Communiqué du Collectif Liberté Egalité Justice (CLEJ) Proposition de loi anti-bandes : jusqu’où nous conduira la démagogie sécuritaire ?

Le 5 mai 2009, M. Christian Estrosi, député-maire UMP de Nice, a déposé une

proposition de loi visant notamment à « renforcer la lutte contre les violences

de groupes ». Ce texte a été adopté en commission des lois le 10 juin. Il est

examiné au Parlement depuis le 23 juin.

Il prévoit en particulier de punir de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000

euros d’amende « le fait de participer, en connaissance de cause, à

un groupement, même formé de façon temporaire, qui poursuit le

but, caractérisé par un ou plusieurs faits matériels, de commettre

des violences volontaires contre les personnes ou des

destructions de biens » .

La création d’un tel délit, résurgence aggravée de la tristement fameuse « loi

anti-casseurs », est à la fois totalement inutile pour lutter contre la

délinquance et très dangereuse pour les libertés publiques.

Inutile parce que le Code pénal permet déjà de punir très sévèrement les

auteurs d’infractions en groupe.

Circonstances aggravantes de réunion et de bande organisée, coaction,

complicité, délits d’association de malfaiteurs, d’attroupement armé et

d’attroupement non-armé constituent un arsenal répressif déjà considérable

contre les personnes qui, collectivement, commettent ou commencent à

commettre des violences ou des dégradations et même celles qui préparent la

commission de tels faits.

Dangereuse parce qu’au-delà de l’affichage politique, la définition retenue

est extrêmement floue et porte en germe un arbitraire policier et judiciaire

qui n’est pas acceptable en démocratie.

En effet, compte tenu de la pression statistique sans précédent qui s’exerce

sur les forces de l’ordre, un tel « délit préventif », qui repose sur une

suspicion d’intention (le « but poursuivi », en l’absence de toute violence ou

dégradation effective), ne manquera pas d’engendrer des gardes à vue

abusives (arrestation, menottage, fouilles, fichage…), dont tout laisse à

penser que les « populations cibles » seront les habitants des quartiers

populaires, notamment les jeunes, et les militants, déjà souvent présumés

suspects…

Compte tenu de l’imprécision de l’incrimination, il est même à craindre que les

tribunaux prononcent des condamnations sur la base de ces procédures

aléatoires, notamment dans le cadre des audiences expéditives de

comparutions immédiates…

Se promener à plusieurs dans une cité en marquant une certaine méfiance au

passage de la police, occuper un appartement vide pour revendiquer une

politique du logement digne de ce nom, protester contre une expulsion sans

relogement, participer à une manifestation dans un climat tendu, organiser un

happening, investir un bâtiment d’université pour dénoncer telle ou telle

« réforme »…, autant de comportements étrangers à la délinquance qui

risquent cependant d’alimenter la politique du chiffre sévissant au ministère

de l’Intérieur.

En réalité, sous couvert de lutter contre les bandes, dont l’existence n’est pas

nouvelle et qui sont déjà réprimées, y compris lorsque, comme récemment,

de graves violences sont commises, ce texte contribuera à pénaliser à la fois

les plus démunis et ceux, militants et citoyens, qui veulent agir ensemble pour

faire reconnaître leurs droits.

Il est vrai que M. Estrosi est un fervent pratiquant de l’idéologie sécuritaire.

On se souvient notamment qu’il avait déposé en 1991, suite à une affaire

criminelle médiatisée, une proposition de loi tendant à rétablir la peine de

mort pour certains crimes…

Les organisations membres et partenaires du Collectif Liberté

Egalité Justice (CLEJ) dénoncent la surenchère démagogique que

représente ce nouveau texte et en demandent le retrait pur et

simple.



Alors que le Code pénal a été modifié 116 fois entre le 1er janvier

2002 et le 18 juillet 2008, elles rappellent par ailleurs qu’il est

urgent de mettre fin à l’inflation législative, particulièrement

nocive en matière pénale.

Un fait divers = une loi, ça suffit !

Le 29 juin 2009.

Organisations signataires :

"-" associations :

Association Française des Juristes Démocrates (AFJD)

Association Française des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille (AFMJF)

Droit Au Logement (DAL)

Fédération des Conseils de Parents d’Elèves des écoles publiques (FCPE)

Groupement Etudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées

(GENEPI, membre observateur)

Ligue des Droits de l’Homme (LDH)

Privacy France (Big Brother Awards)

"-" autres collectifs :

Appel des appels (AdA)

Collectif « Nous refusons la politique de la peur »

"-" mouvements et partis politiques :

Les Alternatifs

Fédération pour une alternative sociale et écologique

Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA)

Parti Communiste Français (PCF)

Parti de Gauche (PG)

Parti Socialiste (PS)

Les Verts.

"-" syndicats :

Confédération Générale du Travail – Protection Judiciaire de la Jeunesse (CGTPJJ)

Confédération Générale du Travail – Pénitentiaire (CGT-Pénitentiaire, UGSP)

Fédération Syndicale Unitaire (FSU)

Solidaires Unitaires Démocratiques – Santé/Sociaux (SUD-Santé/Sociaux)

Syndicat des Avocats de France (SAF)

Syndicat de la Magistrature (SM)

Syndicat de la Médecine Générale (SMG)

Syndicat National de l’Ensemble des Personnels de l’Administration

Pénitentiaire (SNEPAP/FSU)

Syndicat National des Enseignants du Second degré (SNES/FSU)

Syndicat National de l’Enseignement Supérieur (SNESUP/FSU)

Syndicat National des Personnels de l’Education et du Social – Protection

Judiciaire de la Jeunesse (SNPES-PJJ/FSU)

Syndicat National Unitaire des Collectivités Locales, de l’Intérieur et des

Affaires Sociales (SNU-CLIAS/FSU)

Union Nationale des Etudiants de France (UNEF)

Union Syndicale de la Psychiatrie (USP)

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