Lettre ouverte à Nicolas Sarkozy

Monsieur le Président de la République,

Vous avez décidé de placer l’exécution effective des peines dans vos priorités et venez au centre

pénitentiaire de Réau dans ce contexte.

Si certains verront cette venue comme un signe positif de l’intérêt

que vous portez à l’Administration Pénitentiaire, notre organisation syndicale quant à elle refuse de se

suffire d’une visite de courtoisie. Les personnels de l’administration pénitentiaire, représentés par le

SNEPAP-FSU, attendent en effet des actes de votre part, et c’est pour vous faire part de ces attentes que

nous tenons à vous rencontrer demain.

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Le centre pénitentiaire Sud Francilien est le symbole de la démesure et du coût que représentent les

nouvelles constructions pénitentiaires.
Le nombre de courtes peines d’incarcération, pourtant inefficaces

en matière de prévention de la récidive, lié à une politique pénale inadaptée, fait exploser la population

carcérale et pousse l’administration à devoir construire toujours plus. Ces constructions, de taille

gigantesque, ne permettent pas une prise en charge effective des personnes détenues, tant par le faible

nombre de personnels que par la qualité du suivi que ceux-ci peuvent y réaliser. De plus, leur coût

exorbitant, dans un contexte budgétaire qui ne vous est pas inconnu, a contraint l’administration à réduire

les budget prévus pour le développement des alternatives à l’incarcération comme le placement extérieur,

pourtant reconnu en matière de prévention de la récidive. A l’heure où notre ministre se targue d’organiser

une grande journée du Travail d’Intérêt Général, même si nos services ne l’ont pas attendu pour le faire

depuis de nombreuses années, quelle cohérence existe-t-il entre la volonté affichée et les budgets alloués ?

Pourtant il existe d’autres solutions pour punir sans incarcérer, notamment en développant les

alternatives à l’incarcération, en instaurant une politique pénale équilibrée et proportionnelle à la gravité

des actes,
en évitant les mandats de dépôt en comparution immédiate qui empêchent tout aménagement

de peine, en dotant les services pénitentiaires des moyens suffisants à une prise en charge effective. Ces

revendications ne sont pas de grands discours, Monsieur le Président, mais bien les conditions

incontournables d’une politique pénale efficace.

Donner aux personnels les moyens d’assurer leurs propres missions, voilà un objectif qui paraît cohérent.

Ce n’est pourtant pas la réalité des services pénitentiaires, Monsieur le Président. Le transfert des missions

d’escortes et d’extractions judiciaires à l’administration pénitentiaire, sans formation et sans moyens

supplémentaires, est un exemple flagrant de la dispersion qui règne au sein de nos services. Pensez vous

vraiment qu’il soit de la compétence du personnel de surveillance d’assurer la sécurité sur la voie

publique ? Nous allons au devant de risques importants en validant ce transfert. Bien plus, en le faisant

avec 800 personnels au lieu des 2000 préconisés par la Cour des Comptes, les dysfonctionnements qui

viennent de se faire connaître à Nancy risquent d’être les premiers d’une longue série. A ce jour il manque

des surveillants dans les coursives ainsi que pour le Placement sous Surveillance Electronique dans les

services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP).
Ne croyez vous pas qu’il soit plus cohérent pour

l’administration pénitentiaire de faire fonctionner le bracelet électronique que d’assurer des missions de

police ?

Dans le même ordre d’idée, quand les services de droit commun, notamment en matière d’insertion

socio-économique, interviendront-ils enfin auprès des personnes condamnées ?
Le SNEPAP-FSU a

toujours considéré que les personnes condamnées n’étaient privées que d’une part, plus ou moins

importante, de leur liberté d’aller et venir et non de celle d’accéder aux mêmes dispositifs que tout citoyen.

Ainsi les personnels des SPIP, par leur évaluation criminologique, doivent pouvoir orienter les personnes

suivies vers les services compétents dans ces domaines et aborder ainsi plus sereinement la question

centrale du passage à l’acte avec la personne. Cette intervention, que le SNEPAP-FSU exige depuis de

nombreuses années, tarde à se mettre en place malgré un avis unanime des professionnels sur cette

question. Sans une véritable volonté politique, que nous attendons de votre part, les personnels de

l’administration pénitentiaire, malgré toute leur compétence, continueront à pallier les carences des autres

services au détriment de leurs propres missions.

Enfin, le SNEPAP-FSU, syndicat historiquement représentatif dans les SPIP, attend de votre administration

des engagements forts pour ces services qui sont au coeur de l’exécution de la peine. Depuis l’affaire de

Pornic en janvier dernier, le Ministre de la Justice a sollicité divers rapports. Ceux qui ont été menés par de

véritables professionnels de la Justice concluent tous au nécessaire renforcement de la place de ces services

dans la chaîne pénale, tant par la représentation de la filière insertion et probation à des postes à

responsabilités, que par l’affirmation de leurs compétences propres en matière de mise en oeuvre des

décisions de justice, dans la ligne droite de la réforme qui les a créé en 1999 et de la circulaire de mars

2008. Le SNEPAP-FSU attend de votre part que, dans ce domaine, vous exigiez de notre ministère qu’il suive

les préconisations des dits rapports.

Mais le Ministre a moins communiqué à l’époque sur le fait qu’il avait mis sommairement à exécution

toutes les peines non exécutées. Pourquoi ces peines étaient-elles en attente ? Non pas parce que les

services ne voulaient pas les prendre en charge, mais parce qu’ils ne le pouvaient pas ! Et pourquoi

l’auraient-ils pu d’avantage au lendemain de cette sordide affaire sans obtenir de renforcement en moyens

humains ? Alors certes, toutes les peines sont à ce jour affectées à un personnel pénitentiaire, mais au

prix d’une surpopulation carcérale record et pour quelle prévention de la récidive ?
Car à ce jour, face à la

charge de travail dans les services, sachez, Monsieur le Président, que les peines ne sont pas correctement

mises à exécution ! Les personnels administratifs tout d’abord, cheville ouvrière des services, font

cruellement défaut. C’est pourtant eux qui permettront notamment d’assurer une gestion informatique

essentielle à la continuité du service public que vous réclamez haut et fort en matière d’exécution des

peines. Les personnels d’insertion et de probation, dont les entretiens individuels devraient, selon

l’Inspection Générale des Finances, représenter au moins 50% du temps de travail, suivent chacun une

centaine de condamnés en moyenne. Vous avez, relevé, lors d’une allocution télévisée en janvier dernier,

un fort recrutement ces dernières années dans la filière. Mais vous avez occulté le quasi-néant d’où ce

recrutement partait et le fait qu’il n’a, en aucune manière, pu absorber l’augmentation de 34% des mesures

de milieu ouvert que les SPIP ont connue depuis 2007. Les cadres, chargés de développer un partenariat

indispensable avec les politiques de la ville et de prévention de la délinquance, sont en nombre insuffisant.

Les psychologues, les coordinateurs culturels, les personnels de surveillance… Beaucoup reste à faire dans

ces services qui sont encore jeunes mais qui ont déjà développé une véritable expertise en matière

d’exécution des peines.

Voilà, Monsieur le Président, dans quel contexte l’exécution des peines se déroule aujourd’hui en France. Le

SNEPAP-FSU attend de votre part des engagements audacieux qui vont bien au delà des discours, et des

actes forts marquant votre reconnaissance des missions effectuées par les personnels pénitentiaires.

Paris le 12 septembre 2011

Pour le SNEPAP-FSU

Charlotte Cloarec

Secrétaire générale

(ce courrier sera rendu public)

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