Création d’un corps de psychologues du Ministère de la Justice, les discussions débutent enfin !

Une délégation du SNPES-PJJ-FSU et du SNEPAP-FSU, notamment composée de psychologues, était récemment reçue par le Secrétariat Général du Ministère de la Justice, en vue d’engager les discussions sur le décret créant un corps de psychologues du Ministère de la Justice. Pour rappel, seuls les psychologues de la PJJ sont dotés du statut de

fonctionnaire. Les autres psychologues du Ministère, essentiellement en fonction au sein de l’Administration Pénitentiaire, sont tous contractuels et soumis à l’arbitraire d’une administration peu soucieuse du principe d’équité dans la gestion de ses agents non titulaires.

Le principe de création d’un corps était arrêté depuis un an, pour permettre la titularisation des psychologues contractuels de l’administration pénitentiaire.

Le dispositif de titularisation par le biais de concours réservés, posé par la loi dite « Sauvadet » du printemps 2012, est déjà entré en application pour les autres personnels susceptibles d’intégrer un corps existant.

C’est l’application de cette loi qui a imposé la création d’un statut de psychologues Justice. Dans ce contexte, le SNPES-PJJ/FSU et le SNEPAP/FSU ont, dès 2013, insisté auprès de l’administration pour qu’elle engage des discussions approfondies qui puissent garantir le cadre d’exercice des missions de chaque administration.

CALENDRIER

"-" Discussions bilatérales avec les organisations professionnelles qui siègent au Comité Technique Ministériel (CTM)

"-" Présentation et vote du projet de décret créant un corps de psychologues du Ministère de la Justice au CTM de Juillet 2014

"-" Passage du projet de décret en Conseil d’Etat

"-" Publication du décret à l’automne 2014

"-" Publication de l’arrêté organisant le premier concours réservé pour l’accès au nouveau corps ministériel, qui sera notamment ouvert pour les psychologues contractuels de l’administration pénitentiaire : dernier

trimestre 2014

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LES MISSIONS : COPIE A REVOIR

Le SNPES-PJJ/FSU et le SNEPAP/FSU ont fait part de leur volonté de ne pas voir l’administration s’engager sur la création d’un énième corps interministériel qui, sous prétexte de faciliter la mobilité et l’évolution des carrières, n’a pour objet que de « rationaliser la gestion matérielle » des personnels, pour effet d’effacer les spécificités et de

compliquer la compréhension du dispositif.

Le recul de l’administration sur la gestion du CIGEM des ASS et CTSS par le Ministère des Affaires Sociales prêterait à sourire si nos organisations n’avaient pas, depuis le début, dénoncé les dangers d’une telle gestion pour la situation des agents, dangers qui motivent aujourd’hui le fait que l’administration fasse machine arrière comme elle l’a officiellement annoncé au cours du Comité Technique Ministériel du 26 mai 2014.

Le nouveau corps des psychologues de la Justice devrait permettre également de titulariser les psychologues non titulaires d’autres Ministères, dont les effectifs sont trop faibles pour qu’un corps spécifique soit envisagé (9 psychologues au Ministère de la Défense, moins de 5 à l’Ecologie, une cinquantaine de psychologues au Ministère de l’Intérieur…). Le Secrétariat Général nous a expliqué que la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique (DGAFP) ne soutiendra la création d’un corps de psychologues qu’à cette condition.

Le Ministère de la Justice serait donc contraint d’accepter. Mais il aurait obtenu la garantie qu’il s’agirait d’un corps ministériel, et non inter-ministériel. Ainsi, les missions seraient-elles fixées par lui, et uniquement par lui. De même, la gestion du corps des psychologues lui appartiendrait par la suite en tous points.

En conséquence, voici donc un corps de psychologues du Ministère de la Justice, avec des psychologues du Ministère de la Justice qui pourraient être affectés, dans le cadre des règles de mobilité classiques, au sein d’un certain nombre d’autres Ministères…

Curieux statut que voilà, puisqu’il ne s’agit pas d’un corps interministériel à gestion ministérielle…

Extrait du projet de statut actuel de l’administration :

Les psychologues cliniciens

a/ psychologues auprès des publics du Ministère

– « spécialité » public mineurs/jeunes majeurs

« Favoriser et (…) garantir la prise en compte de la réalité psychique

afin de promouvoir l’autonomie des mineurs et jeunes majeurs. Ils

suscitent ou entreprennent un travail spécifique visant les

problématiques des jeunes et de leurs familles. ils contribuent à la

définition et à la mise en oeuvre des projets éducatifs et d’orientation,

tant sur le plan individuel qu’institutionnel. »

– « spécialité » public majeurs

« Réaliser l’examen psychologique des personnes placées sous main de justice, d’évaluer leur dangerosité et d’élaborer des projets d’actions pour individualiser l’exécution des peines. Ils participent également à la mise en place et au suivi des programmes de prévention de la récidive ».

b/ psychologues auprès des personnels

« Leur mission est d’accompagner, écouter et soutenir les agents en

souffrance psychique et morale soumis à des pressions ou des

violences sur le lieu de travail à travers des entretiens individuels. Ils

interviennent en urgence dans les situations de crise ».

Les psychologues du travail

« Acteurs de la prévention primaire, ils interviennent au niveau du

collectif de travail et apportent leur expertise sur l’organisation du

travail. Ils accompagnent l’institution dans ses démarches de

management de santé au travail et de gestion des risques

professionnels, notamment en identifiant et en évaluant les risques

psychosociaux ».

Le Secrétariat Général assure que toutes les directions sont attachées à la spécificité des missions. Il considère qu’il y a actuellement trois types de missions pour les psychologues au Ministère : une auprès des mineurs et jeunes majeurs à la PJJ, une auprès des majeurs à

l’administration pénitentiaire et une autre auprès des personnels des différentes directions.

Par ailleurs, le Secrétariat Général souhaite recruter des psychologues du travail sur des missions d’expertise auprès des services RH.

La loi ne permettant pas de faire apparaître dans les textes l’organisation de concours spécifiques en fonction des directions et des

missions, l’administration s’engage à « contourner » le cadre légal.

Elle prévoit d’organiser plusieurs sessions de concours, chaque année, afin de flécher les candidatures et le cadre d’intervention.

Concrètement, elle ouvrirait par exemple un concours dont tous les postes seraient proposés à la PJJ, un concours dont tous les postes seraient proposés à la DAP, avec des sujets orientés dans chaque cas de figure. La mobilité entre directions, voire entre Ministères, s’organiserait par la suite dans le cadre des règles classiques de la Fonction Publique.

La FSU prend acte de la volonté affichée de respecter la spécificité des différentes missions. Mais ce type d’engagement ne pouvant s’inscrire dans texte légal ou réglementaire, il pourra être modifié en fonction de choix conjoncturels.

Dans un premier temps, le SNPES-PJJ-FSU et le SNEPAP-FSU ont indiqué qu’un certain nombre de points, inscrits dans le statut des psychologues de la PJJ, dans une pratique et une éthique professionnelle, devaient apparaître dans le projet de décret révisant le statut :

"-" le psychologue est autonome dans le choix des méthodes et des moyens utilisés pour accomplir sa mission ;

"-" la fonction clinique est indépendante : elle ne peut faire l’objet d’une évaluation par le supérieur hiérarchique ;

"-" le psychologue doit bénéficier d’un temps de formation/information/recherche (« Temps FIR »).

Le Secrétariat Général a semblé attentif, même s’il n’entend pas aller jusqu’à quantifier la quotité de temps FIR.

Concernant la définition des missions, la FSU est résolument opposée à ce que les choses restent en l’état.

Pour ce qui concerne le public majeur, la « réalisation d’un examen psychologique » n’est pas adaptée, et l’apparition d’une « mission d’évaluation de la dangerosité » est absolument inacceptable et devra disparaître.

L’utilisation de cette notion, qui soutient le développement des mesures de sûreté, tend à modifier progressivement le sens de l’intervention. La personne évaluée comme dangereuse s’en trouve figée sans qu’aucune prise en charge dynamique ne soit possible.

Alors que l’administration pénitentiaire, sous l’impulsion de la chancellerie, s’engage dans une prise de distance avec cette notion, il est stupéfiant qu’elle reste d’actualité au moment de l’élaboration d’un statut de psychologue du Ministère de la Justice.

L’évaluation initiale et continue par les psychologues doit intervenir dans une logique pluridisciplinaire. Au-delà de l’évaluation, de la prise en compte de la réalité psychologique des PPSMJ en général, de l’avis sur l’orientation dans la méthodologie d’intervention, il doit être fait état de l’éclairage psychopathologique au bénéfice des autres personnels amenés à intervenir.

Le SNPES-PJJ et le SNEPAP-FSU souhaitent que la définition des missions ayant trait au suivi du public majeur se rapproche de celle retenue pour les mineurs et jeunes majeurs, avec les adaptations nécessaires. De surcroît, nous demandons que le statut mentionne la fonction FIR et explicite son sens.

Concernant le public mineur, nous avons soutenu la nécessité de reprendre pour le futur statut ministériel l’intégralité de l’article 2 de l’actuel statut des psychologues de la PJJ, ce qui n’est pas le cas dans le projet proposé.

Concernant les psychologues « auprès des personnels » et les « psychologues du travail », un certain nombre de questions devront être clarifiées.

Actuellement, les psychologues auprès des personnels exercent des missions de psychologue clinicien, essentiellement sur le suivi individuel ou collectif dans des situations « événementielles » ou dans des situations de souffrance au travail. Ces postes sont essentiellement envisagés à la demande de la DAP. Si l’on s’en tient aux pratiques en cours, dans certaines DISP, cela réduit de fait le champ d’action des psychologues auprès du personnel et présente le risque de leur instrumentalisation pour « gérer des situations de crises sur demande des directions ».

Afin de ne pas abonder dans le sens des dérives constatées, notamment avec l’arrivée de psychologues dans les SPIP, nous avons soutenu qu’il convenait de distinguer le soutien à la demande de professionnels pour mieux appréhender leur situation de travail en avançant dans un questionnement personnel et l’implication de psychologues dans le fonctionnement d’équipe pluridisciplinaire.

Pour garder la neutralité nécessaire, le psychologue qui va accompagner les personnels individuellement ne peut être impliqué dans le collectif de travail. Il ne peut venir que de l’extérieur et il serait souhaitable qu’il soit rattaché à une autre direction centrale.

Le Secrétariat Général envisage de compléter cette mission auprès des personnels par la mise en place d’un groupe d’expert psychologues du travail qui seraient affectés au Secrétariat Général pour l’ensemble des directions (DAP, PJJ, SJ). Ces psychologues du travail auraient compétence sur l’organisation de l’institution, sur la

prévention des risques professionnels et psycho-sociaux.

Sur la question des missions et de leurs définitions statutaires, nous avons demandé à rencontrer à nouveau le Secrétariat Général sur la base d’un projet plus développé et bien avant les arbitrages définitifs pour la présentation au CTM de début juillet.

DISPOSITIONS STATUTAIRES

L’essentiel des propositions s’inscrivent dans le cadre général des règles de la Fonction Publique : recrutement et formation, mobilité, avancement, entretien professionnel etc.

De nouveaux échanges doivent intervenir sur certains points, comme sur la nature et la gestion des épreuves écrites et orales des concours.

Pour ce qui concerne la grille d’échelonnement indiciaire, elle sera calquée sur la grille des psychologues titulaires de la PJJ, présentée comme grille type de la catégorie A. La question de sa revalorisation a été posée par la FSU, mais fermement écartée par l’administration.

Cependant cette question fait partie des revendications de l’intersyndicale qui appelle à la grève les psychologues dans les trois fonctions publiques le 19 juin 2014.

S’agissant de la représentation des personnels et la gestion des situations individuelles à travers la Commission Administrative Paritaire (CAP), l’administration indique que la CAP PJJ représentera l’ensemble du corps jusqu’à la création d’une CAP spécifique. L’administration envisage d’aller aussi vite que possible pour ce faire, mais renvoie

toutefois aux textes, lesquels stipulent que la CAP doit être créée dans les 18 mois suivant la publication du décret créant le corps de référence.

Sur l’intégration des agents non titulaires, nos organisations sont restées cohérentes avec la position qui est la leur depuis la création du dispositif « Sauvadet ». Les critères sont beaucoup trop restrictifs ; ce dispositif ne correspond pas à un réel plan de résorption de l’emploi précaire.

La question d’un élargissement des conditions, pour un recrutement réservé spécifique, assis sur le fait que nous sommes aujourd’hui dans un cas de figure particulier avec la création d’un corps ad hoc, est posée. Quel est le sens d’un nouveau corps qui n’intégrerait que très partiellement les professionnels évoluant dans son champ ? Le

Secrétariat Général se retranche, une nouvelle fois, derrière la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la Fonction Publique.

Comme prévu par les textes, les psychologues non titulaires à même d’intégrer le corps seront reclassés dans le grade de base, avec prise en compte de 75 % de leur ancienneté.

Il est évident que certains personnels ayant réussi à négocier un salaire intéressant (qui restent malheureusement bien rares) devront faire un choix cornélien… De même que les psychologues (moins rares) qui cumulent aujourd’hui un emploi à temps partiel contractuel à la DAP ou à la PJJ avec d’autres fonctions devront sans doute passer par les

affres des demandes de cumul d’emplois propres aux règles de la Fonction Publique.

Sur les questions salariales, le Secrétariat Général rappelle qu’il a donné des consignes très strictes pour que les personnes concernées reçoivent, avant inscription au concours, une simulation sur le traitement. Nous avons une fois de plus rappelé que les directions centrales jouent difficilement le jeu, et la DAP se distingue encore sur cette question… Le Secrétariat Général a semblé désabusé et agacé…

QUESTIONS ANNEXES

Le SNPES-PJJ-FSU et le SNEPAP-FSU ont indiqué que si certains points ne pouvaient figurer dans un décret de création du corps, ils devraient être abordés sans délais. Nous avons pu observer le temps pris pour entrer dans le détail du projet de décret ; il n’est pas question de voir certaines questions fondamentales renvoyées aux calendes

grecques. Il en est ainsi de l’organisation du temps de travail et de la question indemnitaire (primes)…

L’administration en a convenu, tout en renvoyant l’essentiel des discussions aux directions centrales.

Il aura fallu attendre plus d’un an pour que la création d’un corps ministériel induite par la loi « Sauvadet » ne prenne un tour concret, tout au moins pour que les principaux concernés commencent à

être associés à des discussions qui les touchent directement. Un an… Pour des propositions bien faibles, voire stupéfiantes. Le SNPES-PJJ-FSU et le SNEPAP-FSU, principales organisations représentatives des

psychologues du Ministère de la Justice, seront sans concession quant à l’avenir dessiné par l’administration pour ces personnels devenus incontournables dans nos services.

Paris, le 28 mai 2014

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