Budget DAP 2015
Le SNEPAP-FSU était présent pour la présentation du projet de budget 2015 du Ministère de la Justice par la Garde des Sceaux, le mercredi 1er octobre, comme pour celle du budget de l’Administration pénitentiaire, par la DAP, le lendemain. Le budget du Ministère progresserait de 2,3 % en 2015 (il avait progressé de 1,7 % en 2014, de 4,2 % en 2013). Seuls trois autres Ministères voient leurs crédits augmenter (Education nationale, Intérieur, Logement).
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L’Administration Pénitentiaire : un budget en trompe l’oeil
Baromètre à la hausse…
Avec 3,396 milliards d’euros, le budget de l’administration pénitentiaire, qui absorbe plus de la moitié du budget ministériel, augmenterait de 5,2 %.
528 créations d’emplois sont envisagées pour 2015, soit la quasi intégralité de celles potentiellement fixées pour l’ensemble du Ministère1. Ces créations intègrent 128 emplois pour l’ouverture de nouveaux établissements (Beauvais, Valence, Riom, Ducos, UHSA de Bordeaux) et 100 recrutements pour résorption des emplois vacants.
Aucun renfort en vue pour les personnels des greffes, qui seront pourtant touchés par l’entrée en vigueur de la liberté sous contrainte, en janvier prochain.
Le projet de budget comprend 13,2 millions d’euros pour des mesures catégorielles : 11 millions pour la réforme statutaire des personnels de surveillance, le reste pour la réforme statutaire des Directeurs de Service Pénitentiaire (DSP) et la dernière tranche de la réforme statutaire des personnels d’insertion et de probation, qui a essentiellement concerné les CPIP.
Il a été indiqué que si rien n’avait été budgété pour 2015, le Ministère des Finances a autorisé la DAP à engager des discussions pour une réforme statutaire des officiers.
Près de 10 ans après la dernière réforme statutaire substantielle pour le corps des DPIP, et la réforme du corps de DSP actée, la DAP ne peut désormais plus se cacher face à la situation des DPIP.
Le SNEPAP-FSU a déjà commencé à envoyer quelques sondes. En 2015, nous ne nous contenterons pas de cela.
L’ouverture de négociations pour les officiers est annoncée, c’est une bonne chose ; nous n’oublions pas que la réforme statutaire des CPIP a été calée sur le statut des officiers. L’ouverture pour les uns devra préparer le terrain pour les autres. La revendication de l’accès à la catégorie A pour les CPIP n’a pas été oubliée ; ni la promesse faite en 2009 d’en rediscuter dans quelques années. Peu importe que la peinture de la nouvelle grille indiciaire des CPIP ne soit pas encore sèche. L’échelonnement sur 5 ans n’était pas notre décision.
Le SNEPAP-FSU a fait le choix de ne pas mêler les contingences catégorielles au long débat sur la réforme pénale. Les enjeux inhérents au développement d’une nouvelle politique pénale, la priorisation des moyens humains et matériels, le commandaient. Mais la loi est votée. Il faut désormais consacrer la reconnaissance des professionnels qui subiront les conséquences de sa mise en œuvre.
… chute de température.
L’augmentation budgétaire de 5,2 % est immédiatement tempérée par l’annonce, devenue classique, d’un gel de crédits à hauteur… de 8%.
En d’autres termes, nous vous présentons un budget qui, même voté en l’état par le Parlement, ne pourrait pas être disponible…
A noter que le gel ne cesse d’augmenter d’année en année : il était de 7 % en 2014, inférieur en 2013…
L’administration elle-même explique que le projet de loi de finances 2015 a été construit sur la base d’une prévision de croissance plutôt optimiste… Sous-entendu : personne n’y croit.
En outre, le budget de l’AP est basé sur une baisse du nombre de personnes détenues, avec une diminution espérée de plus de 2000 personnes à l’issue du budget triennal (2017)…
En effet, la chancellerie fait peser tout le poids de cette diminution sur l’année 2015, avec l’espoir de voir une baisse à hauteur de 1500, dès l’année prochaine.
Le Ministère des Finances a pris la chancellerie a son propre jeu en estimant que la population carcérale diminuerait rapidement du fait de l’entrée en vigueur rapide de la réforme pénale (objectif de voir la contrainte pénale mordre sur les courtes peines d’emprisonnement, effets de la liberté sous contrainte, fin de la révocation automatique des sursis…).
La DAP pense rassurer les personnels en rappelant que ce gel de crédits concernera essentiellement les programmes immobiliers (par glissement et décalage des opérations immobilières dans le temps..), et épargnera les budgets de fonctionnement et d’intervention.
Les crédits consacrés aux activités en détention augmenteront de 1,5 millions d’euros. La moyenne actuelle d’activités financées par jour et par personne détenue est de 1h30. L’objectif fixé pour 2017 est de passer cette moyenne à 3 heures.
De nouvelles opérations immobilières, annoncées depuis longtemps, seront lancées en 2015 : Lutterbach, Nouvelle Calédonie, CSL de Martinique, rénovation à Basse-terre, CP de Faa’a, Aix/Luynes 2, reconstruction du CP de Draguignan…
La priorité aux SPIP, confirmation
Ressources humaines :
Pour ce qui concerne l’annonce de 1000 emplois pour les SPIP, les promesses sont, pour la seconde vague de recrutements, respectées : 300 créations nettes d’emplois en 2015.
Le SNEPAP-FSU relève néanmoins une certaine confusion, plus ou moins entretenue, sur le calendrier de recrutement : tantôt les 1000 emplois sont-ils envisagés sur la période triennale 2014/2016 (communications médiatiques de la chancellerie, rapports des commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat), tantôt le sont-ils sur quatre exercices, sur la période 2014/2017 (étude d’impact, présentation du budget)… Pour ceux qui pensaient qu’après un « coup de collier », un effort certes moins soutenu, mais plus régulier, pourrait se matérialiser à partir de 2017, fin des espoirs.
Sur la ventilation des 1000 emplois créés sur 4 ans, là non plus les choses ne semblent pas figées : après le chiffre de 600 CPIP (rapports parlementaires précités, sorties médiatiques chancellerie et DAP, comme dans Le Monde du 3 octobre 2014), c’est celui de 650 CPIP qui a été annoncé lors de la présentation du budget.
Après 300 créations d’emplois de CPIP en 2014, il y aura donc finalement 170 CPIP supplémentaires en 2015. Les 130 emplois SPIP 2015 restants se répartissent comme suit : 35 psychologues, 30 personnels administratifs, 25 ASS, 20 DPIP, 20 surveillants SPIP.
Budgets de fonctionnement, d’intervention et investissements immobiliers
C’est ici que l’on relève les véritables nouveautés :
+ 10 % pour le budget de fonctionnement des SPIP, soit une augmentation de 2,1 millions d’euros par rapport au budget 2014, qui n’avait connu aucune hausse, alors même que la population pénale ne cessait de croître.
Les crédits d’intervention augmenteront aussi, à hauteur de 1,6 millions d’euros.
Des crédits de paiement sont ouverts à hauteur de 4 millions d’euros pour l’immobilier SPIP, avec des autorisations d’engagement (investissement pluri-annuel) de plusieurs millions.
La chancellerie semble donc avoir intégré cette année ce qu’elle n’avait pas entendu l’an dernier. Nul doute que les organisations professionnelles représentatives de la filière insertion et probation y sont pour quelque chose.
Enfin, le SNEPAP-FSU s’est étonné de l’objectif affiché, tant par le Ministère de la Justice (présentation orale et plaquette remise aux organisations professionnelles et aux médias) que par la DAP, sur le développement des aménagements de peine : une hausse de + 10% du nombre de placements sous surveillance électronique, avec un objectif de 13 000 PSE en fin d’année 2015.
Le SNEPAP-FSU ne comprend pas cet entêtement à tout miser sur le PSE alors même que les acteurs sont nombreux à souligner que cette modalité d’exécution de la peine phagocyte les autres mesures : semi-liberté, conversion en sursis-TIG ou jours-amendes, placement à l’extérieur, et surtout, libération conditionnelle.
Le responsable de la sous-direction PMJ a beau le contester, s’appuyant sur une supposée augmentation des libérations conditionnelles depuis 10 ans, il devrait passer un peu plus de temps sur les statistiques. Car le nombre de LC affichées au 1er janvier 2014 est en dessous de celui retenu au 1er janvier 2008. Après une légère augmentation sur les années intermédiaires, le nombre de LC prononcées continue donc de diminuer d’année en année depuis 2011…
Si la Directrice de l’Administration Pénitentiaire affirme que des budgets consacrés aux placements à l’extérieur restent non consommés, il lui revient de s’interroger sur ce qu’elle avait elle-même suggéré au SNEPAP-FSU, il y a quelques mois : une mauvaise répartition des crédits sur le territoire national. La ligne budgétaire n’augmentera, pour le placement à l’extérieur, que de 100 000 € en 2015.
L’administration pénitentiaire se contente de suivre le rythme imprimé par les juges de l’application des peines, qui suivent eux-mêmes la voie tracée par la chancellerie et l’administration pénitentiaire, cercle sans fin.
Or, il appartient à la chancellerie et à l’administration pénitentiaire de promouvoir d’autres modalités d’exécution de la peine que le PSE, mesure utile, mais qui n’est pas une fin en soi !
La priorité donnée au SPIP se confirme. L’effort conséquent sur le volet immobilier est appréciable.
Mais le SNEPAP-FSU attire l’attention sur le caractère pour le moins inadapté de l’auto-satisfaction qui semble poindre place Vendôme, et invite la chancellerie à éviter toute référence aux ratios, sortis de nulle part, établis par le rapport de l’inspection conjointe IGSJ/IGF en juillet 2011.
Les 1 000 postes en passe d’être créés ne correspondent pas même à une « mise à niveau »…
Les 600 ou 650 postes de CPIP sont ainsi en deça de ce qui avait été préconisé pour la loi….. pénitentiaire de novembre 2009 !
C’est dire si nous sommes encore loin du compte à la lumière de l’augmentation de la population pénale qui a suivi et, évidemment, des effets de la loi du 15 août 2014.
Quant aux standards internationaux, n’en parlons pas…