Lettre ouverte à la Ministre de la Justice

Objet : annonce relative à la création de 2500 postes pour les services judiciaires et l’administration pénitentiaire, faite par Monsieur le Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès, le lundi 16 novembre.

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A la suite des attentats du 13 novembre dernier, un nouveau plan de lutte contre le terrorisme était présenté, après celui lancé en janvier 2015. La création de 2500 postes pour les services judiciaires et l’administration pénitentiaire était annoncée, sans qu’aucune précision n’ait accompagné le questionnement légitime quant à leur ventilation au sein des différentes directions et, à l’intérieur de ces directions, au sein des services concernés.

La perspective de ressources supplémentaires pour le Ministère de la Justice suscite l’approbation du SNEPAP-FSU. Comment pourrait-il en être autrement ? Néanmoins, nous regrettons une fois de plus qu’un tel déploiement de moyens intervienne en lien direct avec une actualité tragique. Que de temps perdu.

Le dernier plan de lutte contre le terrorisme, décliné il y a quelques mois à peine a, notamment, superbement ignoré les Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP) quant aux moyens ; y déployant des « binômes anti-radicalisation » sous contrat, sans expérience particulière, dont on se demande toujours quelles seront les missions, et y prélevant des Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (CPIP) sous statut pour nourrir la chaîne de renseignement pénitentiaire.

L’ensemble constitue bel et bien une opération d’amaigrissement des SPIP, avec moins d’agents affectés au suivi des personnes condamnées. Agents qui évoluent dans un contexte supplémentaire d’urgence à dépenser des crédits affectés à l’organisation de programmes collectifs, dont certains présentent un sens vis-à-vis des missions du SPIP quand d’autres relèvent de bricolages les plus sommaires.

Des décisions ont été prises sans aucune concertation. Tout cela génère des situations absurdes, fait naître des crispations, nourrit la confusion chez les personnels et le public accompagné. L’effet se révèle donc particulièrement contre-productif.

Ce sont pourtant bien les crédits généraux d’intervention et de fonctionnement des SPIP qui devraient être soutenus et inscrits dans le marbre, en remplacement de plans ciblés aux mises en œuvre aléatoires sur le contenu et la durée.

Votre gouvernement s’est engagé à créer 1000 emplois pour les SPIP en trois ans, dont 650 emplois de CPIP. Bien qu’un décalage ait été constaté, les engagements sont globalement tenus. Nous avons salué, à de multiple reprises, cet effort sans précédent. Mais nous n’avons jamais cessé de rappeler qu’envisagé pour accompagner la loi du 15 août 2014, il ne répondait déjà pas aux missions confiées par les textes antérieurs à votre réforme pénale. Cet effort ne répondait pas même aux préconisations formulées par l’étude d’impact de la loi du 24 novembre 2009, dite loi pénitentiaire.

L’objectif de lutte contre le terrorisme sur lequel est aujourd’hui appuyé la création de postes correspond en réalité à l’objectif de prévention de la récidive qui nous est confié par les textes. Le processus de sortie de délinquance est un phénomène éminemment complexe. Aucune politique de lutte contre la récidive, terrorisme inclus, n’obtiendra de résultat probant sans que les problématiques ne soient abordées et traitées au fond. Aussi, il conviendra de ne pas se tromper, une fois de plus, dans la répartition des moyens dégagés.

Dans l’attente, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de nos sentiments distingués.

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