Déclaration liminaire de la FSU au Comité Technique Ministériel du 7 avril 2014

Madame la Ministre,

Ce CT-M intervient au lendemain des élections municipales où le gouvernement a été sévèrement sanctionné.

Pour la FSU, il s’agit avant tout d’un désaveu massif de la politique économique et sociale conduite par le gouvernement. En tant que syndicalistes, nous en dénonçons les dégâts sociaux en termes de chômage,

d’augmentation de la précarité, de stagnation du pouvoir d’achat et de diminution de l’emploi public.

C’est une politique porteuse d’injustices sociales qui s’en prend inévitablement aux mécanismes de la solidarité nationale, sans apporter aucune réponse aux besoins sociaux qui augmentent.

Le pacte de responsabilité, initié par le gouvernement, qui entraîne 30 milliards de baisse des cotisations sociales patronales et donc une nouvelle diminution des dépenses publiques est dangereux. Ce sont au total 50 milliards d’économie qui sont programmées sur les 3 prochaines années et qui vont renforcer la politique d’austérité.

Le Ministère de la Justice n’échappe pas à cette austérité qui empêche, au-delà de la volonté politique, toute ambition réformatrice, tant du point de vue de la situation des personnels que de la qualité des missions. Le

mécontentement qui s’exprime, notamment aux services judiciaires de la part des fonctionnaires qui n’ont vu ni leurs statuts ni leurs conditions de travail s’améliorer, est une illustration de cette situation de paralysie.

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Par ailleurs, persistant dans ses choix, le gouvernement veut faire adopter en priorité le pacte de responsabilité et a donc reculé l’examen de la réforme pénale. Nous voulons croire qu’il ne s’agit que d’un report et que le gouvernement aura le courage politique d’assumer cette réforme, pourtant vidée d’une partie de son contenu progressiste. Nous partageons votre analyse, repousser l’examen de ce texte après les élections municipales était une faute. Et il est désormais temps d’avancer !

A la PJJ, tout semble être suspendu à la parution de la circulaire d’orientation prévue à l’automne. Si nous avons peu de doutes sur le fait que cette circulaire réaffirmera les principes fondateurs de la justice des

mineurs, profondément malmenés ces dernières années, le contexte de travail des personnels va-t-il pour autant s’améliorer ? Nous en doutons, tant si peu de signes ont été donnés pour prendre en compte la pression permanente dans laquelle se trouvent les personnels. En effet, ceux-ci continuent de travailler dans un cadre législatif globalement antinomique avec les missions éducatives de la PJJ, mais aussi dans un contexte de pénurie budgétaire. Ces deux éléments articulés continuent de générer perte de sens de l’action éducative et dégradation des conditions de travail.

La situation dans les hébergements éducatifs nous préoccupe particulièrement. Malmenés et quasiment abandonnés par dix années de priorité donnée à l’enfermement, ces établissements sont aujourd’hui

confrontés à des dysfonctionnements à répétition qui compromettent la qualité de l’accueil des mineurs et engendrent une usure, voire une souffrance professionnelle des agents. De ce point de vue, la proposition du

sénateur Jean-Pierre Michel n’est pas pour nous rassurer. En effet, concernant le placement des mineurs, il propose de réduire la mission de la PJJ au placement immédiat. Pour, nous il est urgent que la PJJ renoue avec

une conception du placement éducatif des mineurs qui, au-delà de garantir l’ordre public, apporte protection et apaisement, gages d’efficacité dans le processus éducatif.

C’est dans un tel contexte que l’administration, au lieu de marquer une préoccupation prioritaire à l’égard de ces établissements, a choisi de remettre en cause des acquis concernant le droit à congés dans un souci de

rentabilisation du temps de travail. C’est le plus mauvais signe qui pouvait être donné.

Dans l’Administration Pénitentiaire, le week-end a été marqué par de nouveaux incidents graves : deux prises d’otages successives qui, heureusement, se sont conclues pacifiquement avec la libération des

personnels. La FSU est à leurs côtés dans ces moments douloureux. Plus que jamais, parce que la sécurité des personnels ne peut se satisfaire de discours simplistes et vindicatifs, il est de notre responsabilité d’analyser les causes de ces violences et de trouver des réponses adaptées pour apaiser les tensions. Une nouvelle fois, nous dénoncerons les choix politiques et architecturaux des dernières années. Faut-il s’étonner que les incidents les plus graves des derniers mois interviennent dans des établissements récents, dont certains conçus pour une sécurité maximale ? Pourtant, l’échec de l’illusion technologique est reconnu par tous. Il faut massivement permettre aux personnels de surveillance, en premier lieu, de réinvestir les coursives, de recréer du lien et pour commencer, d’être disponibles. Il faut également rompre avec le choix de la concentration des établissements pénitentiaires, qui a conduit à la fermeture d’établissements de proximité

au profit d’usines carcérales ingérables. Ces décisions éloignent de plus en plus de personnes détenues de leur famille, de leurs proches, dans une folle course en avant où les transferts disciplinaires répondent sans fin à des actes de plus en plus désespérés et violents. Bourg-en-Bresse, Réau, Condé-sur-Sarthe, autant de symboles de cette dérive ; Vendin-le-Vieil, Valence sans doute demain. Prenons garde que tout cela ne nous conduise pas à un drame.

Et pour cela, il est aujourd’hui indispensable d’engager un travail de fond sur le comportement des personnes sous main de Justice pour rompre le cycle sans fin de la violence. Des expériences intéressantes sont en cours, d’autres ont fait leurs preuves à l’étranger. Il est temps d’avancer ! Bien plus, le projet de loi sur la prévention de la récidive et l’individualisation des peines porte en germe des évolutions indispensables : en premier lieu, l’abrogation de la loi sur les peines planchers qui doit desserrer l’étau de la

surpopulation carcérale. Le texte de loi nous invite également à développer des méthodes de prise en charge adossées aux données de la science, aux recherches sur ce qui fonctionne en matière de lutte contre la reconduction des violences notamment. Cette recherche d’efficacité devrait être le souci de tous, loin des discours idéologiques, pour ne pas dire démagogiques. C’est pourquoi vous avez mis en place un groupe de travail autour de cette question, ciblant principalement la question du rôle des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation. Au fil des différents CT-M que vous avez présidés, Madame la Garde des Sceaux, vous nous avez régulièrement invités au suivi des dossiers en cours. Celui des groupes de travail SPIP

pourrait utilement donner lieu à un point d’étape. Ainsi, après quelques mois de travaux chaotiques voire cacophoniques avec, à leur premier terme, le constat de résultats décevants et illisibles, la DAP nous annonce à présent qu’elle revoit sa méthodologie. Que de temps perdu, Madame la Ministre ! Que de frustration pour les organisations syndicales, dont la FSU via le SNEPAP, d’être une nouvelle fois perçues comme des empêcheurs de tourner en rond plutôt que comme de véritables porte-paroles des professionnels qui ont des propositions à faire et qui sont, et seront encore demain, en première ligne. Il est temps que l’autisme de la DAP cesse. Il est temps d’avancer !

Il est surtout temps d’arrêter de déconstruire par le bas, ce qui s’élabore péniblement par le haut. Les décisions budgétaires des derniers mois conduisent les services à l’asphyxie. Dans de trop nombreux SPIP, ce sont désormais les permanences au plus près des publics, qui sont interdites, faute de moyens pour financer les frais de déplacement. Bien plus, la remise en cause de la qualité de la formation initiale des Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation par le dispositif de la préaffectation perdure, malgré des engagements clairs de la DAP en faveur de son abandon. Engagements bien vite oubliés malheureusement. Paroxysme de ce délitement, la DAP vient de faire le choix de préaffecter des stagiaires sur des postes de CPIP placés, qu’ils seront contraints d’occuper dès leur titularisation. Cette décision méprise totalement les précautions qui devaient entourer la création de ces postes, telles que l’IGF et l’IGSJ les avaient formulées dans leur rapport commun. Alors que les SPIP doivent entrer dans une nouvelle ère, développer des compétences nouvelles, structurer leurs interventions, penser leurs méthodes d’évaluation, ils sont plus que jamais fragilisés. Il est nécessaire que vous demandiez enfin à la DAP de rouvrir les trop nombreux dossiers enterrés pour les SPIP : formation initiale, organigrammes, pluridisciplinarité, temps de travail… Il est temps d’avancer !

Paris, le 7 avril 2014

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