser sa partie révocable à une peine de PSE ? D’autant que si le PSE est positionné dans la nouvelle échelle des peines entre l’emprisonnement et la peine de probation, il serait plus à même d’être référencé à la place de l’emprisonnement.
De plus pourquoi réduire l’examen des 723-15 à un an tandis que le seuil d’octroi reste à 2 ans dans le cadre de la procédure du 712-63 ? D’étonnantes mesures transitoires prévoient de réajuster au besoin…
Tout compte fait, n’est-il pas temps d’envisager plus directement les conditions nécessaires à rendre obligatoire l’évaluation des publics par le SPIP avant tout prononcé de peine ?
Le SNEPAP-FSU confirme la nécessité de renforcer les SPIP en personnels qui devront, pour informer la juridiction rapidement en amont du prononcé de la peine, se voir doter de renforts en moyens et en innovations méthodologiques.
A cette fin la poursuite de la professionnalisation des pratiques doit se consolider pour que les services puissent effectuer une évaluation sur des fondements évalués et proposer des parcours de peines visant les sorties de délinquance. En ce sens la validation du RPO1 est une excellente nouvelle qui consacre les SPIP dans leur rôle majeur en matière de prévention de la récidive.
Pour le SNEPAP-FSU, le référencement d’un corpus de connaissances spécifiques à l’intervention des SPIP est le levier essentiel à la diminution de la surpopulation carcérale parce qu’il favorise le prononcé de peine avec des parcours de peine adaptés.
L’ensemble des moyens mobilisables pour que diminue le nombre de personnes incarcérées, en particulier celles purgeant de courtes peines d’emprisonnement, implique le cœur de métier des SPIP : c’est l’évaluation des publics qui permet de prioriser des axes d’intervention visant les sorties de délinquance. En pré-sentenciel comme en post-sentenciel, le SPIP est devenu l’acteur incontournable de la définition et de la mise en œuvre d’accompagnement spécifique visant la diminution de la récidive.
C’est la raison pour laquelle, la DAP doit soutenir le déploiement du RPO1 pour une mise en œuvre rapide dans les services. Si le SNEPAP-FSU renouvelle son contentement devant sa publication officielle, il n’en demeurera pas moins impatient de voir advenir la poursuite des travaux nécessaires à la consolidation des méthodologies d’intervention. Aussi le déploiement d’outils d’évaluation est toujours suspendu aux suites de PREVA, de même que les plans de formation dédiés aux méthodologies d’interventions. Enfin le RPO1 pourrait-il davantage soutenir l’harmonisation des pratiques en SPIP s’il se voyait formalisé par voie de circulaire ? La DAP avait annoncé la réécriture de la circulaire de mars 2008 à l’issue des travaux dédiés à la publication des référentiels.
Paris, le 26 février 2018
pour_la_modernisation_et_le_renforcement_de_la_probation_26_02_2018
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