PROJET DE LOI RELATIF A LA PREVENTION DE LA RECIDIVE ET A L’INDIVIDUALISATION DES PEINES : LE BON GRAIN ET L’IVRAIE

Le 9 octobre dernier, la Garde des Sceaux présentait en Conseil des Ministres le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines. Elle avait été précédée quelques heures plus tôt par le Premier Ministre qui annonçait sa volonté de déployer les moyens humains indispensables à cette réforme. Mille postes supplémentaires, en trois vagues, sont désormais promis aux SPIP à l’horizon 2016. Le SNEPAP-FSU s’était indigné face à l’absence de recrutement pluridisciplinaire, les personnels administratifs et les psychologues ayant été ignorés dans les annonces initiales ; il semble que nos alertes aient été entendues. Le ratio de 40 dossiers par CPIP, fixé par le Premier Ministre, servirait de point d’appui pour les discussions budgétaires des années suivantes.

Dans cette droite ligne, le SNEPAP-FSU a d’ores et déjà fait savoir au rapporteur du budget de l’Administration Pénitentiaire à l’Assemblée Nationale, et nous renouvellerons nos exigences auprès de la Commission des lois du Sénat dans quelques jours, qu’il n’était désormais plus admissible que le seul indicateur concernant l’objectif d’« améliorer la qualité de la prise en charge du condamné en milieu

ouvert », demeure le « Pourcentage de personnes condamnées à un sursis avec mise à l’épreuve ayant respecté l’obligation d’indemniser les victimes ». Pour le SNEPAP-FSU, à l’instar de ce qui existe pour la PJJ, le nombre de dossiers par CPIP, le délai de prise en charge des différentes mesures ou encore le coût comparé des différentes mesures judiciaires par journée pourraient être largement plus significatifs. De fait, ces indicateurs imposeraient à la DAP de dresser un état des lieux sur ces différents aspects pour le milieu ouvert, dont a minima le nombre de mesures suivies et le nombre d’agents affectés.

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Néanmoins, les annonces du Premier Ministre, confirmées par la suite par la Chancellerie, sont incontestablement une victoire à placer au crédit des personnels des SPIP et de leurs trois organisations

professionnelles représentatives. Les multiples signaux d’alarmes tirés localement par des personnels, syndiqués ou non, comme le mouvement spontané des cadres des SPIP né au printemps 2013, ont sans nul doute également permis de faire bouger les lignes. Le récent courrier de la Garde des Sceaux aux personnels des SPIP et l’annonce du rétablissement d’un comité technique spécifique aux SPIP démontrent que nous avons pu nous faire entendre. Si la Chancellerie et le gouvernement sont à l’écoute des SPIP, de nombreux combats restent à mener. Mais la preuve est faite que l’implication de chacun et l’action syndicale efficacement combinées peuvent porter leurs fruits. De même que la mobilisation de nombreux acteurs professionnels et de militants associatifs, aux côtés desquels le SNEPAP-FSU s’est rangé au sein de divers collectifs, a permis d’obtenir, dans la future loi, la concrétisation de certaines promesses de campagne du Président de la République, au premier rang desquelles l’abrogation des peines planchers.

C’est fort de ces certitudes que le SNEPAP-FSU prépare les combats à venir. Le SNEPAP-FSU a ainsi immédiatement dénoncé la volonté du gouvernement de réduire les seuils d’aménagement de peine dans

le cadre de la procédure de l’article 723-15 du CPP. Cette annonce, dictée par les seuls impératifs de la communication politique, est un total contresens au regard de l’esprit du projet de loi qui devait pourtant s’appuyer sur les constats et préconisations établis par la conférence de consensus sur la prévention de la récidive.

Second point préoccupant, l’intention confirmée par le projet de loi présenté en Conseil des Ministres et par l’étude d’impact déposée à l’Assemblée Nationale de faire coexister la nouvelle mesure de contrainte pénale avec les autres mesures probatoires existantes, dont le SME. Cette option conduira indiscutablement à un affaiblissement de la portée de la réforme, voire à son échec. Pour le SNEPAP-FSU, le consensus est pourtant suffisamment large et partagé parmi les praticiens et les experts, sur la nécessité de réformer profondément les mesures de probation françaises dans le sens d’une plus grande simplicité, d’une meilleure lisibilité et surtout d’une individualisation accrue, portée par une évaluation rénovée et des

méthodes de prises en charge repensées. En passant à côté de ce « choc de simplification », expression chère au Président de la République, le projet de loi risque de manquer sa cible.

Enfin, le SNEPAP-FSU dénonce la disparition de la référence au caractère régalien des missions du SPIP dans la version du projet de loi présenté le 9 octobre et déposé pour examen à l’Assemblée Nationale. Comme nous le craignions, la rédaction floue de l’article concerné qui visait « une mission d’insertion et probation », qui ne précisait rien des fonctions exactes qui étaient concernées, n’a pas franchi le cap du Conseil d’Etat. Bien plus, la rédaction de l’article, qui laissait entendre que la mission d’insertion serait du seul apanage du

service public, n’avait bien évidemment aucun sens. C’est pourtant sur ce seul volet que le Conseil d’Etat a proposé une reformulation du texte qui, si elle a le mérite de poser clairement le principe de l’intervention du droit commun en matière d’insertion et d’action sociale, ne répond pas à l’enjeu central du caractère régalien de l’exécution des peines en milieu ouvert.

Sur tous ces points, et sur bien d’autres encore, dont certains seront abordés dans le cadre des groupes de travail annoncés par le Ministère (relations SPIP / autorités judiciaires, évaluation et méthodes de prise en charge, déontologie…), le SNEPAP-FSU aura besoin de l’appui des personnels.

Nous regrettons le report de l’examen du projet de loi par le Parlement au printemps 2014 ; les discussions comme l’intérêt des justiciables auraient pu s’inscrire dans la dynamique née des travaux de la conférence de consensus et des débats autour de la présentation du projet.

Le SNEPAP-FSU n’abandonnera pas ses objectifs, lesquels sont à nos yeux indispensables pour donner toute son envergure à cette réforme. Localement, nationalement, nous appelons nos militants à solliciter les parlementaires et à rencontrer tous ceux qui nous répondront favorablement. Encore et toujours, les personnels des SPIP doivent se faire entendre.

Paris, le 5 novembre 2013

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