PSAP / SEFIP… PSCHIITT !
Issues de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, les circulaires du 3 et du 10 décembre 2010 mettent en place le dispositif de Surveillance Electronique de Fin de Peine (SEFIP) et la Procédure Simplifiée d’Aménagement de Peine (PSAP).
Ces deux procédures se voulaient novatrices, l’une instituant une exécution de fin de peine sous un
modèle différent de celui de l’incarcération, l’autre favorisant les aménagements de peine dont le processus
s’avérait jusqu’ici trop lent. La loi pénitentiaire, aussi timorée soit-elle, avait donc le mérite de poser quelques
principes nouveaux en matière d’exécution de peine…
Mais des principes à la pratique, les circulaires sont passées par là…
Un peu plus de trois mois après la publication au pas de charge des textes d’application relatifs à la PSAP et à la
SEFIP, les débuts sont pour le moins difficiles…
Tout d’abord, rappelons accessoirement (!) que pour appliquer ces dispositifs, les parlementaires ont préconisé
dans l’étude d’impact de la loi pénitentiaire, le recrutement de 1000 conseillers pénitentiaires d’insertion et de
probation ! Excusez du peu… A ce jour, notre ministère a, quant à lui, fait le choix de recruter quelques
contractuels qui seront remerciés dès que le vent médiatique en provenance de Loire Atlantique se sera
complètement calmé… Drôle d’ambition…
Pendant ce temps sur le terrain, les SPIP s’investissent progressivement dans ces mesures,
et déjà des constats identiques en remontent…
En ce qui concerne la PSAP, la lourdeur de la procédure, que le SNEPAP-FSU a dénoncée au moment de la
rédaction des décrets, est un premier frein sérieux à sa mise en oeuvre. Dans les maisons d’arrêt notamment, en
raison des courtes peines d’incarcération, les personnels peinent à conjuguer la complexité de la procédure au
suivi d’une population en inflation depuis le début de l’année. Au passage, les protocoles locaux entre les SPIP et
les services de l’application des peines fleurissent d’instructions renforçant les prérogatives des JAP sur les SPIP,
et la bataille locale est bien souvent âpre entre les DSPIP et les JAP pour que chacun conserve ses attributions.
Enfin, la réduction drastique des budgets d’intervention dans les services, jusqu’à 40 % dans certains cas, ne leur
permet pas de conserver les partenariats pourtant indispensables à l’individualisation des aménagements de
peine. Combien de conventions locales ont du être supprimées faute de crédits suffisants ? C’est autant de
dispositifs de placements extérieurs, de places d’hébergements qui ne sont plus à ce jour disponibles.
Concernant la SEFIP, plusieurs constats :
Multiplication des critères d’exclusion. Il ne fallait pas être grand clerc pour se douter que les résultats
dépendraient de l’attitude des Parquets, dont la propension à accepter des sorties en aménagement de peine
était déjà souvent plutôt relative : le pourcentage de condamnés finalement placés en SEFIP est infime en
comparaison du nombre de personnes éligibles. Chacun y va donc de son critère d’exclusion supplémentaire, avec
une palme spéciale pour la DISP de Strasbourg où certains Parquets ont même décidé en toute illégalité d’exclure
de la SEFIP les peines inférieures à 6 mois ou encore les condamnations pour ILS, pendant que d’autres
demandent aux CPIP de faire des enquêtes à domicile pour toutes les SEFIP… La DISP de Bordeaux s’est quant à
elle, vue obligée de repréciser dans une note que « toute instruction du Parquet qui viserait à exclure
automatiquement une catégorie d’infraction ou de condamnés ne devra pas être prise en compte car hors du cadre légal ». Certains sites bénéficient toutefois d’un Ministère Public plus ouvert comme Le Mans où le service
dépasse à lui seul l’ensemble de la DISP en terme de nombre de SEFIP octroyées. Rappelons que le décret relatif
à la SEFIP avait renversé le principe de ce dispositif en demandant au SPIP d’instruire tous les dossiers
d’éligibles avant de les transmettre au Parquet faisant porter sur le SPIP une charge de travail qui n’était pas
prévue. Au Mans, le Parquet est revenu sur le principe initial en demandant au SPIP d’instruire toutes les
demandes après un filtrage des éligibles… Et oui il est aussi possible d’être logique… Malheureusement, les
services concernés, sous dotés en personnels, croulent littéralement sous la charge de travail… Pas surprenant !
Des horaires inadaptés. Pour les quelques bénéficiaires d’une SEFIP, le parcours du combattant ne fait que
commencer. Alors que l’on pourrait à juste titre envisager que ce temps de fin de peine soit réservé à la recherche
d’un emploi ou d’une formation, à la mise à jour de la situation administrative, à l’accès aux droits sociaux, aux
soins, etc., les textes d’application ont prévus des horaires de sortie du domicile qui sont souvent bien trop
réduits pour cela. Avec 2 à 4 heures de sortie par jour en moyenne, parfois de manière découpée, les démarches
sont difficiles à mener.
Une situation précaire à l’extérieur. Comble du comble, lorsqu’une personne a trouvé un emploi, et alors que
la circulaire permet au DSPIP de modifier les horaires de la SEFIP, l’on constate que bien souvent les Parquets
exercent leur droit à opposition de ces modifications. Un passage en PSAP ou en Débat Contradictoire devient
nécessaire pour accéder à l’emploi… Dans un délai trop long pour nombre d’employeurs… Enfin, aucune
possibilité à ce jour pour les personnes en SEFIP de toucher le Revenu de Solidarité Active et donc d’avoir un
minimum de ressources. Pour eux, l’équation devient donc particulièrement complexe : d’une part, un accès à
l’emploi qui s’avère difficile, d’autre part, aucune possibilité de bénéficier de ressources destinées aux personnes
sans emploi…
En raison de ces freins, le nombre de personnes placées en SEFIP est très minime à ce jour pour une charge de
travail énorme ! De plus, il s’avère que nos craintes relatives à l’intransigeance du Parquet en matière de
modalités d’exécution de peine étaient réellement fondées…
Pour le SNEPAP-FSU, la précipitation dans laquelle la mesure a été mise en place est regrettable
car elle n’a permis aucune réflexion réelle sur l’organisation du temps passé en SEFIP
qui, si elle reste certes une modalité d’exécution des peines et non un aménagement de peine,
doit toutefois tendre vers une réduction des facteurs de récidive.
Pour le SNEPAP-FSU, il faut aussi poser un autre constat dans ce premier bilan des circulaires d’application de la
loi pénitentiaire en matière d’aménagement de peine : D’un côté, nous avons des mesures pour lesquelles le
ministère n’a affecté dans les services aucun moyen supplémentaire malgré les préconisations des
parlementaires. De l’autre, ce même gouvernement a décidé la mise à exécution de la totalité des
condamnations en attente dans les tribunaux, pensant pouvoir gérer opportunément les flux carcéraux par ces
nouvelles dispositions. Coincés entre ces deux considérations : les SPIP, mis en difficulté auprès des autres
services. Ici, un DSPIP recevant une demande d’explication de la part d’un Procureur qui s’interroge sur le faible
nombre de propositions émises par le SPIP ; Là, des détentions accusant les CPIP d’être responsables de la
surpopulation carcérale.
CE N’EST PLUS POSSIBLE !
Le SNEPAP-FSU a toujours soutenu le développement de tels dispositifs car tous les professionnels des SPIP
reconnaissent que pour prévenir la récidive, il est bien plus utile d’exécuter sa fin de peine dehors que dedans…
Mais pour le SNEPAP-FSU, la mise en place de ces procédures ne doit cependant s’envisager qu’en parallèle
d’une politique pénale ambitieuse ayant notamment pour volonté de mettre fin aux courtes peines
d’emprisonnement. Car l’équation du gouvernement « incarcérer plus pour aménager plus », avec moins de
moyens est un non-sens profond. Il faut mettre un terme à ce véritable « tonneau des Danaïdes » des politiques pénales. Les dispositifs comme la SEFIP et la PSAP doivent s’entendre comme un véritable moyen de prévenir la
récidive et non comme un unique mode de gestion des flux.
Le SNEPAP-FSU exige du Ministère :
En priorité, un plan de recrutement massif de personnels titulaires pour faire face aux dispositions de la loi pénitentiaire comme l’avaient prévu les parlementaires.
La mise en place du comité de suivi ministériel, tel que l’avait prévu l’ancien Garde des Sceaux, relatif à
l’application de la loi pénitentiaire en matière d’aménagement de peine afin de procéder à un premier bilan
officiel de ces dispositifs.
Des directives données aux Parquet par le Ministère afin d’ « assouplir » leur positionnement face à une
procédure de SEFIP déjà très chronophage pour les SPIP.
L’attribution de budgets d’intervention supplémentaires pour donner aux services la possibilité de proposer
des solutions d’aménagement de peine répondant aux besoins des personnes.
Afin de permettre une véritable individualisation de la fin de peine correspondant au plus près aux
problématiques des PPSMJ, et parce que le bracelet électronique n’est pas adapté à tous les profils, la
possibilité d’exécuter automatiquement sa fin de peine sous d’autres modalités que celles du bracelet
électronique (ex : PE, SL…).
Paris, le 4 mai 2011