Le SNEPAP-FSU reçu à Matignon : les premières pistes de la future loi pénale

Jeudi 23 mai, le SNEPAP-FSU rencontrait Fabienne KLEIN-DONATI, conseillère Justice auprès de Jean-Marc

AYRAULT, Premier Ministre.

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Dans un contexte de surpopulation pénale touchant autant les établissements pénitentiaires que les services

pénitentiaires d’insertion et de probation, alors que l’impatience et le découragement des personnels

pénitentiaires sont patents, que l’ouverture du procès de Tony Meilhon ravive le traumatisme de 2011, le

gouvernement reste muet ou hésitant sur ses intentions en matière de politique pénale. Pour le SNEPAP-FSU,

cette situation d’incertitude, qui fait écho au silence assourdissant de l’Administration Pénitentiaire, ne peut

plus durer. Loin de réclamer une n-ième loi pénale qui serait examinée et débattue dans la précipitation, le

SNEPAP-FSU attend néanmoins de la Chancellerie et du gouvernement dans son ensemble qu’ils affichent plus

clairement les axes de la réforme qui sera proposée au Parlement. Nous avons rappelé l’impérieuse nécessité

d’un changement de cap radical : il faut rompre avec les politiques pénales pourvoyeuses de peines qui nient

tout objectif en matière de prévention de la récidive. Nouvel équilibre entre prison et probation, crédibilisation

des peines en milieu ouvert doivent constituer pour le gouvernement un enjeu au centre duquel se trouvent les

SPIP.

Mme KLEIN-DONATI nous a indiqué que les services du Ministère de la Justice sont actuellement en phase

d’écriture du projet de loi pénale.
Jean-Marc AYRAULT souhaite qu’il soit présenté en conseil des Ministres

dès que cette phase sera terminée : fin juillet dans un schéma idéal, ou début septembre en cas de retard dans

l’écriture du texte. La phase de discussion devant le Parlement interviendrait à l’automne.

Si elle a affirmé que les conclusions de la conférence de consensus servent de base aux travaux actuels du

gouvernement, Mme KLEIN-DONATI a toutefois précisé qu’il n’a jamais été question de reprendre ces

préconisations dans leur intégralité. Pour elle, le texte final, et éventuellement les arbitrages

interministériels qui seront rendus en amont, devront tenir compte de l’ensemble des opinions
; entre le

Ministère de la Justice et celui de l’Intérieur, les conceptions d’une prévention de la récidive efficace semblent en

effet pour le moins divergentes…

La question de l‘abolition des peines planchers est symptomatique des enjeux auxquels le gouvernement est

confronté. La conseillère du Premier Ministre ne s’explique pas l’échec des orientations issues de la circulaire de

politique pénale de septembre 2012. Dans l’attente de la future loi pénale, cette circulaire devait permettre de

réduire la voilure en matière d’incarcération. Le peu d’impact qu’elle a eu sur le prononcé des peines et le

processus d’aménagement de ces peines témoigne de la difficulté à lever les résistances et à faire évoluer les

pratiques après des années de discours et de politiques sécuritaires.

S’il ne fait pas de doute pour le cabinet du premier Ministre que les peines planchers seront abolies par la future

loi pénale, elles ne le seront pas indépendamment de l’élaboration d’une politique pénale nouvelle. Le

gouvernement souhaite faire preuve de pédagogie et avancer avec prudence tant le sujet est sensible et

susceptible d’attaques virulentes de l’opposition parlementaire, opposition dont certains membres n’ont à

l’évidence guère été touchés par « l’esprit de la conférence de consensus ».

Mme KLEIN-DONATI nous a informé que le projet de loi pénale comportera trois axes dont l’articulation et le

contenu ne sont pas encore complètement arbitrés et définis :

le premier axe s’attachera à améliorer l’individualisation du prononcé des peines. Au-delà de la

suppression des peines planchers, le principe de la révocation automatique des sursis simples devrait être

revu. Dans le cadre des comparutions immédiates, le projet de loi devrait également proposer l’ajournement

du prononcé de la peine pour permettre un temps d’évaluation suffisant.

le second axe, relatif à la peine de probation, reste à travailler. Mais le gouvernement s’interroge d’ores et

déjà sur la progressivité de sa mise en place (maintien du SME pendant quelque temps en parallèle de la peine

de probation ou période d’expérimentation…)

le dernier axe, portant sur l’efficacité du processus de l’exécution des peines, traiterait notamment de

la rétention de sûreté, des aménagements de peine et de la compétence territoriale du JAP. La libération

conditionnelle d’office doit donner lieu à des arbitrages, l’idée principale reposant sur un examen automatique

avec possibilité pour le magistrat de s’opposer.

Le SNEPAP-FSU a indiqué à la conseillère que la future loi devrait être enfin l’occasion de reconnaître le

caractère régalien des missions des SPIP. Face au développement d’associations intervenant en concurrence

des services de l’Etat, la cohérence et l’équité de l’exécution des peines doivent être préservées. A l’heure

d’affirmer la place de la probation dans le champ de la Justice pénale, et dans un objectif de parallélisme des

formes avec l’article 3 de la loi pénitentiaire qui le prévoit pour les fonctions de direction, de surveillance et de

greffe dans les établissements pénitentiaires, il est temps de certifier que les fonctions de direction des services

pénitentiaires d’insertion et de probation, de préparation, d’aménagement, de contrôle et de suivi des peines ne

peuvent faire l’objet d’aucune délégation. La conseillère n’avait jamais été sensibilisée sur ce sujet et s’est

étonnée de l’absence de bilan sur l’intervention des associations socio-judiciaires, malgré nos demandes

répétées.

Nous avons également abordé la question de l’identification des SPIP, notamment au sein de la DAP. Nous

avons rappelé que le SNEPAP-FSU défend le principe de la continuité du suivi entre le milieu ouvert et le milieu

fermé, ces deux champs d’intervention ne devant pas faire l’objet d’une scission administrative. La création

d’une direction autonome de la probation stricto sensu, qui ne recouvrirait que l’activité des SPIP en milieu

ouvert, aurait cet effet. Pour la conseillère du premier Ministre, une première étape, qui pourrait être suffisante,

serait de renforcer la place et l’identité des SPIP au sein de la DAP, en convenant notamment de leur spécificité

« métier ». Elle a également indiqué qu’un dialogue social spécifique peut s’organiser au sein de la DAP eu égard à

cette particularité des missions.

Enfin, la conseillère a indiqué que les engagements seraient tenus en matière de création d’emplois (1500

créations pour l’ensemble du Ministère de la Justice sur trois ans). Le SNEPAP-FSU a rappelé que ces

engagements sont notoirement insuffisants, s’agissant en particulier des Services Pénitentiaires d’Insertion et

de Probation, lesquels se trouveront immanquablement au carrefour des axes de la future loi pénale en cours

d’ébauche. Pour mémoire , sur les 500 emplois prévus par le premier volet de ce plan triennal, 43 ont été dédiés

à la création de postes de CPIP, 20 au recrutement de psychologues en SPIP…

Si le SNEPAP-FSU a pu apprécier la liberté de parole de Mme KLEIN DONATI, il s’inquiète en

revanche du flou et de l’indécision qui semblent régner autour d’un projet de loi

particulièrement attendu. Si certains craignaient que le texte de la loi soit écrit avant même les

auditions publiques de la conférence de consensus, à l’évidence, il n’en est rien ! Pourtant, le

système pénal et pénitentiaire au bord du gouffre ne pourra se contenter de mesures

cosmétiques. Certes, le chantier est colossal et le calendrier parlementaire particulièrement

chargé mais l’élaboration et la mise en oeuvre d’une politique pénale ambitieuse et efficace

nécessitent un changement en profondeur. Le SNEPAP-FSU rappelle en outre que le moratoire

sur l’encellulement individuel prendra fin en novembre 2014. Il ne sera alors plus temps de

prendre des mesures qui seront inévitablement perçues comme de pure opportunité.

Paris, le 27 mai 2013

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