Déclaration liminaire de la FSU au Comité Technique Ministériel du 14 février 2014

Madame la ministre,

Ce CTM intervient dans un contexte difficile pour les salariés et la population. En effet, ce début d’année reste placé sous le signe de la poursuite des politiques d’austérité dans le cadre de choix politiques pleinement assumés. Avec l’annonce d’une nouvelle diminution de la dépense publique (50 milliards d’euros entre 2015 et 2017), l’état serait recentré sur « des missions essentielles », son périmètre pourrait être révisé et les territoires réorganisés tandis que de nouvelles aides aux entreprises sans réelles conditions sont décidées (30 à 35 milliards d’euros), ce qui rend une fois de

plus improbables les créations d’emploi par les entreprises contre de l’argent public. Le pacte de responsabilité repose sur une diminution du coût du travail et de ce qui constituerait des obstacles à l’emploi. La fin de la contribution des entreprises à la branche famille à l’horizon 2017 constitue un

manque à gagner qui sera financé par la réduction de la dépense publique et accentue la fiscalisation probable de la protection sociale. Ces annonces interviennent dans un contexte d’augmentation de la TVA et des impôts directs sans perspective crédible de réforme fiscale.

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Pendant ce temps, les salariés du public comme du privé, mais aussi les jeunes, les chômeurs, les retraités voient leur situation se dégrader du point de vue de l’emploi, du pouvoir d’achat, de l’accès aux services publics et à la protection sociale. Si relancer l’emploi est une nécessité, la voie empruntée par le gouvernement est une faute et une erreur. La relance de l’emploi au détriment des services publics, de la fonction publique et de ses agents par de nouvelles exonérations des cotisations des entreprises n’a jamais fait la preuve de son efficacité.

Pour la FSU, relancer l’emploi passe par la satisfaction des besoins sociaux et l’augmentation du pouvoir d’achat. A cet égard, il est inacceptable, alors que le point d’indice des fonctionnaires est gelé depuis presque 5 ans, que le gouvernement ose projeter le gel des primes et de l’avancement.

Cela constituerait une attaque sans précédent. Dès lors, la FSU mettrait tout en oeuvre pour que ces projets ne voient pas le jour et pour défendre les salaires et le pouvoir d’achat des fonctionnaires.

Cette politique, au final, alimente la crise et ses conséquences sociales. Elle crée de la désespérance qui sert alors de creuset à tous les replis sur soi et au rejet de l’autre. C’est pourquoi abandonner ou différer des réformes sociétales n’est en aucun cas une solution. Les débats démocratiques sur des

sujets sensibles comme la prévention de la récidive ou la réforme de l’ordonnance de 45, pour ce qui concerne le domaine de la justice, doivent être assumés par le gouvernement, au risque sinon d’accepter la pérennisation de régressions majeures.

Les sujets abordés dans ce CTM ne sont pas sans lien avec le contexte d’attaque des services publics. Ainsi, peut-on dire, au regard du budget 2014, que « le ministère de la justice constitue une exception notable dans le paysage interministériel, le nombre d’emplois continue d’augmenter », comme cela est indiqué en exergue de la partie emploi du bilan social pour l’année 2012 ? Dans ce bilan social 2012, porté à l’ordre du jour, l’on se félicite d’une hausse de 0,5 % des effectifs en ETPT par rapport à 2011… Mais comme chaque année, nous ne pouvons que relativiser cette progression.

Dans le même temps, c’est une augmentation de 4,2 % des décisions rendues par les juridictions pénales par rapport à 2011 ; plus 0,8 % d’affaires en cours pour les juridictions civiles et commerciales ; 2,8 % de personnes confiées à l’AP… Comme chaque année, la charge de travail

augmente plus vite que les ressources humaines…

Si le ministère de la justice a été reconnu comme prioritaire par le gouvernement à son arrivée au pouvoir, force est de constater que le budget 2014 ne correspond absolument pas aux besoins d’un ministère parmi les plus pauvres d’Europe. Au regard des ambitions affichées, la FSU ne peut se

satisfaire d’un budget qui reste fortement marqué par l’austérité budgétaire. Cela a forcément des incidences sur les conditions de travail des agents du ministère qui n’ont pas vu les effets de la priorité donnée au ministère de la justice sur leur charge quotidienne de travail. A cet égard, les phénomènes de souffrance au travail persistent au sein de ce ministère.

Cela a forcément aussi des incidences sur la qualité du service public de la justice d’autant qu’aucune véritable réorientation des missions n’est intervenue jusqu’à présent.

Ainsi, l’administration pénitentiaire est toujours sous tension avec la multiplication d’incidents majeurs. Aucun agent de ce ministère ne devrait se rendre au travail avec « une boule au ventre ».

C’est pourtant le quotidien des personnels de la Maison Centrale de Condé-sur-Sarthe, même les plus expérimentés, qui nous disent leur sentiment d’insécurité, leur inquiétude quotidienne. Mme la Ministre, ce ne sont pas quelques mesures cosmétiques qui changeront cette réalité.

Pour autant, la FSU refuse que l’expression des personnels pénitentiaires soit réduite à des discours martiaux qui s’appuient sur un prétendu laxisme. C’est bien la politique sécuritaire avec le durcissement de la politique pénale, l’explosion de la population pénale inhérente et l’abandon du service public pénitentiaire avec ses établissements délabrés et des personnels en sous-effectif qui ont généré cette situation. Il est pourtant fondamental d’investir sur la sécurité dynamique : lien humain avec la disponibilité des personnels de surveillance et d’insertion et de probation ; investissement des services de droit commun (abondement des services de santé en psychologues, psychiatres, infirmiers et médecins ; intervention des services de droit commun : emploi, formation, action sociale de secteur) ; espaces de libération de la parole et d’apaisement des tensions (alors qu’un projet de consultation et d’expression des détenus, appelé par la loi pénitentiaire, a récemment été torpillé du fait d’une vision dépassée de l’administration pénitentiaire), formation de l’ensemble des personnels, et pas seulement des personnels d’insertion et de probation, aux techniques d’entretien et à la résolution de conflits… Enfin, la FSU rappelle qu’une situation carcérale ne peut être viable sans déflation carcérale et qu’une politique pénale dynamique, détachée du dogmatisme sécuritaire, doit être menée.

Cette nouvelle orientation de la politique pénale devait être l’objectif du projet de loi pénale que vous défendrez devant le parlement au printemps. Pourtant plus les mois passent, plus la crainte de voir ce projet vidé de sa substance monte parmi les personnels des services pénitentiaires d’insertion

et de probation. Les groupes de travail dont vous avez souhaité la mise en place, se déploient dans l’opacité et avec une méthodologie et des objectifs peu lisibles. Pire, les organisations syndicales sont tenues à l’écart des travaux. Toutes ces difficultés, associées au délai incompréhensible pour le

rétablissement d’un CT SPIP, ne peuvent qu’accentuer le malaise.

De la même façon, la Protection Judiciaire de la Jeunesse reste encore profondément marquée par des années de destruction de ses moyens structurels et de dévoiement de ses missions éducatives. La direction de la PJJ a engagé une démarche de diagnostic partagé pour aboutir à l’élaboration d’une circulaire d’orientation dont l’ambition est de restaurer la mission éducative de la PJJ. Si nous approuvons une démarche qui rompt avec les Projets Stratégiques Nationaux marqués par la technocratie et le zèle à appliquer les commandes sécuritaires, nous n’acceptons pas que des

réponses urgentes concernant les conditions de travail et d’exercice des missions soient différées et soumises à la parution de la circulaire d’orientation.

Ces questions concernent notamment les normes de travail des personnels remises en causes au profit des seuls critères d’allocation des moyens et la situation du placement éducatif à la PJJ.

Ces dossiers doivent être ouverts dès maintenant au risque sinon de décrédibiliser une démarche qui se veut respectueuse de la parole des professionnels.

Par ailleurs, les conditions de parution du rapport du sénateur Jean-Pierre Michel sur la situation de la PJJ et de la justice des mineurs censé également alimenter également l’élaboration de la circulaire

d’orientation de la PJJ, nous interrogent. Non remis officiellement, semble-t-il, quel est le devenir de ce rapport ? Celui-ci, même si nous sommes très critiques ou opposés concernant certaines préconisations, dresse cependant un constat et des analyses justes et pertinentes concernant l’état de la PJJ et de la justice des mineurs. Il a le mérite de réhabiliter des fondamentaux concernant la spécificité de la justice des mineurs et de se situer dans la perspective d’une nécessaire réforme de l’ordonnance de 45. Sa diffusion confidentielle ne traduit-elle pas le renoncement du gouvernement à mettre cette question à l’ordre du jour ? Le ministère et la direction de la PJJ travaillent aujourd’hui à cette réforme. Dès lors, comment comptent-ils peser sur les choix d’un gouvernement qui à l’heure actuelle condamne la PJJ à la paralysie et la justice des mineurs à fonctionner avec des dispositifs régressifs comme les TCM ?

Concernant le dialogue social, deuxième point à l’ordre du jour de ce CTM, nous considérons qu’il y a, en effet, nécessité de mieux le structurer au ministère, à l’instar des préconisations du rapport Lacambre. Cependant, ainsi que nous avons eu l’occasion de le dire dans les réunions préalables au

CTM, pour nous le dialogue social ne constitue pas une finalité en soi mais un outil pour une meilleure prise en compte des positionnements et revendications des organisations syndicales.

Par ailleurs, nous considérons que le dialogue social doit pouvoir se déployer non seulement au niveau national mais à tous les niveaux locaux des administrations du ministère. Or, trop souvent les échelons hiérarchiques intermédiaires se montrent peu soucieux à la fois du dialogue social, des

droits syndicaux et des droits des personnels. Enfin, un dialogue social de qualité n’est pas qu’une affaire entre représentants syndicaux et administration, il passe nécessairement par le respect des agents, de leurs conditions de travail et du sens de leurs missions.

De ce point de vue, le management issu des méthodes du privé et utilisé toutes ces dernières années pour imposer restructurations, suppressions de postes et transformation des missions a laissé des traces dans ce ministère où trop souvent les personnels sont soumis à un traitement infantilisant,

générateur de souffrance professionnelle. Ce management est encore à l’oeuvre aujourd’hui. Cela reste insupportable dans un contexte de charge de travail toujours aussi importante pour les agents.

Paris, le vendredi 14 février 2014

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