MANUEL DE MISE EN OEUVRE DE LA CONTRAINTE PENALE : DERNIERE ETAPE DE DISCUSSIONS

Le vendredi 26 juin 2015 se déroulait la dernière réunion multilatérale consacrée au manuel de mise en oeuvre de la contrainte pénale, avec à l’ordre du jour les discussions sur les phases trois et quatre du document (le manuel est construit autour de 4 phases. Phase 1 : l’évaluation initiale. Phase 2 : la Commission Pluridisciplinaire Interne (CPI). Phase 3 : la mise en oeuvre du projet d’accompagnement de la personne et d’exécution de la mesure. Phase 4 : l’évaluation continue et régulière de la situation.), ainsi que la position de la Direction de projet SPIP sur les propositions de modifications portées par les organisations professionnelles sur les deux premières phases. La version finale du manuel doit nous être transmise le 20 août prochain, avant passage au vote du du Comité Technique SPIP du 16 septembre.

Si deux organisations syndicales (la CGT Insertion/Probation et FO Pénitentiaire) ont décidé de quitter la réunion avant la fin, trois autres sont allées au bout des débats. Le SNEPAP-FSU, qui a pendant de nombreux mois contesté l’opacité dans laquelle la DAP menait ses travaux en dehors de tout dialogue social, n’allait certainement pas fermer la porte à une ultime réunion sur un manuel aussi important que celui concernant la mise en oeuvre de la contrainte pénale.

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Le SNEPAP-FSU a eu l’occasion de présenter de nombreuses observations, aussi bien oralement à l’occasion des réunions, que dans le cadre de contributions écrites transmises à la Direction de projet. Si un bilan précis ne sera possible qu’après communication de la version finale du manuel, nous pouvons d’ores et déjà faire état des principaux arbitrages.

– L’inspiration du manuel de mise en oeuvre de la contrainte pénale

Les Règles Européennes relatives à la Probation guident le déroulé du manuel. Il en est ainsi de la méthodologie d’intervention fondée sur les Risques Besoins Réceptivité (RBR), laquelle est complétée par d’autres références telles que celles relatives aux travaux sur la désistance ou aux « Core Correctionnal Practices ».

Les références théoriques étant particulièrement nombreuses dans le manuel, son appréhension par les terrains pourrait être compliquée, en raison notamment des difficultés à discerner ce qui relève d’une mise en oeuvre « pratique » de ce qui relève

des explications théoriques guidant les choix effectués. Aussi, le SNEPAP-FSU avait proposé leur renvoi en fin de document, proposition non retenue par la DAP.

La construction du manuel autour des 4 phases répond aux mandats du SNEPAP-FSU, lesquels reprennent en la matière les préconisations des Règles Européennes relatives à la Probation.

L’intervention d’ASS et psychologues est prévue dans les 4 phases.

Or, pour le SNEPAP-FSU, des travaux visant à clarifier leurs missions doivent impérativement être menés.

S’agissant des ASS, si certains agents effectuent de longue date les missions qui sont aujourd’hui celles des CPIP, d’autres ont été récemment recrutés pour n’intervenir qu’en milieu fermé sur les problématiques sociales, ou en milieu ouvert alors même que le droit commun y est présent. Enfin, d’autres agents, qui ont été recrutés pour intervenir sur le traitement des problématiques sociales, sont positionnés sur des fonctions de CPIP….

S’agissant des psychologues, entre suivi individuel, analyse des pratiques et supervision, leur place dans les SPIP doit être davantage déterminée.

En accord sur le constat et les réserves formulés par le SNEPAP-FSU, l’administration a annoncé devoir effectivement reprendre le contenu des fiches de poste des ASS et psychologues.

– La phase d’évaluation

Au préalable, il convient de préciser que le manuel n’inclut pas les travaux entrepris actuellement dans le cadre de la recherche-action PREVA, où les sites expérimentent plusieurs (et non un seul) outils d’évaluation. Notons également que l’outil d’évaluation ne remplacera jamais le professionnel qui l’utilise : il a vocation à structurer cette phase.

A l’origine, le manuel prévoyait quatre entretiens à mener par le CPIP référent, avant transmission de l’évaluation à la CPI. Il reprenait ainsi la note de cadrage DAP, en y ajoutant toutefois une contrainte non négligeable pour les SPIP, à savoir l’exclusion de l’entretien d’accueil.

Le SNEPAP-FSU, argumentant sur les difficultés des services en terme de ressources humaines, conjuguées aux délais particulièrement courts pour réaliser l’évaluation, a obtenu son inclusion dans les quatre entretiens à mener.

Sur le plan pratique, la phase d’évaluation est déroulée en quatre points : créer les conditions d’une entrée en relation avec la personne accompagnée, investiguer (terme contesté par le SNEPAP-FSU) les champs nécessaires à l’évaluation, collecter les éléments d’information, analyser les éléments d’information collectés en vue d’identifier

les besoins d’accompagnement de la personne et sa réceptivité. Autant de points dont il est difficile de croire qu’ils ne sont pas le métier de CPIP.

Cette phase se clôt par un rapport transmis par le CPIP référent à la CPI, rapport qui servira de base à celui communiqué au Juge de l’Application des Peines. Le SNEPAP-FSU a alerté la Direction de projet sur les risques liés à une transmission « in extenso » au magistrat de l’évaluation conduite par le CPIP. En effet, cette dernière doit avoir pour objectif la détermination d’un plan d’exécution de suivi, et surtout pas la détermination d’une peine. A terme, l’inclusion d’un outil d’évaluation propre au SPIP commande d’établir une frontière entre les éléments internes au SPIP et les éléments communicables aux magistrats mandants.

Pour l’administration, il n’est actuellement nullement question d’intégrer un outil d’évaluation dans le logiciel APPI. Dont acte…le SNEPAP-FSU restera particulièrement vigilant sur cette question.

– La Commission Pluridisciplinaire Interne

Son déroulé a fait l’objet de nombreux amendements, ceux du SNEPAP-FSU visant notamment à en alléger le formalisme, mais également à en clarifier le contenu.

La présence des partenaires extérieurs à la CPI a fait débat. Pour le SNEPAP-FSU, elle aurait posé de nombreuses difficultés. De forme eut égard à la confidentialité des échanges, notamment sur la situation pénale des publics ; de

fond également, tenant au fait que nous considérons que l’évaluation appartenant au SPIP, elle ne saurait être conduite même partiellement par des partenaires extérieurs. S’il est essentiel et incontournable de travailler ensemble, il ne s’agit pas de travailler « à la place de ».

Ainsi, l’administration a acté le fait que les partenaires extérieurs ne seraient pas présents à la CPI.

S’agissant du formalisme de cette instance, entre abandon des « engagements de confidentialité » qu’auraient dû signer tous les participants et suppression des PV à la charge des personnels administratifs (Eléments prévus dans la version initiale du manuel.), les modifications vont dans le bon sens.

Le SNEPAP-FSU avait également relevé le flou entourant le caractère des avis rendus par la CPI : décisions ou simples avis consultatifs ? Pour nous, il s’agissait de décisions, le CPIP en charge de la mesure gardant toutefois la main en cas

d’incapacité des membres de la CPI à trouver un consensus sur le plan d’exécution et de suivi. La DAP a choisi une position médiane : les avis de la CPI ne seront pas décisionnels, le CPIP pouvant in fine les inclure ou non dans le rapport définitif transmis au JAP.

Enfin, la présence de la personne suivie en CPI a également fait débat : fallait-il ou non le permettre, et, si tel était le cas, l’invitation devait-elle être systématique ou à la discrétion du SPIP ?

Dans une logique visant à associer la personne suivie, le SNEPAP-FSU avait fait le choix de le permettre, via une invitation devant lui être systématiquement transmise. Là encore, l’administration a choisi une position médiane, la présence de la personne accompagnée relevant d’une décision en opportunité appartenant au SPIP.

– Le plan d’exécution et de suivi de la mesure / l’évaluation continue et régulière de la situation

Ces deux phases ayant été abordées lors de la dernière réunion, nous ne prendrons connaissance de leur rédaction finale qu’à la réception de la version définitive du manuel.

Le SNEPAP-FSU a notamment alerté la Direction de projet sur la nécessaire clarification de ce qui relève de la compétence du SPIP et de ce qui relève de celle de partenaires, en matière de prises en charge individuelles et collectives. La rédaction actuelle laisse en effet planer le doute sur les contours d’une éventuelle délégation. Or, pour le SNEPAP-FSU, le SPIP doit rester maître d’oeuvre.

Nous avons également émis les plus grandes réserves s’agissant de la double affectation d’une mesure de contrainte pénale. Si certaines prises en charge peuvent le justifier, nous contestons toutefois le mode d’entrée choisi par le manuel, à savoir la continuité du suivi.

Enfin, le SNEPAP-FSU a sollicité une rédaction plus précise s’agissant des conditions dans lesquelles la CPI serait à nouveau saisie d’une situation qu’elle aurait déjà eu à connaître dans le cadre d’une évaluation initiale ; une saisine systématique et annuelle de la CPI pour toute mesure de contrainte pénale nous paraissant particulièrement lourde.

Nous voilà arrivés au terme d’un processus de discussions de plusieurs semaines, durant lequel certaines positions du SNEPAP-FSU ont été retenues, d’autres non.

Nous nous félicitons que les SPIP ne terminent pas transformés en structures d’insertion de droit commun. Car s’il est légitime que nos services existent en tant que tel, c’est bien parce que les questions du rapport à la règle, du passage à l’acte et des habilités sociales y sont traitées en lien avec une infraction, et en sus de problématiques d’insertion.

Pour le SNEPAP-FSU, les travaux menés vont dans le bon sens : conforter, consolider, enrichir nos pratiques. Si cela ne préjuge en rien de la position que prendra notre organisation lors du vote sur le manuel de mise en oeuvre de la contrainte pénale au CT SPIP de septembre prochain, cela aura eu le mérite de placer les SPIP au coeur des préoccupations d’une administration qui les a si souvent laissés en jachère.

S’agissant dudit manuel, ambition n’est pas révolution : au modèle RBR sont adossées d’autres références théoriques telles que la désistance ou les « Core Correctional Practices ». Son contenu fera écho chez nombre d’entre nous : mettre en oeuvre une relation positive avec les publics suivis, repérer leurs facteurs de risque et de protection, collecter et analyser les informations recueillies, etc…. Même la

Commission Pluridisciplinaire Interne existe déjà ou a existé (dans des formes proches de celle présentée) dans certains services.

La révolution contenue dans le manuel réside dans le fait qu’il prend acte du fait qu’assurer le suivi d’une personne dans un SPIP nécessite une méthode, du temps, des outils. Et que par conséquent, en sus, ce sont bien les moyens qui sont au coeur de nos capacités de faire.

Des désaccords sont et restent présents ; des difficultés sont relevées, notamment en terme de ressources humaines, de formations. Mais les échanges ont eu lieu avec la DAP et, s’agissant des SPIP, l’histoire nous démontre que c’est plutôt chose rare. Echanges avec les professionnels, leurs représentants, qui ont donné lieu à des modifications du manuel, dont la version finale nous sera transmise fin août et sur laquelle le SNEPAP-FSU se positionnera à l’occasion du CT SPIP de septembre

2015. Version finale qui devrait inclure une clause de « révision », car c’est bien la vérité des terrains qui permettra de vérifier la pertinence des choix effectués.

Le SNEPAP-FSU a été et restera force de proposition, dans l’intérêt des professionnels.

Paris, le 6 juillet 2015

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