Déclatation Liminaire au CTM du 16 mars 2012
Ce CTM est le premier à se tenir après les élections professionnelles. Celles-ci ont été marquées par de
nombreux dysfonctionnements qui ont nécessité leur report.
Ce contexte instable, l’instauration de nouvelles
règles, l’injonction généralisée à voter par correspondance ont fait chuter, certes de façon inégale, la
participation. Là comme sur d’autres sujets, l’idée selon laquelle, le Secrétariat Général, ignorant le poids
différent des directions, devrait tout uniformiser et tout organiser a été mise à mal. Malgré ces conditions
défavorables pour ne pas dire calamiteuses, la FSU conserve sa représentativité au ministère et compte bien
la mettre à profit pour continuer à défendre les conditions de travail des personnels et les moyens du service
public au service de la qualité des missions.
Les nouvelles règles du dialogue social instaurent de nouveaux droits syndicaux. Il est fort à craindre qu’au
lieu d’avancées, ceux-ci constituent des reculs. A cet égard, la suppression du CTPSE est plus qu’un mauvais
signal et le crédit temps syndical réduira inévitablement les moyens des organisations syndicales.
Pourtant, un dialogue social de qualité est plus que jamais une nécessité au sein de ce ministère. Car tout ne
va pas bien, M. le ministre, et les satisfecit traditionnels au moment des présentations budgétaires ne peuvent
masquer un terrible bilan. Votre propre bilan social 2010 ! Celui-ci nous apprend en effet que malgré un solde
positif en emplois budgétaires (ETPT) à hauteur de +1,14%, les effectifs réels du ministère ont connu une
baisse de 0,21% entre 2009 et 2010. Faut-il dès lors s’étonner que partout les charges de travail s’accroissent,
que les rythmes et les conditions de travail se dégradent. D’autant plus, que les baisses d’effectifs ne touchent
pas uniformément tous les corps, toutes les directions. Que dire de la véritable saignée que connaît la
Protection Judiciaire de la Jeunesse avec la perte de près de 600 personnels en seulement 2 ans ?! A quel prix
les effectifs de l’Administration Pénitentiaire sont-ils donc renforcés ? Comment comprendre que les plus
fragiles fassent également les frais d’une politique aveugle de réduction d’effectifs (- 500 personnels de
catégorie C au Services Judiciaires, – 250 à la PJJ), voyant ainsi leurs conditions de travail se dégrader plus que
toutes autres ? Enfin comment ne pas dénoncer la gestion des effectifs de personnels non titulaires, véritable
variable d’ajustement budgétaire au fil des ans ? Il est plus que temps qu’un plan de recrutements et de
titularisations conséquent vienne enfin mettre un terme à cette précarité, intolérable dans un ministère
régalien. Pourtant, alors que plusieurs ministères ont déjà commencé à plancher sur les modalités d’un plan
de titularisation issu de la loi du 12 mars 2012, au Ministère de la Justice… rien. La FSU, majoritaire pour ces
personnels à la DAP et la PJJ, exige de votre administration qu’elle se mette rapidement au travail sur ce sujet.
Car tout ceci a un prix, M. le Ministre : la souffrance au travail. Il n’aura ainsi échappé à personne que, pendant
que le temps travaillé connaissait une augmentation d’1,14%, que les effectifs réels reculaient de 0,21%, le
nombre total de congés maladies progressait de plus de 36 000 journées, soit une augmentation de 4,04% et
que les seuls congés maladie ordinaire augmentaient de plus de 54 000 journées (+9,03%). Cette souffrance
des personnels n’est pas une fatalité, elle est bien l’effet d’une politique. C’est ce constat accablant que
faisaient les groupes de travail que le Ministère avait fait le choix de réunir sur ce thème. Trop accablant sans
doute pour que le Ministère ne décide de censurer ces travaux. Aveugle et sourd, le Ministère préfère donc la
poursuite d’une politique gouvernementale qui impose toujours plus de reculs à la fonction publique. Ce
gouvernement pense-t-il réellement faire reculer la souffrance au travail en précarisant toujours plus, en
détruisant tous les fondements de la protection sociale ? En matraquant les fonctionnaires malades à coup de
jours de carence ?
Pour l’administration pénitentiaire, l’obsession carcérale produit chaque jour plus de dégâts tant chez les
personnes détenues que chez les personnels contraints de travailler dans des conditions extrêmement
dégradées. Mois après mois, le record du nombre de personnes incarcérées est battu dans l’indifférence
générale. Les tout récents chiffres publiés par l’Administration Pénitentiaire affichent une hausse de 6% de
personnes incarcérées entre mars 2011 et mars 2012. Au 1er janvier 2012, ce sont, selon les chiffres du
chercheur Pierre-Victor TOURNIER, 11 705 détenus qui sont en surnombre dans les établissements
surencombrés, 629 dorment à même le sol sur un matelas ! Chacun peut apprécier le résultat à l’heure où les
derniers établissements du plan « 13200 », qui devait, comme les plans précédents, mettre un terme au
problème de la surpopulation, sont en passe d’être livrés. Ainsi, le projet de loi de programmation relatif à
l’exécution des peines voulu par le Président de la République, secondé par quelques parlementaires qui n’ont
toujours pas accepté les maigres progrès introduits par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, refuse de
rompre avec la spirale sans fin de création de places. Pourtant, dès 1999, au terme d’un large consensus entre
de nombreux experts européens de la question carcérale, le Conseil de l’Europe édictait dans la
recommandation REC n°(99)22 sur le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale, le principe de base :
« L’extension du parc pénitentiaire devrait être plutôt une mesure exceptionnelle, puisqu’elle n’est pas, en règle
générale, propre à offrir une solution durable au problème du surpeuplement. » La France souhaite-t-elle donc
faire la démonstration obstinée de la justesse de cette règle ? Compte-t-elle encore longuement l’ignorer, dans
cette fuite en avant aux conséquences budgétaires extrêmement lourdes ? Mais sans doute, nous rétorquera-ton
que le nouveau programme immobilier ne vise pas tant à réduire la surpopulation carcérale qu’à mettre un
terme au prétendu scandale des peines non-exécutées.
Pourtant s’il est un vrai scandale en matière d’exécution des peines, c’est bien celui de l’état de délabrement
dans lequel sont laissés les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Véritables chevilles ouvrières
de la mise en oeuvre des peines alternatives à l’incarcération et des aménagements de peine, dont le Ministère
s’enorgueillit d’une augmentation de 26,3% en un an, ces services font années après années état de leur
saturation, de leur manque d’effectifs et de moyens. S’il fallait une preuve de l’indifférence du Ministère à leur
égard, le bilan social 2010 en offre une cruelle : 2604 conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation en
2010 quand le bilan social 2009 en affichait 2593. Cette quasi-stagnation des effectifs (+0,42%) tranche
singulièrement avec la progression du nombre de personnes prises en charge (près de 14000 personnes
supplémentaires en milieu ouvert entre le 01/01/2009 et le 01/01/2011, plus de 4000 pour la seule année
2010 soit une progression de 2,6%, 1800 personnes écrouées en plus pour les 12 mois de l’année 2010).
Gageons que les quelques postes ouverts au recrutement par la loi de finances initiale de 2011 n’auront en
rien rétabli la balance. Qui pouvait dans un tel contexte et sans une bonne dose d’hypocrisie, stigmatiser le
travail du SPIP de Loire-Atlantique à la suite de la dramatique affaire de Pornic ? Il est plus que temps de
retrouver le sens des priorités en ce début d’année 2012.
A la Protection Judiciaire de la Jeunesse, depuis l’été dernier, les lois de circonstance, inspirées par les
politiques sécuritaires se sont accumulées. Votées dans le cadre de procédures accélérées, elles n’ont pu
donner lieu à de véritables débats démocratiques. Est-ce raisonnable de légiférer, pour ainsi dire, en catimini
sur un sujet aussi sensible et complexe que celui de la délinquance juvénile ? En lieu et place de la grande
refonte annoncée, en début de quinquennat, de l’ordonnance de 45 à laquelle devait se substituer un Code de
Justice Pénale des Mineurs, le gouvernement n’a cessé d’empiler de nouveaux dispositifs rendant
l’ordonnance de 45 encore un peu plus illisible tout en accentuant le désarroi des professionnels. La loi du 11
août 2011 franchit un pas considérable dans l’alignement de la justice des mineurs sur celle des majeurs avec
la création d’un tribunal correctionnel pour les plus de seize ans et l’instauration de procédures de jugement
rapide ; elle étend, par ailleurs, de façon considérable les possibilités de placement en Centre Fermé. D’ores et
déjà, de nombreux Etablissements de Placement Educatif sont transformés en Centre Fermés, appauvrissant
ainsi la palette de solutions offertes aux mineurs. La loi Ciotti permet de confier des mineurs à des
établissements d’insertion de l’armée tandis que les moyens des professionnels de la PJJ sont en constante
diminution et la loi de programmation relatif à l’exécution des peines, dans son volet mineur prévoit la prise
en charge des décisions judiciaires dans un délai maximum de cinq jours suite au jugement, sans qu’aucune
garantie absolue ne soit donnée en termes de moyens au regard de la situation actuelle de pénurie existant à
la PJJ. Là aussi, dans l’intérêt des mineurs, il est plus que temps de retrouver le sens des priorités.
Vous le comprendrez Monsieur le Ministre, ce premier CTM se tient dans un contexte de véritable
saturation des personnels qui, ayant pourtant à coeur les missions qui leurs sont confiés, ne reçoivent
en retour qu’un manque cruel de considération de leur administration. La FSU, comme elle l’a fait lors
du précédent mandat, saura rappeler à votre attention cette situation.