Région syndicale Toulouse : lettre ouverte au DISP
A
M. VIN
Directeur interrégional TOULOUSE
Monsieur le Directeur,
Dans le contexte délétère de la tragique affaire de PORNIC, nous dénonçons la situation
intenable dans laquelle se trouvent les Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP)
de la Direction Interrégionale des Services Pénitentiaires (DISP) de TOULOUSE.
Une situation
telle qu’elle en devient susceptible de générer un drame similaire au sein même du ressort
territorial dont vous avez la responsabilité.
Sans conteste possible, soucieux des missions qui nous sont confiées, nous ne pouvons que
constater et déplorer l’accroissement constant des charges de travail associés par endroits à des
réductions d’effectif, tous personnels confondus. Nous tenons à votre disposition les données
chiffrées permettant de mettre clairement en lumière l’ampleur des dégâts. A titre d’exemple,
sachez que les SPIP de Haute Garonne, de l’Aude, du Tarn et Garonne et du Lot croulent sous
les dossiers avec des moyennes constatées de 130 dossiers par Conseillers Pénitentiaires
d’insertion et de Probation (CPIP). A certains endroits, les dossiers en surplus sont pris en charge
par les cadres…Ce à quoi, il faut ajouter les récentes et inquiétantes réductions budgétaires des
SPIP de la région.
A ce manque chronique d’effectifs viennent s’empiler les nouvelles mesures et dispositions de la
Loi Pénitentiaire, ainsi que d’autres décisions prises à la hâte et mues par la volonté populiste
d’un honteux dédouanement. Vous avez reçu ordre et consigne de l’attribution nominative des
dossiers et en veillerez à la stricte application. L’analyse objective de la situation actuelle implique
que vous diligentiez sans tarder une étude d’impact sur l’application de ces directives prises par
un gotha politique très éloigné des réalités concrètes du terrain. Nous vous demandons également
de procéder aux études nécessaires s’agissant de l’accroissement de travail lié aux mesures
inédites, telles la surveillance électronique en fin de peine (SEFIP), la procédure simplifiée
d’aménagement de peine (PSAP) et l’assignation à résidence sous surveillance électronique
(ARSE).
De la même manière, il y a urgence à établir de véritables organigrammes dans lesquels seraient
clairement identifiés les postes nécessaires au fonctionnement normal d’un service public,
seulement connu de l’opinion à travers la couverture médiatique de crimes horribles. Le temps
est venu de prendre en compte l’action professionnelle des SPIP dans leur globalité, reconnaître
la spécificité du métier, souligner l’importance capitale de nos missions et en dénoncer l’inanité
des moyens alloués.
Nous n’acceptons pas que nos collègues de Nantes soient livrés en pâture à la vindicte populaire,
alors que les véritables responsables, sauvageons du service public, nettoient au kärcher les
valeurs républicaines qui cimentent notre bien vivre ensemble. Le droit à la présomption
d’innocence constamment bafoué illustre parfaitement la dérive démagogique d’une société en
perte de repère où l’on condamne avant de juger. Nous connaissons tous, y compris au sommet
de l’Etat, la situation déplorable des conditions de travail du monde judiciaire. Ignorer l’évidence
revient à transférer l’aveuglement des uns sur la pseudo responsabilité des autres. Dans cette
période trouble, l’hystérie collective cherche à couper les têtes, celles de boucs émissaires
coupables d’exercer modestement leur fonction en vertu de moyens dérisoires. L’affectation
nominative des dossiers ne changera rien à l’affaire. Elle prend surtout le contre-pied de
directives récentes prônant la prise en charge pluridisciplinaire et segmentée des personnes
placées sous main de Justice. Il s’agit donc là d’un énième retournement de veste, d’une mesquine
gesticulation sans autre objectif qu’ouvrir le parapluie et satisfaire la curée populaire.
La prévention de la récidive, mission noble par excellence, nécessite que le risque de passage à
l’acte soit reconnu et assumé par l’Etat. Aux antipodes d’une science exacte, rigoureuse et
mathématique, elle implique une prise en charge totale alimentée par le déploiement de moyens
humains et financiers en adéquation avec l’objectif recherché. La survenance inévitable des
drames frappant à intervalles réguliers la société ne doit pas satisfaire cet insupportable relent
cathartique consistant à traquer et sanctionner d’éventuels coupables. Car, si coupable il y a, c’est
l’Etat, incapable au regard de la petitesse des moyens déployés de protéger au mieux ses
concitoyens. La fatalité existe. Sauf à inscrire dans le cursus de formation un module sciences
occultes option don de voyance, un suivi même rigoureux n’empêche pas le passage à l’acte.
A contrario, l’avènement d’outils spécifiques liés à l’appréciation de la dangerosité criminologique
constitue une approche intéressante visant à contenir ce qui ne peut être éradiqué. Reste que la
prise en charge globale d’un individu à travers diverses disciplines telles que le droit, la
psychologie ou la sociologie ne se décrète pas d’un coup de baguette magique. En filigrane, un
suivi criminologique implique l’existence d’une réflexion théorique et d’une méthodologie solide.
Or, à ce jour, la formation des personnels en la matière demeure inexistante.
Pour conclure, nous nous associons au deuil des proches de la victime. Nous réitérons notre
soutien sans faille aux collègues injustement mis en cause. Nous dénonçons ce lynchage politique
orchestré par des dirigeants soucieux de leur popularité au détriment de leur propre
responsabilité. Nous dénonçons l’utilisation électoraliste d’un événement dramatique sur le dos
d’une profession en souffrance. Nous vous demandons de considérer cette lettre ouverte comme
la manifestation d’un écoeurement général face aux donneurs de leçon qui ne comprennent
strictement rien à la notion de prévention de la récidive. Nous vous demandons d’engager une
politique de recrutement lucide destinée à couvrir le manque cruel de personnels. Nous vous
demandons de mettre en place une stratégie cohérente de formation. Nous vous informons
également de l’imminence d’un mouvement de protestation solidement soutenu par notre
organisation syndicale.
Veuillez recevoir, Monsieur le Directeur, nos salutations respectueuses.
Le bureau régional
Le 04/02/2011
Contacts :
Gilles ROUGON, secrétaire régional, CPIP, antenne de Narbonne (11)
Marc HORTALA, secrétaire régional adjoint, CPIP, antenne de Muret (31)
Nathalie RAMBERT, secrétaire régionale adjointe, DPIP, antenne de Muret (31)
Adeline CAUTRES, trésorière régionale, CPIP, antenne de Toulouse (31)
Pierrick LENEVEU, trésorier régional adjoint, DPIP, SPIP Aveyron et Lot.