Comité Technique Ministériel du jeudi 3 juillet 2014 : déclaration liminaire

Dans quelques jours, et du fait d’une regrettable procédure d’urgence, une commission mixte paritaire tranchera sur l’avenir du projet de loi relatif à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive. Les deux chambres se sont exprimées. Pour le meilleur : une peine de

probation consacrée dans la liste des peines correctionnelles ; la contrainte pénale comme peine de référence pour certains délits, l’alignement partiel du régime de l’exécution des peines des condamnés en état de récidive sur celui des condamnés primaires ; la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs. Mais aussi pour le pire : un mille-feuille pénal qui consacre une nouvelle couche avec le maintien du sursis avec mise à l’épreuve qui ne sait plus où il habite, une

généralisation de la surveillance judiciaire qui tait son nom et surtout, la porte grande ouverte à la privatisation de l’exécution des peines.

Nous avions prévenu. Nos interlocuteurs nous écoutaient poliment, feignant de ne pas comprendre, nous assurant que nos craintes étaient infondées…

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La FSU, et le SNEPAP-FSU en son sein, luttent depuis de nombreuses années pour que la probation soit reconnue comme une mission régalienne de l’Etat, celle des Services Pénitentiaires d’Insertion

et de Probation, à l’instar des missions de greffe, de direction et de surveillance des établissements pénitentiaires. Le Ministère de la Justice semblait s’être engagé dans cette voie ; mais l’absence de

soutien du Gouvernement et la rédaction bâclée d’une disposition du pré-projet de loi pénale avaient rapidement entraîné la fin des ambitions en la matière.

Le pire est arrivé. Par une série d’amendements socialistes, dans le sillage d’une majorité, de droite, qui avait pourtant été plus timide en avril 2006, le Sénat a acté l’ouverture de la mise en oeuvre de

l’évaluation des publics et de la contrainte pénale par le secteur associatif ; en modifiant l’article 712-1 du code de procédure pénale, il ouvre grand la porte pour l’ensemble des mesures post sententielles.

Nous demandions à ce que cesse la confusion entre les actions de diverses associations sur le volet de l’action médico-sociale et de l’insertion socio-économique, et le développement d’une logique

concurrentielle qui n’a d’autre but que de substituer le secteur privé associatif au service public en matière d’exécution des peines. Nous n’avons eu de cesse de saluer le travail exceptionnel du secteur associatif sur des champs de compétence et d’intervention pour lesquels il amène son expertise. Mais le partenariat et l’implication de la société civile dans le parcours des personnes sous main de justice, ni ne signifient, ni n’impliquent la délégation pure et simple du suivi d’une peine ;comme les personnels en cours de mobilisation, nous le répétons : « travailler ensemble ne signifie pas travailler à la place de ».

L’implication de la société civile, la notion de peine dans la communauté, ont été complètement dévoyées sous les coups de boutoir d’une fédération et d’une poignées d’associations membres.

Laissés dans l’ignorance par une Administration pénitentiaire recroquevillée sur ses prisons, laquelle a attendu des décennies avant de bien vouloir s’ouvrir sur l’ensemble de ses missions, une poignée de Sénateurs s’est noyée dans un humanisme déplacé.

Des associations qui, pour certaines, incarnent l’industrialisation de la peine : mesures pré-sententielles, accompagnement des victimes, hébergement social, peines de probation, colloques et conférences, servez vous, il y en aura pour tout le monde !

Des associations qui soulignent l’intérêt de recourir à leurs services, du fait de leurs facilités dans la gestion des emplois… La flexibilité de l’emploi, un argument de choix pour ceux qui s’alignent un peu plus chaque jour sur les positions de leurs supposés opposants…

Face à l’éclatement des associations sur le territoire, et ne dépendant pas de l’aléa de l’octroi de subventions, seul acteur à même de suivre une personne en détention et en milieu ouvert, le SPIP est le seul service garantissant le principe de continuité du suivi. De par son organisation, le SPIP propose des méthodes d’intervention harmonisées sur le territoire national, lesquelles garantissent une égalité de traitement. Les personnels pénitentiaires d’insertion et de probation bénéficient de la même formation spécifique et sont soumis aux obligations liées à leur statut de fonctionnaire, lesquelles apportent des garanties aux justiciables, mais aussi à la société dans son ensemble.

Madame la Ministre, en amenant la probation au coeur du Parlement, en portant la voix des acteurs de l’ombre, aux quatre coins du territoire, vous avez contribué à rendre leur dignité aux personnels

d’insertion et de probation, si longtemps méprisés. Chacun a pu observer votre détermination, au Palais du Luxembourg. Madame la Ministre, sous votre impulsion, une dynamique est née dans nos

services ; fiers de leur expérience cinquantenaire, les personnels d’insertion et de probation sont, pour peu qu’on place au coeur de leurs pratiques, toujours prêts à se questionner, à avancer.

Mais ils se sentent trahis.

Les dispositions contestées, si elles étaient définitivement consacrées, conduiraient, au-delà de l’échec du texte que vous avez porté, à un coup d’arrêt ; à un nouveau repli de l’administration pénitentiaire sur elle même. Là aussi, nous aurons assez prévenu.

Concernant la justice des mineurs, la FSU ne se satisfait pas du report sine die d’une réforme progressiste de l’ordonnance de 45. Le gouvernement a manqué l’occasion de l’entreprendre rapidement dès son arrivée. Ce renoncement oblige aujourd’hui à un vote en catimini de la suppression des TCM, dispositif emblématique des lois régressives et inefficaces adoptées ces dernières années. Alors que les sénateurs viennent de se prononcer pour leur suppression, la

commission mixte paritaire doit trancher. Il serait inconcevable qu’elle n’aille pas dans le sens du vote sénatorial.

La suppression des peine-plancher et celle des TCM doivent augurer de la restauration pleine et entière de la spécificité de la justice des mineurs. Les nouvelles orientations pour la PJJ doivent être fixées à la rentrée de septembre. Comment l’ambition éducative que la direction de la PJJ dit vouloir porter pourrait-elle se déployer pleinement sans un cadre législatif en adéquation avec cette ambition ?

Nous souhaitons également aborder la question de la création d’un statut ministériel des psychologues du ministère de la justice. Pour la FSU, ce sujet revêt une importance particulière. De ce nouveau statut découleront les conditions d’exercice des missions, de travail et de déroulement de carrière des psychologues. A l’heure, où il est partout question du renforcement du travail pluridisciplinaire, il ne s’agit pas de bâcler un statut ou de l’envisager à la baisse par rapport au seul

qui existe actuellement au ministère qui est celui des psychologues de la PJJ. D’ores et déjà nous mettons en garde sur le fait que ce futur statut ministériel ne soit pas le prélude à la création d’un statut interministériel alors que l’administration a, heureusement fait machine arrière pour ce qui concerne le corps des ASS.

Pour la FSU, le nouveau statut ministériel devra impérativement respecter la spécificité des missions des différentes administrations du ministère. De surcroît, ce statut devra garantir l’exercice de la fonction FIR selon une quotité de temps égale à celle qui est reconnue dans la

fonction publique hospitalière.

Il aura fallu un an pour que la création d’un corps ministériel induite par la loi Sauvadet pour que des discussions commencent sur des bases encore très floues. A ce jour, une seule réunion s’est tenue. Nous demandons une concertation approfondie avant le passage en CTM du projet.

A propos des personnels des greffes ou faisant fonction, ils attendaient dans le cadre des négociations ouvertes suite à leur mobilisation une véritable amélioration statutaire. Or, nous avons pu voir que le protocole des négociation laissait peu de perspectives. Il semblerait qu’en matière de revalorisation statutaire l’administration n’ait à proposer que des réformes à minima en créant des grades fonctionnels ne profitant qu’à une minorité d’agents. Nous réitérons notre demande d’une information complète sur ces sujets lors d’un prochain CTM.

Paris, le 03 Juillet 2014

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