Les missions, les SPIP et les personnels
Suite à la réforme des SPIP de 1999, les lois du 15 juin 2000 (juridictionnalisation de l’application des peines), du 9 mars 2004 (NPAP, systématisation des enquêtes et de la procédure dite des 723-15, art 474 convocation directe devant le SPIP…), et du 12 décembre 2005 (PSE mobile) ont profondément modifié l’activité des SPIP. Aux tâches définies par les textes de 99, le législateur en a ajouté des nouvelles de façon exponentielle et anarchique c’est à dire sans logique constructive élaborée à partir du bilan de la réforme.
Pour le SNEPAP-FSU, les fondements et les objectifs de la réforme de 99 restent pertinents parce qu’ils contribuent à affirmer la spécificité et la reconnaissance des SPIP et de ses missions. Cela étant, la mise en œuvre de cette réforme a été entravée par de multiples facteurs dont la carence en personnels administratifs, d’insertion et de probation, et d’encadrement. Tiraillés entre les exigences des magistrats et des sollicitations propres à la gestion de la détention, les personnels ont été en difficulté pour trouver des repères, faute de politique de service claire et d’engagements de service actualisés. Ces difficultés n’ont fait que s’accroître avec l’augmentation conséquente de la charge de travail. C’est ainsi que s’est développé le sentiment de parer au plus urgent, de ne plus avoir le temps pour entretenir un partenariat indispensable, de ne plus pouvoir accompagner et connaître les personnes suivies dans l’objectif d’une meilleure individualisation de la peine et de prévention de la récidive.
Ce sentiment de lassitude des professionnels des SPIP est accentué par deux évolutions majeures. D’une part, le contexte socio économique est marqué par une augmentation de la précarité. Concourir, alors, à l’émergence et à la réalisation d’un projet d’insertion ou de réinsertion constitue une réelle difficulté. A ce titre, développer les politiques publiques à destination des personnes condamnées et suivies par la justice est incontournable pour permettre une aide à l’insertion (accès au logement, à la formation professionnelle, aux soins…).
D’autre part, le virage répressif entreprit depuis plusieurs années par le gouvernement, aboutit à un recours accru au pénal (pénalisation du pauvre, du marginal ou de l’étranger) et à la prison. Dans ce contexte, contribuer à donner du sens à la peine peut parfois s’avérer être un exercice de style !
Pour le SNEPAP-FSU, la pénalisation ne peut pas être la réponse adaptée à toutes les questions de société, et le renforcement des réponses répressives s’avère la plupart du temps contre productif en matière de lutte contre la récidive.
Dans un tel contexte de « saturation » des services, il apparaît urgent de réfléchir sur le rôle du SPIP et de définir de façon précise ses missions.
Pour le SNEPAP-FSU, l’élément déclencheur de la prise en charge par le SPIP d’un individu est la commission d’une infraction. Les personnels d’insertion et de probation agissent dans le champ de l’exécution d’une peine ou d’une mesure pré-sentencielle. Cela ne veut pas dire que le contrôle des obligations doit devenir la mission centrale, loin de là. N’en déplaise à certains, le SNEPAP-FSU n’a jamais défendu l’idée d’agent de probation comme il a été rapporté. Cependant, nous intervenons dans un cadre pénal et nous participons à l’action de justice qui impose des contraintes aux personnes. Le nier tient de la mystification ! En revanche, se limiter à un contrôle formel des obligations, comme limiter le travail des SPIP à ce seul contrôle, constituerait une atteinte à la mission de réinsertion des SPIP, totalement inefficace en matière de prévention de la récidive.
Proposer et mettre en œuvre la meilleure modalité d’exécution de la peine afin de contribuer à limiter les facteurs possibles de récidive doit rester la base de notre activité.
Pour cela, plusieurs pré requis doivent être réunis :
Il est indispensable, tout d’abord, de disposer d’un réseau partenarial étoffé propre à étendre l’éventail des possibilités de prise en charge offertes par le droit commun de façon à s’adapter aux besoins recensés.
Le suivi et le conseil des personnes prises en charge doivent se réaliser dans des conditions permettant d’impulser une réflexion sur les faits commis, et d’accompagner l’émergence d’une évolution ou d’un projet contribuant à une inscription citoyenne dans la société.
Dans l’objectif de prévention de la récidive, les personnels des SPIP sont à même d’évaluer, dans une logique d’individualisation des peines, quel aménagement de peine et quelle modalité de suivi sont les plus adaptés à la personne. Cette compétence et ce savoir-faire en matière d’application des peines, qui se traduit dans le conseil transmis au magistrat, doivent être davantage reconnus.
C’est d’ailleurs en raison de cette vision du post-sentenciel que le SNEPAP-FSU revendique que le pré-sentenciel reste de l’apanage des SPIP et que les conditions de réalisation des permanences d’orientation pénale permettent un réel travail d’évaluation et de proposition.
Poser ces bases sur la définition des missions des SPIP n’est pas sans influence sur l’identité des personnels : si le SPIP ne s’apparente pas à un service social, c’est parce l’exécution d’une mesure judiciaire constitue notre champ d’intervention. Dans le cadre d’un suivi individualisé et qui s’inscrit dans le temps, le SPIP doit favoriser l’accès aux droits et aux dispositifs sociaux et d’insertion de droit commun, mais non se supplanter à eux.
Bien évidemment, l’action des personnels d’insertion et de probation est « sociale » dans le sens où elle contribue à ce que celui qui a été écarté, complètement ou partiellement, de son statut de citoyen libre, puisse retrouver sa place au sein de la société. En outre, parmi les outils dont ils disposent, certains sont propres au travail social. Pour autant, identifier les personnels d’insertion et de probation comme des travailleurs sociaux ne correspond pas à la spécificité de nos missions qui appelle une définition plus précise de notre identité professionnelle.
Ce souci de précision est essentiel à la reconnaissance de notre spécificité professionnelle et à la valorisation statutaire que nous demandons. La constitution d’un corps unique au sein des SPIP répond à ce souci de cohérence et doit nous permettre d’atteindre l’objectif d’une réforme statutaire d’envergure pour les personnels d’insertion et de probation. En outre, il est logique que des personnels exerçant les mêmes missions puissent relever d’un statut identique. La tentation est parfois grande (d’ailleurs certains ne se gênent pas) d’imaginer de façon simpliste que le SNEPAP-FSU défende la disparition pure et simple des assistants de service social. La richesse induite par la diversité des formations d’origine doit être garantie par des procédures de recrutement adaptées.
Lors du CTPSE du 28 février, la sous direction PMJ de la DAP nous a présenté le travail qui sera entrepris cette année sur les missions des SPIP. Deux axes de travail :
la redéfinition la plus claire possible des missions en remodelant les circulaires d’application du décret du 13 avril 1999. Ce travail devrait aboutir dans les 3 mois.
l’harmonisation des méthodes de travail dans le délai d’un an. Ce travail s’effectuera en lien avec les professionnels par la constitution de groupes de travail sur des thèmes précis (enquête victime, synthèse socio éducative, convocation directe devant le SPIP, le suivi différencié, la surveillance judiciaire…) et par des déplacements sur les services afin de repérer les bases communes partagées par l’ensemble des services et de comparer les pratiques existantes. L’administration proposera l’avancée de ces travaux à un groupe miroir composé de personnels et s’est engagée à consulter régulièrement les organisations syndicales.
Le SNEPAP-FSU estime que le travail entrepris est nécessaire et urgent. Les résultats devront être à la hauteur des attentes des personnels. Le SNEPAP-FSU veillera à être consulté afin de défendre sa vision des missions des SPIP.