Droit de consultation des détenus : la patate chaude
C’est avec près de quatre années de retard que l’Administration Pénitentiaire finalise le décret d’application de l’article 29 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.
Pour rappel, l’article 29 de la loi Pénitentiaire dispose que « sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité de l’établissement, les personnes détenues sont consultées par l’administration pénitentiaire sur les activités qui leur sont proposées ». Activités qui font elles-mêmes l’objet d’une obligation à charge des personnes détenues (article 27 de la Loi Pénitentiaire), et qui sont définies dans le décret n° 2010-1634 du 23 décembre 2010 portant application de la loi pénitentiaire comme relevant des « domaines suivants : travail, formation professionnelle, enseignement, Programmes de Prévention de la Récidive (PPR), activités éducatives, culturelles, socioculturelles, sportives et physiques. »
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Au-delà de la mise en œuvre du droit de consultation des personnes détenues, mentionné dans l’article 50 des Règles Pénitentiaires Européennes (RPE), resurgissait donc cette fameuse obligation d’activité au sein de laquelle les PPR avaient été intégrés par le précédent Ministère.
Les intentions exposées par l’Administration Pénitentiaire à l’occasion des réunions préparatoires à la rédaction du projet de décret étaient louables, et le pré-projet ambitieux : sensibilité affichée sur l’incohérence de l’intégration des PPR dans les activités, volonté de construire un schéma de consultation favorisant une coopération établissement pénitentiaire / SPIP, cadrage de la consultation à travers la création d’une instance au sein de laquelle étaient conviés des représentants des personnes détenues.. Bref, si le SNEPAP-FSU avait pu proposer des amendements au projet de décret initial, la construction générale dans laquelle s’inscrivait la consultation des détenus recueillait notre assentiment. La présentation du projet de décret qui nous était faite le 22 novembre 2013 marquait finalement un virage à 180°…
Ainsi, à l’issue d’un rapport parlementaire, d’une mission et de plusieurs mois de discussions, l’Administration Pénitentiaire résume la consultation des personnes détenues en une idée d’une indigence rare : « les personnes détenues sont consultées au moins deux fois par an sur les activités mentionnées à l’article R 57-9-1 », les modalités de la consultation étant « définies par le chef d’établissement dans le cadre du règlement intérieur ».
La proposition de suppression des PPR du périmètre des activités ne constitue finalement qu’une victoire à la Pyrrhus tant la mise en oeuvre du droit de consultation des personnes détenues paraît mal engagée. Il n’est donc plus question de coopération entre le chef d’établissement et le DFSIP dans la mise en oeuvre de la consultation des personnes détenues, ni d’une instance au sein de laquelle seraient représentées les personnes détenues. Le renvoi de la définition des modalités de la consultation aux règlements intérieurs ne laisse aucune place au doute quant au résultat final… En effet, si l’expérimentation du dispositif au cours de deux dernières années a mis en lumière le courage et l’intérêt de certains chefs d’établissement, elle a rappelé, pour d’autres, que l’administration pénitentiaire n’est toujours pas sortie des couloirs du temps…
Si l’Administration Pénitentiaire a su consulter dans le cadre de la construction du projet de décret d’application de l’Article 29 de la Loi Pénitentiaire, elle a manifestement oublié que sa responsabilité était aussi de décider. Le décret tel qu’il nous est présenté ouvre la porte à un grand n’importe quoi qui ne saurait constituer un droit de consultation des personnes détenues.
Le SNEPAP-FSU revendique toujours la mise en place de « comités de détenus » dans le cadre du droit de consultation : nous ne saurions accepter le principe d’une consultation « fermée » qui ne puisse donner lieu à aucun échange.
Paris, le 16 décembre 2013