PROCEDURE PENALE, ACTUALITE LEGISLATIVE : Pas vu (pas) pris !
C’est au journal officiel du 18 août 2015 qu’est parue la loi n°2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne. Le texte transpose en droit français un certain nombre de dispositions arrêtées par des décision-cadres et une directive prises par les Etats membres de l’Union européenne entre 2008 et 2011…mieux vaut tard que jamais ! Malaise : Gouvernement et législateur avaient entrepris de donner une toute autre portée à un projet de pure forme, en introduisant de très nombreuses dispositions intéressant fortement le droit de l’exécution des peines, mais sans aucun rapport avec l’objet de ce texte. Le Conseil Constitutionnel, dans une décision datée du 13 août 2015, a remis de l’ordre dans la maison, pour le meilleur et pour le pire.
Accès au format pdf, cliquez ici :
LES DISPOSITIONS TRANSPOSEES ET VALIDEES
1° La loi « détermine les règles applicables, en vue de garantir la comparution en justice et de promouvoir, le cas échéant, le recours à des mesures alternatives à la détention provisoire pour la personne ne résidant pas dans l’Etat membre de la procédure pénale qui la concerne, à la reconnaissance et au suivi, dans un Etat membre de l’Union européenne, des décisions de placement sous contrôle judiciaire prononcées par une autorité judiciaire française, ainsi qu’à la reconnaissance et à l’exécution en France de décisions équivalentes prononcées par les autorités compétentes d’un autre Etat membre de l’Union européenne ».
2° « Afin de faciliter l’insertion ou la réinsertion sociale d’une personne condamnée, d’améliorer la protection des victimes et de la société et de faciliter l’application de peines de substitution aux peines privatives de liberté et de mesures de probation lorsque l’auteur d’une infraction ne vit pas dans l’Etat de condamnation », la loi « détermine les règles applicables à la reconnaissance et à l’exécution, dans un Etat membre de l’Union européenne, des condamnations pénales définitives ou des décisions adoptées sur le fondement de telles condamnations, prononcées par les juridictions françaises et ordonnant des peines de substitution ou des mesures de probation, ainsi qu’à la reconnaissance et à l’exécution en France de telles condamnations et décisions prononcées par les autorités compétentes d’un autre Etat membre de l’Union européenne ».
En d’autres termes, ce texte consacre l’exécution des peines de probation dans un autre Etat de l’Union européenne que celui qui a prononcé la sentence. Cette possibilité n’est pas nouvelle, mais elle reposait essentiellement sur des conventions bilatérales entre Etats. Il est à espérer que les procédures, souvent très longues, en seront simplifiées. De même, le SPIP devra être mis en mesure de répondre à ses missions en se voyant remettre l’ensemble des éléments et des pièces du dossier, avec le soutien logistique adapté sur le plan linguistique.
C’est le Ministère public qui détiendra la principale compétence pour qu’un citoyen européen condamné en France exécute sa peine sur le territoire d’un autre Etat de l’Union (qu’il y ait ou non sa résidence habituelle ; dans ce dernier cas, l’Etat doit donner son accord). Il peut procéder à cette transmission d’office ou à la demande de l’autorité compétente de l’Etat d’exécution ou de la personne concernée.
3° « Une décision de protection européenne peut être émise par l’autorité compétente d’un Etat membre, appelé Etat d’émission, aux fins d’étendre sur le territoire d’un autre Etat membre, appelé Etat d’exécution, une mesure de protection adoptée dans l’Etat d’émission, imposant à une personne suspectée, poursuivie ou condamnée et pouvant être à l’origine d’un danger encouru par la victime de l’infraction, une ou plusieurs des interdictions » : interdiction de se rendre dans certains lieux dans lesquels la victime se trouve ou qu’elle fréquente, interdiction ou réglementation des contacts avec la victime, interdiction d’approcher la victime à moins d’une certaine distance, ou dans certaines conditions…
LES DISPOSITIONS ECARTEES ET NON APPLICABLES
Le projet de loi envisageait d’abroger l’article 926-1 du Code de Procédure Pénale (CPP) qui confie actuellement les fonctions du SPIP au Président du TGI à St Pierre et Miquelon. En d’autres termes, le CPIP affecté sur place depuis un an est quelque peu hors sol…
Le principe d’une majoration des amendes et des sanctions pécuniaires pour financer l’aide aux victimes est une nouvelle fois retoqué, un an après qu’il ait été écarté par le Conseil Constitutionnel à l’occasion de l’examen de ce qui allait devenir la loi du 15 août 2014.
Le caractère exécutoire de la peine de contrainte pénale, lorsque prononcée en l’absence de la personne condamnée, est écarté.
La possibilité de prononcer un TIG en l’absence de la personne condamnée est écartée.
Le projet prévoyait de supprimer l’impossibilité de prononcer un sursis avec mise à l’épreuve à l’encontre d’une personne ayant déjà fait l’objet de deux condamnations assorties du sursis avec mise à l’épreuve pour des délits identiques ou assimilés et se trouvant en état de récidive légale.
D’un côté, nous pouvons regretter qu’une plus grande capacité d’appréciation du magistrat, dans l’optique de l’individualisation des peines, ne soit dès lors pas rendue possible. Difficile cependant d’être ému par le sort réservé à cette disposition lorsque l’on tente désespérément de donner un sens à la peine de contrainte pénale, tout en étendant à foison la possibilité de prononcer des SME au contenu proche…. SME pourtant censé être moins rigoureux que ladite contrainte pénale… Cohérence, cohérence…
La possibilité de convertir une peine d’emprisonnement de 6 mois en SME ou contrainte pénale, dans le cadre de la procédure dite de 723-15 CPP est retoquée.
Il s’agit d’une demande portée par une organisation de magistrats et certaines personnes de la société civile. Absente dans le projet initial de loi pénale en 2014, introduite dans la version du Sénat, elle avait été écartée par l’Assemblée nationale et la commission mixte paritaire en juillet 2014. Le SNEPAP-FSU est surpris de voir revenir par la fenêtre en 2015 une disposition sortie par la grande porte en 2014 …
A l’époque, nous avions déjà fait part de notre plus grande réserve sur le sujet. Nous comprenons parfaitement (pour la partager et l’avoir abondamment relayée) l’idée sous-jacente qui veut, sur la base d’études poussées, que les courtes peines d’emprisonnement soient non seulement inutiles, mais contre-productives dans une optique de prévention de la récidive. Mais, pour le même motif précédemment évoqué, nous ne pouvons pas faire semblant de promouvoir une véritable peine de probation tout en la ramenant systématiquement à l’état de « sous-peine » en lien avec la peine d’emprisonnement, alpha et oméga du système pénal français. Promouvoir la contrainte pénale est encore une fois incompatible avec l’extension indéfinie du recours au SME, mesure qui est, nous le répétons, présentée (contrairement à ce que le droit positif en dit) comme étant une simple mesure de contrôle a minima…
« L’appréciation des efforts de réinsertion en vue de l’octroi des réductions supplémentaires de peine doit tenir compte de l’impact sur le condamné des conditions matérielles de détention et du taux d’occupation de l’établissement pénitentiaire. » Cette proposition résulte des débats liés à la prorogation du moratoire concernant l’encellulement individuel. Certes, elle aurait été difficile à mettre en œuvre en terme d’équité de jurisprudence sur le territoire. Le fait qu’elle ait été retoquée demeure toutefois regrettable dans la mesure où des personnes détenues justifient régulièrement de leur volonté d’avoir une activité en détention, sans que l’administration n’ait les moyens d’y répondre.
Le projet prévoyait d’étendre le délai d’instruction d’une procédure d’alternative à l’incarcération (procédure de l’article 723-15 CCP), de 4 à 6 mois. Dommage, cette disposition apparaissait comme une petite bouffée d’oxygène pour les services de l’application des peines et les SPIP ; mais un véritable « traitement » de fond résiderait dans l’abondement en moyens humains supplémentaires pour les services concernés.
En cas d’emprisonnement faisant suite au non paiement de jours-amendes, le projet de texte ouvrait la possibilité d’une remise en liberté une fois ces derniers acquittés.
Le projet de texte prévoyait par ailleurs des dispositions visant à l’information de l’employeur ou de l’organisme utilisant les services d’une personne dans les cas où cette personne serait placée en garde à vue, mise en examen (dans le cadre d’infractions spécifiques) ou condamnée, même de manière non définitive.
Le projet de texte organisait, enfin, l’accès direct des SPIP au volet du casier judiciaire B1. Les textes prévoyant déjà la transmission systématique de ce document au SPIP via parquet et JAP, cette disposition aurait permis de gagner un peu de temps en cas de difficulté.
Si des dispositions intéressantes figuraient dans ce projet, d’autres l’étaient beaucoup moins. Après ce qui s’avère tout de même être un drôle de loupé législatif, nous ne pouvons que conseiller à la chancellerie de travailler son approche du dialogue social ; il est toujours surprenant d’échanger sur les problématiques qui nous occupent, pour découvrir le lendemain que des dispositions sont prises sans avoir été ne serait-ce qu’évoquées…
Plutôt que des touches et retouches, alors même que les problématiques étaient connues dans la phase de préparation de la loi du 15 août 2014, il serait de bon ton de prévoir une véritable remise à niveau d’un texte dont nous avions déjà dénoncé certaines incohérences, confirmées dans les faits à l’occasion de sa mise en œuvre.