Comité technique ministériel du 26 mai 2014
Madame la Ministre,
Un mois et demi après les élections municipales, le CT-M se réunit à nouveau au lendemain d’élections, parlementaires européennes cette fois. Le 7 avril dernier, nous évoquions la sanction pour le gouvernement ; que dire aujourd’hui après un désastre sans précédent pour le parti gouvernemental et ses alliés ? Mais, bien sûr, toutes nos inquiétudes vont vers le résultat, sans précédent lui aussi, d’un parti populiste et xénophobe qui a été porté en tête des suffrages dans de nombreuses régions françaises, en tête des suffrages pour la
France entière. Ce désastre est en large partie dû aux multiples renoncements du pouvoir en place. Ces
résultats révèlent l’accélération d’une dynamique mue par la crise, l’absence de réponse aux attentes sociales, le fait qu’une partie de la population a le sentiment de perdre la main sur son avenir, la stigmatisation des étrangers sur fond sécuritaire. L’extrême droite profite d’un moteur puissant, se nourrissant de la désespérance sociale et du rejet des politiques actuelles, pour passer le barrage des urnes et imposer son choix de société. Pour faire échec à sa progression et imposer d’autres valeurs, la FSU réaffirme la nécessité d’une Europe solidaire et sociale en rupture avec le libéralisme et les traités actuels. Cela passe par la fin des politiques d’austérité et la mise en oeuvre d’une politique fiscale redistributive des richesses, une lutte résolue
contre l’évasion fiscale, une harmonisation des politiques sociales au service de l’amélioration des droits pour
tous les citoyens européens (droits sociaux, minimum salarial, politique de santé et couverture sociale….).
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C’est dans ce contexte d’affaiblissement inédit et préoccupant de la majorité gouvernementale et parlementaire que vous allez présenter devant l’Assemblée Nationale le projet de loi relatif à la prévention de
la récidive et à l’individualisation des peines, concrétisation bien tardive d’une partie des promesses de campagne de l’actuel Président de la République. La FSU est aujourd’hui particulièrement inquiète des
nouveaux reculs qui pourraient intervenir dans ce cadre, après les arbitrages de l’été 2013 et la censure du Conseil d’Etat. Pourtant, cette réforme est indispensable pour un système pénal et pénitentiaire à bout de souffle et marqué depuis des années par l’échec d’une politique sécuritaire et populiste. Individualisation de la peine avec la fin des automatismes, mise en lumière de la probation, jusqu’ici étouffée par les questions carcérales, réduction des « sorties sèches », génératrices de récidive, vont dans le sens des principes et des valeurs défendus par la FSU. Ce projet est déjà loin des intentions initiales ; la FSU continuera d’oeuvrer pour qu’il gagne en ambition et en cohérence.
Un point en particulier devrait à notre sens retenir votre attention car il en conditionne bien d’autres : la reconnaissance du caractère régalien des missions principales des services pénitentiaires d’insertion et de
probation, à l’instar de ce que la loi affirme déjà pour les établissements pénitentiaire. Vous n’ignorez pas que, malgré vos intentions et déclarations sur le sujet, en dépit de la préconisation explicite de la Conférence de Consensus, le Conseil d’Etat a fait retirer du projet de loi cette affirmation pour les SPIP. Pour la FSU, les
fonctions de mise à exécution des peines probatoires, le rôle d’aide à la décision judiciaire (notamment dans ses dimensions de préparation des aménagements de peines, d’évaluation et de préconisation en matière de suivi probatoire), et enfin de direction des SPIP, appartiennent pleinement et uniquement au service public.
L’affirmation du rôle de l’Etat dans ce domaine serait la première marque de la philosophie du projet de loi : la sanction ne débute pas à la porte des prisons. Il est temps que la loi accorde aux SPIP et à leurs personnels cette essentielle reconnaissance institutionnelle et symbolique.
A propos de reconnaissance, les personnels des greffes attendaient depuis des années le rendez-vous statutaire qui s’ouvre avec le protocole de négociation que vous venez de proposer aux organisations représentatives des services judiciaires. Nous regrettons que ce CT-M ne soit pas l’occasion d’informer les organisations représentatives au niveau ministériel des propositions qui sont faites. Nous craignons de nous retrouver dans quelques mois face à un texte bouclé qui ne pourra faire l’objet d’aucune modification, comme pour le statut du corps d’encadrement et d’application des personnels de surveillance de l’Administration Pénitentiaire. La FSU est d’autant plus inquiète que les premiers éléments qui ont été communiqués font état d’une revalorisation en-deçà des responsabilités exercées et des attentes des personnels mobilisés, alors même que les conditions de reclassement et de reprise d’ancienneté demeurent inconnues. De même, la création d’un statut d’emploi pour accéder à la revalorisation indiciaire terminale viendra une nouvelle fois réduire drastiquement le nombre de bénéficiaires, par le jeu du contingentement des emploi et des conditions d’accès. Pour la FSU, le compte n’y est pas !
Concernant la justice des mineurs, nos craintes de voir la réforme de l’ordonnance sacrifiée sont aujourd’hui confirmées. Il existe malheureusement peu de chances pour que le gouvernement ose affronter les forces réactionnaires, déjà en ordre de bataille pour fustiger le soit-disant laxisme de la réforme pénale des majeurs. C’est pourquoi nous n’avons cessé d’alerter, afin que le gouvernement actuel, dès son arrivée au pouvoir, prenne les initiatives les plus urgentes et correspondant a minima aux promesses de campagne
électorale, comme celle de supprimer les Tribunaux Correctionnels pour Mineurs. La FSU continuera d’agir pour que cette réforme ait lieu. Il en va de la crédibilité et de la portée réelle des nouvelles orientations qui
seront fixées pour la PJJ à l’automne.
De même, le budget de la PJJ, déjà en baisse d’une année sur l’autre, est révélateur des ambitions extrêmement limitées et les moyens qui seront alloués en 2015 dans le cadre de la politique d’austérité du
gouvernement. Toute marge de manoeuvre pour la mise en place des nouvelles orientations risque d’être ainsi supprimée.
Certes, nous considérons que les principes éducatifs réhabilités aujourd’hui par la direction de la PJJ, qui se traduisent par un changement de langage vis-à-vis des mineurs, correspondent aux attentes des personnels.
Néanmoins, nous craignons que ces principes ne puissent pas véritablement s’incarner, faute d’une ambition politique globale. Dès lors, le risque est grand de décevoir une fois de plus les personnels, d’autant que leurs conditions de travail et d’exercice de leurs missions continuent de se dégrader.
La paralysie politique dont souffre aujourd’hui la justice des mineurs se traduit par une augmentation de
l’incarcération des mineurs et par une dégradation de leurs conditions de détention. A l’EPM de Porcheville, la situation de surpopulation carcérale compromet gravement la protection et la sécurité des mineurs. Un préavis de grève a d’ailleurs été déposé à compter d’aujourd’hui pour dénoncer cette situation. Après Villeneuve les Maguelone, dont la situation explosive a conduit le CGLPL a faire un
signalement, celle de la maison d’arrêt de Majicavo à Mayotte a été portée au grand jour. Dans cette maison d’arrêt, la détresse des mineurs a atteint un degré insupportable qui s’apparente à de la non assistance à personne en danger. Cette situation est d’autant plus dramatique que la pénurie de moyens est devenue
intenable pour les structures ouvertes de la PJJ de Mayotte, alors que la jeunesse en difficulté, là encore plus qu’ailleurs, est confrontée à un avenir sans perspectives dans un contexte socio-économique marqué par le chômage, la pauvreté et un tissu social détruit.
Ainsi, des mesures d’urgence doivent être prises concernant ces structures. Mais, de façon générale, c’est la pertinence d’orientations consistant à renforcer la présence de la PJJ au sein de l’incarcération qui est à nouveau questionnée. Cette présence qui absorbe des moyens importants ne contribue pas à l’amélioration des conditions de détention des mineurs. Au contraire, elle peut servir de caution pour faciliter l’incarcération et faire perdre de vue les effets fondamentalement destructeurs de l’incarcération pour des
adolescents déjà en très grande difficulté.
La FSU rappelle que l’incarcération des mineurs doit rester la plus exceptionnelle possible et continue d’exiger une réorientation des moyens dévolus à l’enfermement en général vers les structures ouvertes, afin de déployer pleinement une action éducative préventive et protectrice.
Paris, le 26 mai 2014