Lettre ouverte au futur Garde des Sceaux

Madame la Ministre, Monsieur le Ministre,

Vous prenez ce jour vos fonctions de Garde des Sceaux et héritez ainsi d’une situation carcérale inquiétante, condamnée à multiples reprises par les Institutions Européennes, par divers rapports parlementaires ou plus récemment par celui du Contrôleur Général des lieux privatifs de liberté. La situation dramatique de nos prisons françaises devra donc être la priorité de votre mandat.

La loi pénitentiaire, pourtant déclarée urgente par votre prédécesseur, et même si elle apparaît en deçà des espoirs que l’on pouvait avoir pour une « grande loi pénitentiaire », tarde tout de même à venir. Elle est toutefois porteuse d’améliorations notables pour la condition pénitentiaire.

Dans ce même mouvement, le gouvernement et l’administration pénitentiaire ont enfin répondu aux appels de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui a condamné la France à cinq reprises depuis 2003 en raison de la situation dans ses prisons.

L’instauration des Règles Pénitentiaires Européennes est en effet source d’une mise en adéquation du système carcéral avec le respect des droits de l’homme, respect qui ne porte absolument pas de contradiction avec la sécurité intérieure des établissements pénitentiaires, ni plus globalement celle d’une société dans laquelle l’incarcération n’est pas une mise au ban de l’individu. La Justice, en s’imposant la mise en place des RPE dans ses prisons, redevient une Justice « sociale » dont l’objectif est l’amendement des personnes qu’elle condamne et dont la mission n’est pas limitée à celles de maintien de l’ordre et de sécurité intérieure.

Ces règles n’ont certes pas intrinsèquement valeur impérative pour l’Etat français, mais depuis 2000 la Cour Européenne des droits de l’homme interprète la convention européenne des droits de l’homme à la lumière des recommandations du Conseil de l’Europe, dont essentiellement les Règles pénitentiaires européennes, faisant donc de ces règles une obligation pour les Etats membres.

Dans ce cadre, la décision de votre prédécesseur de suspendre l’application des RPE apparaît totalement décalée, et notamment au moment où les français doivent participer aux élections au Parlement de l’Union européenne, ainsi qu’au moment où le Conseil de l’Europe fête le 60ème anniversaire de l’organisation de défense des droits de l’homme et des valeurs démocratiques.

C’est pourquoi, nous, associations et organisations militantes, vous demandons de revenir sur cette suspension et de mettre, au plus vite, la France en cohérence avec les règles européennes adoptées par le Conseil de l’Europe le 11 janvier 2006.

En espérant que cette lettre aura attiré toute votre attention, nous vous prions de croire Madame, Monsieur le futur Garde des Sceaux, à l’expression de notre haute considération.

Alain Blanc, président de l’Association française de criminologie (AFC),
Marie-Paule Heraud, présidente de l’Association nationale des visiteurs de prison (ANVP),
Martine Lebrun, présidente de l’Association nationale des juges de l’application des peines (ANJAP),
Nicole Maestracci, présidente de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS),
Arnaud Philippe, président du Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées (GENEPI),
Georges Sobieski, président de la Fédération des associations réflexion action prison et justice (FARAPEJ),
Pierre V. Tournier, animateur du Club DES Maintenant en Europe.
Sophie Desbruyères, secrétaire générale du Syndicat National de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (SNEPAP FSU)

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