Le SNEPAP-FSU rencontre la ministre sur les chantiers Justice : quand le diable se cache dans les détails !
Le vendredi 16 mars, pendant plus d’une heure, une délégation du SNEPAP-FSU a été reçue par madame la ministre de la Justice et son conseiller au dialogue social. L’objet de cette rencontre était de connaître notre point de vue et faire part de nos remarques suite à la transmission du projet de loi de la justice à l’issue des chantiers Justice.
Le SNEPAP-FSU a été essentiellement entendu sur celui relatif à l’efficacité pénal.
Plus d’informations ici :
Contexte social
En préambule de cette rencontre, le SNEPAP-FSU a rappelé un constat limpide : la mise en œuvre de ce projet de loi reposera fortement sur une catégorie de personnels : ceux exerçant en SPIP. Les mêmes à qui est refusé une compensation indemnitaire liée à une reforme statutaire, les mêmes qui voient leurs directeurs totalement ignorés par leur administration, les mêmes qui se voient oublier de toute reconnaissance au sein de leur administration comme en ce début d’année. Et que ces agents soient personnels de surveillance en SPIP, CPIP, personnels administratifs, DPIP ou psychologues !
Tant le conseiller social que la ministre ont entendu notre demande et compris la légitimité de celle-ci. C’est une bonne chose. Mais c’est encore un acte itératif : tous nos interlocuteurs le comprennent, tous disent la nécessite de cette évolution. Mais du ministère de la parole à celui des actes, nous attendons la réalisation du second ! Et la vague promesse d’une prime de 100 euros en fin d’année 2018 pour certains de ces personnels en SPIP ne pourra qu’attiser un sentiment de frustration et de dégoût pour les oubliés !
Le projet de loi de la justice
Le contexte général
Durant cette audience, le SNEPAP-FSU a évoqué de nombreux points relatifs à ce projet de loi.
D’abord le discours du Président de la République à l’ENAP annonçait des réformes profondément porteuses de changements structurels. La volonté de porter une politique pénitentiaire basée non plus sur l’incarcération mais sur la probation, la reconnaissance de l’efficacité du milieu ouvert susceptible de prévenir au mieux la réitération d’actes délinquantiels, l’annonce d’un recrutement de 1500 agents dans la filière IP.
Malheureusement, le texte porté à notre connaissance révèle combien le ministère de la justice reste sous la tutelle conformiste de la DACG (Direction des Affaires Criminelles et des Grâces) !
Le Président voulait engager une réforme profonde visant à lutter contre les incarcérations, notamment les courtes peines. Il n’en sera rien, au contraire le projet de loi détricote, par le maillage technique et procédural, les annonces, leur portée et la philosophie générale !
La révision de l’échelle des peines
Le projet de loi fait disparaître le sursis-probation de l’échelle des peines. Pire même, le « sursis probatoire » se trouve n’être qu’une simple modalité d’aménagement de l’emprisonnement. Quant aux propositions bien plus progressistes des rédacteurs du chantier Cotte et Minkowski de conserver le meilleur du SME et de la CP (Contrainte Pénale), le SNEPAP-FSU constate qu’en réalité, la DACG profite de la rédaction du projet pour abattre la CP et son contenu. Où est passée l’évaluation criminologique basée sur des modèles théoriques qui ont donné la preuve de leur efficacité ? Comment se fait il que nos voisins des Pays Bas ferment des prisons quand la France ne cesse d’en ouvrir ? Serait-ce que les délinquants y sont moins actifs ou que la probation dans l’organisation judiciaire de ce pays permette de prononcer des peines plus adaptées aux besoins criminogènes des publics qui leur sont confiés ? Force est de constater que cette approche conservatrice privilégie encore la prise en compte d’éléments non probants comme la situation sociale, familiale et professionnelle en matière de sortie de délinquance !
L’absence d’avancées significatives vers la césure du procès pénale va conduire au maintien important de prononcés de peine d’emprisonnement au détriment de peines totalement alternatives
La création de la détention à domicile sous surveillance électronique comme peine autonome nous apparaît comme un succédanée de la détention. Nous craignons un retour de la SEFIP dont la mise en oeuvre procédurale était non efficiente. Ou alors une régression de la peine de probation qui cherche justement à rendre le condamné acteur de son parcours.
Enfin, après le boucan assourdissant réalisé autour du travail d’intérêt général, la montée en 3ème position de cette mesure était attendue.
Le TIG
Où comment détourner la volonté de développement d’une mesure réparatrice en un outil de gestion des ressources humaines au service de l’entreprise ?
Le SNEPAP-FSU s’oppose fermement à la volonté de mettre en place des TIG au sein des entreprises ! Après la précarité des intérimaires et des contractuels, quoi de mieux que proposer au patronat du travail gratuit ? La portée symbolique du travail d’intérêt général perdra de son sens si le monde de l’entreprise l’utilise comme outil de flexibilité !
Le SNEPAP-FSU restera très attentif sur la forme juridique que pourrait prendre ce partenariat
Du pré-sententiel
Le SPIP redevient, dans le cadre de l’enquête sociale rapide, un acteur de propositions pour individualiser la peine.
Le SNEPAP-FSU considère cette proposition bien insuffisante pour permettre à la juridiction de prononcer un peine adaptée à la situation individuelle dans le but de voir diminuer les risques de récidive. C’est pourquoi le SNEPAP FSU défend une césure du procès pénal, avec un prononcé de peine renvoyé à une date permettant d’effectuer une véritable évaluation de la personne condamnée.
Quelque soit la procédure utilisée, les missions pré-sententielles dévolues au SPIP demanderont des moyens importants, et le renfort de ces services sera indispensable. De ce point de vue l’annonce des 1500 emplois en SPIP se trouve déjà bien absorbée par les besoins RH que cette intervention pré-sententielle nécessitera !
L’intérêt d’une évaluation avant le prononcé de peine repose sur l’ajustement de la peine aux besoins des publics dans le but de prévenir la récidive. Tant que la DACG se réfugiera dans une vision naïve de la portée des éléments sociaux, familiaux et de personnalité, alors les besoins criminogènes ne seront ni identifiés ni travaillés !
Emprisonnement et aménagements de peine
Où de la volonté de faire des paliers :
En-dessous de 1 mois, la prison sera impossible ;
au-delà de 1 an systématique.
Où comment faire un effet d’annonce qui sera certes positif mais en rien révolutionnaire. Pourquoi ? Car cette idée va se voir confronter au classique effet de seuil que le candidat Macron dénonçait pour les peines de prison qui en-dessous de 2 ans finissaient en 723-15.
Tout comme le numerus clausus, la solution ne passera pas par les effets d’intention mais véritablement par une révolution culturelle.
Le sursis probatoire
En vantant l’avantage de la fusion du SME et de la contrainte pénale, le rêve était vendu de satisfaire tout les intervenants professionnels : les magistrats de garder les sacro-saintes obligations et la peine de prison en référence, le SPIP la notion d’évaluation et de parcours adapté pour travailler sur les besoins criminogènes.
En définitive il n’en sera rien : la prison reste la référence et l’absence de travail sur le fond des capacités de la peine à ne pas récidiver renvoyer aux calendes grecques. Le conservatisme des uns fera le bonheur… de personne, car les auteurs d’infraction ne pourront être accompagnés sur leurs besoins de changement comportementaux !
De surcroît, et pour bien signifier que les magistrats reprennent la main sur les SPIP, le suivi renforcé sera déterminé par la juridiction ou par le JAP. Une véritable régression dans la reconnaissance de l’expertise des SPIP !
La libération sous contrainte
Nous pouvions enfin penser que la peine d’enfermement comprendrait enfin une perspective de préparation à la sortie avec un dispositif d’automaticité. Ce n’est toujours pas le cas. Car, encore une fois, sous l’effet d’annonce, les motifs de refus restent tellement larges que la notion de mérite reste encore et toujours le principal vecteur de sortie d’établissement.
le SNEPAP-FSU reste des plus dubitatifs sur la mise en œuvre de ce projet de loi !
La Ministre de la Justice nous laissait entrapercevoir une révolution culturelle mais nous n’aurons que les boulets qui nous lesteront encore quelques années.
Le SNEPAP-FSU portera l’affirmation d’une véritable peine de probation, où le travail ne sera pas uniquement celui basé sur une vision sociale mais celui de professionnels du mandat judiciaire s’appuyant sur des modèles probants comme ceux déclinés à travers les règles et recommandations du Conseil de l’Europe (les REP), qui reste le cœur de métiers des SPIP.
Le SNEPAP-FSU continuera de défendre la vision d’une justice moderne avec le souci de mettre au cœur du dispositif le justiciable, qu’il soit auteur des faits ou victime.