Le point de vue du SNEPAP sur l’hypothèse d’I. Gorce !

Les propositions publiques de Madame Gorce, support de la consultation des services, font couler beaucoup d’encre, et entraînent à juste titre questionnements et interprétations. Trop flou et parfois caricatural (ex : la distinction du « champ pénal » et du « champ social »), ce texte n’est pas suffisamment abouti pour permettre à chacun d’émettre un positionnement ferme et définitif.

Si l’administration centrale n’a toujours pas fait connaître ce qu’elle retiendra de cette hypothèse, le fait qu’elle consulte les terrains laisse à penser qu’elle s’en inspirera largement.

Le SNEPAP FSU tient donc, à partir de ses mandats, à donner son opinion sur les points principaux de cette hypothèse :

"-" développement des SPIP comme de véritables établissements pénitentiaires de milieu ouvert :

Pour le SNEPAP FSU, la valorisation de la place du SPIP au sein de l’AP (et donc celle des peines s’exécutant en milieu ouvert) passe par l’affirmation des SPIP en tant qu’établissements pénitentiaires d’une force juridique équivalente à celle des établissements fermés.

Dans cette optique, le fait de confier aux SPIP la totale gestion de mesures sous écrou sans incarcération, comme le PSE ou les PE, renforcera leur responsabilité et contribuera ainsi à atteindre cet objectif.

Dès lors, il ne fait aucun doute que, dans cette hypothèse, la réforme de l’encadrement doit être confirmée (un seul corps d’encadrement mais avec des fonctions distinctes).

"-" la mise en place d’équipes pluridisciplinaires au sein des SPIP :

Le SNEPAP-FSU défend depuis longtemps l’idée d’une pluridisciplinarité dans les SPIP. Les regards croisés de différents professionnels ne peuvent que contribuer à enrichir la connaissance des personnes suivies et donc à améliorer leur prise en charge.

Il nous apparaît pertinent, face à la multiplication des missions confiées au SPIP, d’entourer le CIP d’autres professionnels qui apporteront leur propre compétence. Le CIP, qui doit rester le seul référent de la mesure, aurait dès lors la charge, à partir de l’évaluation initiale, de solliciter puis de synthétiser les différentes analyses afin de définir le parcours d’exécution de peine et l’accompagnement le plus adapté à chaque personne suivie.

La pluridisciplinarité est un travail intelligent mais aussi complexe. Pour éviter toute confusion, des fiches de poste claires doivent donc être définies pour chaque type de professionnel :

La création d’un corps d’ASS pénitentiaire pour intervenir sur le champ strictement social :

Tout d’abord, le clivage « champ social » et « champ pénal », tel qu’énoncé dans l’écrit d’I. Gorce, est trop simpliste. Pour le SNEPAP-FSU, la dimension sociale, omniprésente dans la réalisation de nos missions, doit être comprise à 2 niveaux différents : la prise en charge et la prise en compte. Appréhender globalement la situation d’une personne n’a jamais signifié intervenir sur tout.

L’accès aux droits sociaux et aux dispositifs sociaux (RMI, retraite, AAH, endettement, logement…) doit dépendre des services sociaux de droit commun, qui par leur compétence, sont les mieux à même de répondre aux multiples demandes des personnes suivies.

Il est, en effet, fondamental, parce que les personnes suivies sont des citoyens à part entière, que celles-ci bénéficient d’une qualité et d’une continuité de prise en charge en matière sociale équivalente à celle offerte à l’ensemble de la population. Nous savons que la situation est tout autre dans les établissements pénitentiaires à l’égard des personnes détenues et que, dans la très grande majorité des situations, les CIP pallient l’absence des services sociaux de droit commun. A ce titre, et dans le respect des règles pénitentiaires européennes, une loi analogue à celle du 18 janvier 1994 relative à l’intervention du service public de santé, doit affirmer une fois pour toute l’intervention de ces services auprès du public justice.

En revanche, le CIP doit bien évidemment continuer à prendre en compte la situation sociale des personnes. Il est, en effet, évident que les personnes suivies sont massivement confrontées à des difficultés d’insertion sociale qui constituent un obstacle conséquent à leur insertion dans la société. Ainsi, le règlement des difficultés sociales de la personne condamnée est souvent déterminant pour créer un contexte favorisant l’absence de récidive ou l’accès à un aménagement de peine. Le rôle du CIP est de prendre la mesure de ces difficultés et d’orienter vers les services compétents pour leur résolution.

Il est nécessaire de rompre avec l’idée que le CIP est un personnel polyvalent au point d’en être « omnicompétent ». C’est en cela que le métier de CIP ne relève pas du travail social classique, qu’il doit être mieux défini et délimité.

Face à une infraction, le CIP doit, à partir de l’analyse de la situation de la personne, lui permettre de comprendre son passage à l’acte et de s’affranchir des éléments le déterminant.

Pour autant, la proposition de Madame GORCE tenant à créer un corps spécifique d’ASS pénitentiaires (sans que soient précisé leur champ de compétence et l’importance de leur recrutement) répond mal aux besoins repérés, et ceci pour deux raisons :

"-" tout d’abord parce que cette modalité contient le risque d’une dérive vers un droit social pénitentiaire spécifique aux détenus donc discriminant et d’une pérennisation de la non intervention des services de droit commun.

"-" Ensuite, parce que des ASS recrutés par la pénitentiaire au sein des SPIP posera sans cesse la question de la répartition des rôles entre ASS et CIP et risque à terme de priver le CIP dans son suivi de toute approche sociale.

Pour le SNEPAP FSU, la solution consiste donc à ce que les services sociaux de droit commun soient en mesure de mettre à disposition de l’administration pénitentiaire des personnels nécessaires pour assurer en permanence un service public d’accès aux droits et aux dispositifs sociaux.



Nous sommes conscient des difficultés politiques d’une telle évolution mais elle ne doit pas être économisée car elle est essentielle au respect du droit de chaque personne que nous prenons en charge. La perspective d’une loi pénitentiaire doit être l’occasion de réaffirmer cette nécessité !

Dans cette logique, toutes les ASS qui exercent actuellement au sein des SPIP le métier de CIP doivent se voir proposer d’intégrer ce corps. Il n’est en effet pas question du jour au lendemain de leur demander de changer de métier !

Par ailleurs, dans l’objectif de mieux délimiter le métier de CIP, une clarification de la répartition des tâches entre le SPIP et l’établissement pénitentiaire est indispensable.

Recrutement de psychologues :

Pour le SNEPAP FSU, ces professionnels seraient sans aucun doute un renfort précieux pour l’analyse des pratiques professionnelles, pour l’aide à l’évaluation sur des situations complexes, et pour faciliter l’accès aux soins (en désacralisation l’image du psychologue ou psychiatre par exemple). Mais, en aucun cas, ceux-ci ne pourraient assurer les suivis découlant du respect de l’obligation de soin.

Augmenter la présence de personnels de surveillance dans les SPIP :



L’expérience de travail en commun CIP/surveillant dans le cadre du PSE a montré tout son intérêt. A partir de là, renforcer la place des surveillants dans les SPIP est une idée positive surtout si effectivement celui-ci se voit attribuer une pleine compétence pour les mesures de PSE. De plus, confier ainsi aux surveillants certaines tâches dites de contrôle pur notamment dans le cadre du PSEM permettrait aux CIP d’en être déchargés. Par ailleurs, la proposition d’I. Gorce tendant à permettre aux surveillants d’assurer un suivi de la bonne exécution des TIG est une idée intéressante, mais à approfondir pour éviter d’une part que les CIP soient tout simplement déchargés des TIG et d’autre part que la dimension « éducative » du TIG disparaisse. Il ne doit évidemment pas s’agir dans ce domaine, d’un transfert pur et simple de compétences des CIP vers les surveillants.

Recrutements d’animateurs :

La conduite d’actions collectives (dans le domaine culturel, sportif…) reste évidemment pertinente et l’implication des CIP dans ce domaine va également de soi. Si le renfort en nouvelles compétences d’animation ne peut être qu’une plus value (ce qui se fait déjà), il est impératif pour le SNEPAP FSU que les CIP restent impliqués dans la définition de ces actions et puissent, le cas échéant, continuer de participer à leur déroulement.

Renforcer les services administratifs :

Ils doivent, en effet, être renforcés de manière très importante, notamment dans la perspective de la création d’un véritable greffe. Leurs compétences sont amenées à s’élargir : la gestion de suivis dits administratifs, aujourd’hui attribués de manière empirique, devra être inscrite sur les fiches de poste et s’accompagner de formations adéquates et d’un statut à la hauteur de ces responsabilités. Les fonctions d’accueil sont des postes clés, notamment pour prévenir des incidents et nécessitent également une formation particulière. L’instauration d’un service comprenant différents corps de personnels administratifs (adjoints, secrétaires, attachés) permettra à chacun de se voir confier les missions qui lui sont dévolues et non de leur imposer des responsabilités pour lesquels ils ne sont pas rémunérés (ex : les régies…) comme cela est souvent le cas aujourd’hui.

En conclusion, si l’hypothèse de Mme Gorce n’est pas exempte de critiques, les discussions sur les métiers doivent être l’occasion pour l’administration centrale de replacer les SPIP au cœur de l’action de l’AP.

La redéfinition du métier de CIP ne doit pas, pour autant, abstenir l’administration de répondre aux carences en personnels en procédant à des recrutements importants !

Elle doit être aussi l’occasion de valoriser ses personnels, y compris sur le plan statutaire.

Ce travail est la conséquence du mouvement de printemps dernier. Il doit aboutir !

A l’issue de la réunion du 20 octobre entre la DAP et les organisations syndicales, nous invitons l’ensemble des personnels à participer aux congrès régionaux extraordinaires qui se tiendront les 23 ou 24 octobre (un tract régional précisera les dates et lieux).

Paris, le 15 octobre 2008

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