Déclaration liminaire CT SPIP du 10 mars 2015 : le fil du temps…

Voilà quatre ans, presque jour pour jour, que les personnels des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP), engagés dans un mouvement social historique, apprenaient la future disparition du seul espace institutionnel permettant d’accorder un tant soit peu d’attention à leurs fonctions : le Comité Technique Paritaire Socio-Educatif (CTPSE). time bras d’honneur d’une approche manichéenne et primaire

ayant conduit la politique pénale et notre administration,dans une mise en échec dont elles peinent à sortir aujourd’hui.

Le SNEPAP-FSU a livré un combat sans relâche pour la création de cette instance de dialogue social. Chacun pourra désormais mesurer, en toute transparence, la vigueur ou l’indigence de nos visions respectives quant à des services, des missions, des personnels que nous défendons, pour ce qui nous concerne, depuis maintenant 57 ans. Un long propos pré-liminaire parce qu’une profonde fierté, une sincère émotion pour le SNEPAP-FSU ; une grande reconnaissance envers les personnels qui nous ont offert, le 4 décembre 2014, la possibilité de porter leurs voix.

PDF - 276.5 ko

Les temps ont changé. Le SNEPAP-FSU n’est ni ingrat, ni irresponsable. La politique pénale ne s’inscrit plus dans le sillage de faits divers sur-médiatisés et de lois de circonstance. Le centre de gravité s’est déplacé de la prison à la probation à l’occasion de débats portés au coeur des instances républicaines et sur la scène

médiatique. Débats qui ont conduit au vote d’une loi imparfaite et en partie contre-productive, mais qui a mis en lumière les enjeux d’une politique de prévention de la récidive plus efficace. La volonté de décloisonner nos services, de créer du lien avec les universités, de porter des expériences locales ou étrangères, la volonté d’inscrire nos pratiques dans un cadre de référence théorique éprouvé, provoquent de saines interrogations.

1 000 créations d’emploi, dont plus de 600 de CPIP, sont promis sur trois ans. Les deux premiers temps de passage sont pour l’instant respectés. Les personnels sentiront les premiers effets de cet effort en septembre prochain. Mais plusieurs décennies de manquements ont tanné le cuir des personnels d’insertion et de

probation. Non seulement les promesses devront être respectées, ces 1000 emplois ne sont pas une fin en soi. Le moindre renoncement, à cet égard, sera l’étincelle.

Des signes forts ont été envoyés, ils ne sont pas que symboliques. La nomination, à la tête de notre administration, d’une personnalité sensible à l’ensemble des composantes et des missions de l’administration pénitentiaire ; la nomination historique de personnels issus de la filière insertion et de probation à des postes qui leur échappaient jusque là, ENAP, Directeurs Inter-Régionaux des Services

Pénitentiaires (DISP) adjoints ; la création d’une Direction de projet SPIP directement rattachée à la Directrice de l’Administration Pénitentiaire (DAP), la présidence de la CAP des DPIP par cette dernière, sont autant de déclinaisons. Le SNEPAP-FSU a largement contribué à toute ces avancées. Mais que nul ne se trompe, tout cela reste bien fragile, et les résistances internes sont profondes.

Renouons le fil du temps… A l’occasion de sa déclaration liminaire lue le 5 septembre 2011, lors du dernier CTPSE, le SNEPAP-FSU rappelait combien le dispositif de la pré-affectation était destructeur,dénoncé par toutes les organisations professionnelles, mis en cause dans nombre de rapports officiels, y compris par vous, Madame la Présidente. Destructeur pour deux DISP mises à genoux par la disproportion existante entre le nombre de CPIP titulaires et celui des CPIP stagiaires. Destructeur parce ce que ce dispositif prive d’autres régions de la saine émulation induite par l’arrivée de jeunes professionnels. En quatre ans, comme en neuf ans, rien a changé. Vous avez fait part, Madame la Présidente, de votre volonté

de mettre fin à ce dispositif. Mais les paroles n’ont à ce jour pas passé le cap de leur mise en oeuvre. Nul ne connaît la réalité de vos intentions, si ça n’est celle, bien opaque, de raccourcir le temps de la formation initiale.

Il est un autre serpent de mer qui défie le temps : les organigrammes. Là aussi, nous ne comptons plus les rapports qui rappellent l’impérieuse nécessité de leur création, à l’instar des organigrammes existants dans les établissements pénitentiaires. Combien de tentatives, au cours des deux dernières décennies, autant de renoncements. Une fois encore, il est difficile de comprendre vos tergiversations, Madame la Présidente, qui ouvrez la porte, puis la refermez sans explication valable. Pluridisciplinarité, déploiement de personnels : il est temps de construire des organigrammes qui définissent une photographie des besoins théoriques comme des ressources effectives de nos services. La transparence et la qualité de la gestion de

nos effectifs, sont à ce prix.

Combien de dossiers à ré-ouvrir, ou relancer ? Celui des CPIP placés, sur lequel nous avons récemment interpellé l’administration centrale. Faute de vouloir s’investir pour un dispositif plus attractif et équitable, elle s’est engagée sur un chemin périlleux avec les CPIP stagiaires, tout en cautionnant les dérives locales : du non respect des termes de la circulaire en matière d’information et de durée des missions, au

conditionnement scandaleux du versement de l’IFPIP à la manière de servir. Le dossier du référentiel métiers pour les CPIP qui, avec la bénédiction des trois organisations professionnelles du CTAP, a ouvert la porte à l’atomisation du métier et au développement des pôles spécialisés. Celui de l’organisation du temps de travail, avec l’usine à gaz échauffaudée avec ces mêmes acteurs précités.

Nous devrons nous pencher sur la situation de tous les acteurs des SPIP : les personnels de surveillance, leurs fiches de postes et leurs conditions d’intervention. Les personnels administratifs, isolés, dernière roue du carrosse en matière de recrutement comme en matière de rémunérations, là où les personnels administratifs d’autres directions, voire des établissements en surencombrement, voient fleurir les « coups de pouce » indemnitaires de fin d’année. Il nous faut dès aujourd’hui dénoncer le traitement toujours aussi scandaleux des personnels non titulaires.

Ce mandat nous conduira inévitablement à ouvrir la question statutaire des personnels d’insertion et de probation. Le SNEPAP-FSU n’a pas souhaité soulever ces revendications catégorielles lors des débats qui ont accompagné la discussion de la loi du 15 août 2014. Les enjeux étaient ailleurs. Mais le texte est voté et la

responsabilité pèse plus que jamais sur nos services, sur leurs personnels. La reconnaissance politique et juridique doit désormais se traduire sur le plan statutaire. Notre détermination ne faiblira pas. Le statut des DPIP est inadapté ; construit voilà 10 ans, il n’est plus en adéquation avec les responsabilités et les contraintes qui pèsent désormais sur l’encadrement du SPIP. Le fossé, déjà profond, va davantage se

creuser avec les DSP, en passe d’obtenir une revalorisation substantielle. Le déroulé de carrière est aujourd’hui dans une impasse, faisant peser une lourde menace sur la filière. Le lien avec le statut des CPIP est indissoluble. La réforme de 2010, dont nul ne peut contester les avancées, n’était qu’une étape vers la catégorie A. Le lien avec la grille des officiers qui a servi de référence est établi. Officiers qui verront prochainement des discussions statutaires s’ouvrir.

Mais l’ensemble de ces sujets devra s’ouvrir dans le cadre d’un dialogue social respectueux et sincère. De cela, il est pour l’heure difficilement question. Vous avez ouvert, Madame la Présidente, à la demande expresse de la chancellerie, un chantier ambitieux avec un groupe de travail national chargé de questionner et de rénover la pratique des professionnels des SPIP, l’organisation des services et l’évaluation de leur activité.

Le SNEPAP-FSU a, dès le départ, soutenu cette démarche. Mais pour ne pas reproduire les erreurs du passé, encore faut-il que les personnels en comprennent les enjeux et y soient associés. Le SNEPAP-FSU, aux côtés des autres organisations professionnelles, a longtemps dénoncé la méthodologie qui a rapidement conduit

le format retenu à l’échec : aucune transparence dans la composition des différents groupes, trop restreints et longtemps déconnectés des terrains, pourtant soucieux de s’investir ; trop de questions quant à l’objet et à la chronologie de leurs réflexions ; des organisations professionnelles placées comme simples spectatrices.

Le message a partiellement été entendu, et certaines de nos revendications ont été suivies d’effets lorsque la méthodologie a été revue à la fin du printemps 2014. Mais les organisations professionnelles ne sont toujours pas réellement associées aux travaux. Les quelques consultations tardives, le refus d’aborder certains points, des demandes de contributions apparaissant parfois comme purement formelles, ne

tiennent pas lieu d’association. En atteste la dernière actualité, avec le manuel de la contrainte pénale, dont nous partageons la substance, présenté dans une version presque finale.

A ce jour, les organisations professionnelles n’ont reçu aucune information officielle quant au déroulé de la recherche-action sur l’évaluation des publics, engagée dans 6 SPIP. L’importance du sujet rend dangereuse, pour ne pas dire suicidaire, cette opacité.

Des consultations de surface et tardives, la convocation à des réunions moins de 48 heures avant leur échéance, la fin de la prise en charge financière des élus suppléants, lorsqu’on sait, à titre d’exemple, ce qu’une CAP de mobilité des CPIP peut générer comme travail préparatoire, sont autant de signes inquiétants. Des choses vont devoir changer Madame la Présidente, où les efforts engagés mèneront à

l’échec.

Paris, le 10 mars 2015

TOP