Contribution du SNEPAP-FSU à la conférence de consensus

Le 5 mars 2011, l’Humanité faisait paraître une tribune du SNEPAP-FSU qui s’achevait ainsi : « De tous côtés, des flux
imposants se déversent sur les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). C’est pourquoi ils ont parfois
sacrifié l’exécution de certaines peines, faute d’effectifs suffisants, pour préserver leur capacité à agir pour la prévention de
la récidive.

Ces flux, que l’agitation politico-médiatique occulte au profit de faits divers aussi sordides que rares, sont
pourtant un enjeu central de la justice pénale. A contrario des déclarations populistes et martiales sur la “lutte” contre la
récidive qui passerait par l’augmentation du parc pénitentiaire à 70000 places afin d’enfermer toujours plus sans assurer
plus de suivi, seule la maîtrise du nombre de condamnations permettra de consacrer l’attention nécessaire à chaque
condamné. Cela suppose un recours moins fréquent à la réponse pénale et le développement d’alternatives (médiation,
restauration). C’est à cette condition que l’Etat se dotera d’une politique de prévention de la récidive efficace. Le SNEPAPFSU
militera pour qu’un large débat national réunisse professionnels et citoyens autour de ces enjeux. »

PDF - 270.2 ko
cliquez pour télécharger en PDF

Avec l’installation du Comité d’Organisation de la Conférence de Consensus autour de la question : « Quelles réponses
pénales efficaces pour mieux prévenir la récidive ?
», par la Garde des Sceaux, le 18 septembre dernier, le SNEPAP-FSU
ne peut qu’espérer que la pierre inaugurale de ce vaste débat soit enfin posée. Loin de l’agitation législative des
dernières années, la Ministre a donc souhaité une large consultation sur “ce qui marche” en matière de prévention de la
récidive avant de légiférer. Le SNEPAP-FSU se réjouit des travaux qui s’engagent et de l’ambition affichée de mener une
véritable réflexion de fond avant d’engager une réforme structurelle du système pénal et pénitentiaire français.

 « Prévenir efficacement la récidive » : s’entendre sur les mots.

Avant toute chose, le SNEPAP-FSU tient à rappeler qu’une réflexion sur l’efficacité en matière de prévention de la
récidive, sur l’utilité sociale de la peine, ne peut s’affranchir des principes de valeur constitutionnelle qui encadrent le
recours à la sanction pénale. Ainsi, « le SNEPAP-FSU revendique l’application des principes suivants pour les décisions de
justice : principe de la légalité (« nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit,
et légalement appliquée » Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789), principe de proportionnalité (la peine
doit être proportionnée à la gravité des délits), principe d’individualisation des peines »1. Pourtant l’ensemble de ces
principes ont été durement malmenés ces dernières années au nom précisément de la lutte contre la récidive. En
conséquence, si la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a bien assigné à la peine privative de liberté la fonction de
prévenir la récidive, cet objectif ne saurait ni constituer une caution à une volonté de neutralisation voire d’élimination
des auteurs d’infractions ni prétendre à l’éradication de la récidive. A notre sens, s’engager sur la voie d’une véritable
politique de prévention suppose de développer une politique globale de réduction des risques, convenablement
évalués, pour interrompre une éventuelle dynamique de réitération d’infractions. Mais, en la matière, l’Administration
Pénitentiaire (AP) ne peut intervenir seule : accès à l’emploi, formation professionnelle, soins somatiques,
psychologiques et psychiatriques, traitement des addictions, enseignement, action sociale, etc. Autant de champs où
l’AP a besoin de l’intervention de l’ensemble des services publics nationaux et territoriaux et de relais associatif. L’AP
doit donc s’assurer de cette intervention des services compétents sur les différents champs auprès des publics qui lui
sont confiés pour garantir l’effectivité de leurs droits.

Ainsi, la volonté de développer des réponses pénales pour prévenir efficacement la récidive doit conduire à inscrire
l’intervention du système pénal et pénitentiaire dans une logique, voire une stratégie, de résolution de problèmes. Or,
tout particulièrement lorsqu’une personne s’est installée dans un mode de vie délinquant, influer durablement sur une
trajectoire individuelle demande du temps. Il faut donc tendre vers une réforme pénale qui accorde ce temps aux
professionnels et aux personnes placées sous main de Justice (PPSMJ), ce qui suppose différentes évolutions : réduire le
nombre de condamnations et adapter les ressources humaines et budgétaires ; créer ou développer une peine dont la
vocation est d’intervenir sur les facteurs de récidive ; rénover les méthodes d’évaluation et d’intervention en les
adossant à la recherche.

 Une révision du système pénal : maîtriser les flux

En l’état actuel de l’activité judiciaire en matière pénale et de la capacité d’exécution des services pénitentiaires, une
évidence saute aux yeux : les tribunaux ne peuvent se saisir de l’ensemble des faits signalés par le services de police, les
services et établissements pénitentiaires ne sont pas en capacité de prendre dans des délais satisfaisants et/ou des
conditions optimales l’ensemble des décisions judiciaires. Ainsi, la surpopulation pénale, et non seulement carcérale,
produit des effets connus qui mettent en péril la crédibilité de la réponse pénale : stock de peines en attente
d’exécution, conditions de détentions indignes et souffrance au travail pour les professionnels, gestion de flux mal
maîtrisée qui peut conduire à la non exécution de certaines peines jugées non prioritaires. Cet engorgement du système
pénitentiaire ne pourra se résoudre qu’avec le déploiement conséquent de moyens humains et budgétaires. Pour
autant, pour le SNEPAP-FSU, il ne s’agît pas de se lancer dans une « course à l’armement » sans fin qu’il s’agisse de places
de prison ou de personnels chargés de l’exécution des peines. A notre sens, il faut ainsi impérativement mener une
réflexion rigoureuse sur ce qui relève du « judiciaire » et a fortiori du « pénal » afin d’engager un véritable mouvement de
déflation. Pour cela, il semble incontournable d’envisager la déqualification voire la dépénalisation de certains faits :
infractions à la législation sur les stupéfiants notamment l’usage, délit d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers (Article
L622-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), mais aussi certaines infractions à
caractère plus « symboliques » : refus de prélèvement génétique (art. 706-56 du code de procédure pénale), occupation
en réunion des espaces communs ou les toits des immeubles collectifs d’habitation (art. L126-3 du Code de la
construction et de l’habitation), etc. Bien plus, le traitement judiciaire d’un certain nombre d’infractions de faible
gravité devrait donner lieu à un recours accru à des réponses alternatives aux poursuites (réparation et médiation
notamment).

C’est dans ces conditions que la sanction pourra être réellement réinvestie d’une fonction sociale, d’un sens. En effet,
quelle crédibilité a la Justice, quel effet a-t-elle sur la récidive lorsque les peines ne sont pas exécutées faute de moyens
suffisants, lorsqu’une mesure de sursis avec mise à l’épreuve n’est prononcée que « par défaut » pour éviter une
incarcération et sans certitude sur son suivi effectif ? Pourtant, bien plus que sa sévérité, c’est bien l’exécution effective
de la sanction, dans un délai raisonnable et avec une prise en charge efficience, qui permet d’avoir un impact sur la
récidive.

 Une peine adaptée qui permette d’intervenir sur les facteurs de réitération.

A partir de plusieurs études réalisées au sujet de la récidive, les chercheurs P. Smith, C. Goggin et P. Gendreau2 ont
établi : « Les politiques de justice pénales fondées sur la croyance selon laquelle une « ligne dure » permet de réduire la
récidive ne sont pas appuyées par des données empiriques
. » Cette recherche documentaire a produit 111 études qui
examinaient le lien entre les sanctions pénales et le taux de récidive. D’après les conclusions générales, les sanctions
pénales plus rigoureuses n’ont pas d’effet dissuasif sur la récidive. Contrairement aux sanctions communautaires,
l’incarcération est même liée à une augmentation de la récidive. Une analyse plus fines des études sur les peines
d’emprisonnement a permis de constater que les peines longues avaient donné lieu à une augmentation du taux de
récidive. Les peines courtes, soit celles de moins de six mois, n’ont eu aucun effet sur le taux de récidive, ni en positif, ni
en négatif, mais les peines de plus de deux ans ont entraîné une augmentation moyenne de 7% du taux de récidive. En
matière pénale, contrairement aux idées véhiculées par un apparent bon sens, la « sévérité » n’est pas un gage
d’efficacité.

Ainsi, lorsque le recours à la justice pénale s’avère nécessaire, “le SNEPAP-FSU pose comme principe que l’incarcération
ne doit pas être la sanction de référence, mais l’ultime recours. Il se prononce pour le développement des peines exécutées
en Milieu Ouvert (MO). Il demande la révision de l’échelle des peines. Il revendique qu’une réflexion soit menée afin que la
peine d’emprisonnement soit exclue pour un certain nombre d’infractions. Lorsque l’emprisonnement est prononcé,
l’aménagement de la peine doit être le principe et obligatoirement examiné.”3
La question de la durée de la mesure pénale et du contexte d’intervention des services chargés de l’exécution des
peines est ici déterminante. En effet, l’incarcération notamment pour des peines courtes, provoque une forte
stigmatisation et des ruptures en matière d’insertion sociale, familiale, professionnelle, etc. avec peu de moyens
d’action pour le service public pénitentiaire et ses partenaires. Même le recours aux aménagements de peine, y compris
ab initio, ne résout pas pleinement la question car ils imposent, particulièrement dans un contexte de pénurie de
personnels et de surcharges de travail, des interventions souvent trop ponctuelles. Il n’est ainsi pas rare qu’une fois
l’enquête initiale réalisée (art. 723-15 du CPP), les peines aménagées ne fassent plus l’objet d’un suivi réel par le SPIP,
tout particulièrement pour les peines de moins de 6 moins. Tenus par les délais de procédure et la courte durée de la
peine, les personnels des SPIP ne peuvent réellement aborder la question du passage à l’acte et engager des démarches
et actions de nature à prévenir la récidive qu’ils ne pourront pas mener à leur terme. A l’inverse, les peines probatoires
du type sursis ou ajournement avec mise à l’épreuve ou encore suivi socio-judiciaire offrent un double avantage. Le
délai d’épreuve est fixé de manière autonome et n’entraîne donc pas une incarcération d’une durée équivalente en cas
de révocation. Par conséquent, l’intervention du SPIP peut s’inscrire dans la durée, se déployer à partir d’une
évaluation initiale approfondie en ciblant certains facteurs qui ont pu être déterminants dans le passage à
l’acte ou qui seront des éléments protecteurs pour l’avenir.
La dynamique ainsi créée, adossée à la relation entre le
professionnel et la personne condamnée, peut alors s’appuyer sur le cadre du mandat pénal pour provoquer et
accompagner l’évolution positive de la personne. Les obligations et interdictions de la mise à l’épreuve (art. 132-45)
s’inscrivent pour la plupart dans une logique préventive (insertion professionnelle, soins, sensibilisation à la sécurité
routière, stage de citoyenneté…), plus que rétributive. L’enjeu est alors non pas tant de sanctionner un comportement
que d’éviter sa réitération. Ce type de sanction « intelligente » et tournée vers l’avenir est ainsi reconnu pour avoir une
plus grande efficacité sur la récidive que l’emprisonnement. Cependant, les peines de probation pourraient faire l’objet
d’une amélioration majeure si leur contenu, notamment les obligations, était déterminé non pas initialement par la
juridiction de jugement comme c’est le plus souvent le cas mais après une évaluation initiale menée par le SPIP. Ce
travail permettrait alors au juge de l’application des peines de déterminer les obligations en fonction des risques, mais
également des besoins et des capacités de la personne condamnée.
Cette évolution permettrait d’assurer une meilleure individualisation de la peine plus efficace car ciblant les
problématiques de la personne.

 L’évaluation du SPIP au coeur de l’individualisation de la peine.

 La convocation directe devant le SPIP prévue à l’art. 474 du CPP positionne le SPIP en acteur central de l’exécution
des peines de probation (dites « peines de milieu ouvert »). Ainsi, la très grande majorité des prises en charge
engagées par les SPIP en milieu ouvert, l’est sans que la personne condamnée n’ait rencontré le juge de l’application de
peines (JAP). A cet égard, il nous semble incontournable de renforcer ce caractère fonctionnel d’une dimension
institutionnelle jusqu’ici négligée par le législateur. En effet, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 fixe en son art. 3 :
« Les fonctions de direction, de surveillance et de greffe des établissements pénitentiaires sont assurées par
l’administration pénitentiaire. Les autres fonctions peuvent être confiées à des personnes de droit public ou privé
bénéficiant d’une habilitation dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat ». Ainsi, en omettant de ranger les
principales missions du SPIP au rang des fonctions régaliennes non-délégables, la loi pénitentiaire, dans la droite ligne
de celle du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, ouvre la possibilité de déléguer intégralement
l’exécution de peines en milieu ouvert mais aussi dans certains cas le pouvoir d’accorder un aménagement de peine
dévolu au directeur du SPIP au titre des dispositions de l’art. 723-24 du CPP, à des personnes de droit privé habilitées.
Cette possibilité se traduit concrètement par le cinquième alinéa de l’art. 471 du CPP qui dispose notamment : «
Lorsque le jugement est exécutoire et que le condamné est placé sous le régime de la mise à l’épreuve, le tribunal
correctionnel ou le juge de l’application des peines peut désigner, pour veiller au respect des obligations, la personne
physique ou morale qui était chargée de suivre l’intéressé dans le cadre du contrôle judiciaire.
» Si la volonté d’assurer une
continuité du suivi entre une période de contrôle judiciaire et une phase d’exécution de peine en milieu ouvert peut
paraître louable, il n’empêche que cette disposition issue de la loi du 4 avril 2006 et étendue par celle du 9 juillet 2010,
est en parfaite contradiction avec les dispositions de l’art. 474 qui tendent à faire du SPIP, l’acteur central des prises en
charge en milieu ouvert des peines et mesures pénales.

Le SNEPAP-FSU est par principe opposé à toute forme de délégation dans ce domaine. En effet, au delà de la
cohérence nécessaire en matière d’exécution des réponses pénales qu’un interlocuteur unique permet, l’exécution
d’une peine, et les privations de liberté qu’elle entraine, nécessite d’assurer aux personnes condamnées certaines
garanties que seul le service public et ses agents offrent. En ce sens, le SNEPAP-FSU avait proposé aux parlementaires
qui un amendement au projet de loi pénitentiaire : « Les fonctions de direction, de surveillance, de greffe des
établissements pénitentiaires ainsi que les fonctions de préparation, d’aménagement, de contrôle et de suivi des peines par
les services d’insertion et de probation, sont assurées par l’administration pénitentiaire
« .

Ici aussi les mots ont leur importance, et il ne s’agit pas en ce domaine d’écarter un partenariat indispensable avec des
associations en nombre et dotées de suffisamment de moyens. Mais la plus-value importante des associations doit
s’envisager dans le cadre du parcours d’exécution de peine (ou plan général d’exécution) déterminé par le SPIP
avec un contrôle de l’autorité judiciaire. Ainsi un système de probation qui reposerait sur une évaluation initiale
structurée et éprouvée, nécessite un professionnel unique maîtrisant un partenariat le plus riche et divers possible vers
lequel il puisse orienter les publics en fonction des problématiques décelées. Cette connaissance doit interdire une
délégation directe du suivi des mesures vers un autre service ou organisme que le SPIP.

Néanmoins, une position réaliste au regard notamment des surcharges de travail chroniques au sein des SPIP, peut
conduire à admettre la nécessité, au moins transitoire, du rôle des associations socio-judiciaires notamment dans le
domaine des mesures pré-sentencielles (permanences d’orientation pénale, contrôles judiciaires, etc.) qui font déjà
largement l’objet de délégations et auxquelles les SPIP ne seraient pas en capacité de faire face à l’heure actuelle. Pour
autant, même dans ce cas, le SPIP doit pouvoir être le garant de la cohérence et de la continuité de la politique pénale en
matière de probation. C’est pourquoi, pour le SNEPAP-FSU, s’agissant des missions propres du SPIP à savoir l’exécution
des peines et mesures pénales en milieu ouvert, le pouvoir de délégation doit impérativement relever du DSPIP, évitant
ainsi toute délégation directe des missions de service public.

 SPIP maître d’oeuvre/autorité judiciaire maîtrise d’ouvrage.
Placer le SPIP au coeur de l’individualisation de la
peine, impose, pour le SNEPAP-FSU, la mise en place d’une méthodologie d’évaluation propre aux SPIP ainsi que d’une
typologie de prise en charge (suivi différencié). L’économie générale de la circulaire du 19 mars 2008 constitue une
avancée positive par une meilleure définition des missions des SPIP et par l’affirmation de leur responsabilité et de leur
autonomie vis-à-vis notamment de l’autorité judiciaire. Ainsi, la circulaire précise qu’« il appartient à chaque DSPIP de
définir et de formaliser en concertation avec ses équipes des modalités de suivi différencié choisies en fonction d’une
analyse de la population suivie et des moyens dont il dispose ». Ces directives ont donné lieu à l’élaboration de diverses
organisations de service qu’il convient aujourd’hui de recenser pour en tirer un bilan. Cette affirmation du SPIP
comme maître d’oeuvre du suivi des mesures et condamnations pénales qui lui sont confiées par l’autorité
judiciaire est aujourd’hui incontournable. Elle s’inscrit dans un souci de cohérence et d’efficacité de l’édifice pénal,
tel qu’il apparaît notamment dans la rédaction des art. 707 et 474 du CPP, et non en fonction de prosaïques enjeux de
pouvoir.

Le travail de probation. Pour le SNEPAP-FSU, il convient donc de conforter les personnels des services
pénitentiaires d’insertion et de probation dans leur compétence en matière d’évaluation des problématiques
individuelles, de valoriser leur expertise et non de les cantonner dans des tâches d’exécution du mandat judiciaire qui
réduiraient au passage le travail de probation à sa seule dimension de contrôle. Le travail de probation est ainsi trop
basé sur des obligations fixées lors du jugement, éloignées d’une évaluation construite qui donnerait lieu à des
modalités de prise en charge fixées au plus près de l’évolution de la personne. Les REP peuvent être la base de cette
évolution. La définition du métier de CIP selon les termes du protocole du 9 juillet 2009 nous semble en parfaite
cohérence :
« Le métier de CIP […] doit être aujourd’hui considéré comme un métier en soi, développant des compétences et
une expertise propres. La mise en oeuvre des alternatives à l’incarcération, la construction de parcours d’exécution
de peine centrés sur la personne et basés sur la relation à construire avec elle, la préparation et la mise en oeuvre
d’aménagements de peine, l’analyse de la situation globale de la personne condamnée en vue de déterminer
l’individualisation et la progressivité de la peine dans un objectif de prévention de la récidive, sont autant d’actes
professionnels réalisés quotidiennement par les CIP et par aucune autre profession.
»

Il est nécessaire de reconnaître aujourd’hui un coeur de métier spécifique au CIP qui, par son action sur le passage
à l’acte, son rôle dans l’individualisation des peines et des mesures pénales pré-sententielles (qui suppose après
une évaluation, la mise en place d’un suivi adapté au profil des personnes condamnées ou prévenues), son
implication dans l’aménagement des peines, se place désormais clairement sur le champ pénal et criminologique,
avec une méthodologie propre et, pour objectif, la prévention de la récidive. De plus, le CIP, par son expertise dans
le domaine de la peine, joue un rôle déterminant dans l’aide à la décision judiciaire notamment à travers les
diverses enquêtes qu’il est amené à réaliser.
»

Bien évidemment, l’évaluation initiale et les orientations de prise en charge ne peuvent être le fait d’une seule
personne quelle que soit sa compétence. C’est pourquoi il est essentiel que les décisions prises dans ce domaine
puissent faire l’objet d’une concertation interne au sein d’une commission ad hoc et dans tous les cas qu’elles
soient clairement identifiées comme des positions de service.

Aussi, partant de cette définition, le SNEPAP-FSU, se basant sur la recommandation CM/Rec 2010 du 20 janvier 2010
(REP), a déterminé que les processus de suivi doivent être basés sur les principes suivants
:

 Avant la mise en place du suivi de la PPSMJ, cette dernière fait l’objet d’une évaluation criminologique qui analyse
de façon systématique et approfondie sa situation particulière, y compris les risques, les facteurs positifs
(ressources individuelles, environnement…) et les interventions nécessaires pour répondre aux besoins et
problématiques identifiés ainsi qu’une appréciation de la réceptivité de la PPSMJ à ces interventions (REP 66).

 Une commission pluridisciplinaire fixe les objectifs de prise en charge et procède à l’orientation. Cette orientation
définit les moyens à mettre en oeuvre pour atteindre ces objectifs et donc les actes professionnels auxquels il
convient de recourir, pour y parvenir. La nature des actes professionnels détermine la qualification des personnels
chargés de les réaliser. Ces dispositifs doivent être mis en cohérence avec le parcours d’exécution de la peine.

 Les orientations retenues fixent notamment les modalités de prise en charge individuelle et/ou les orientations
vers des actions et programmes collectifs spécifiques.

 Une évaluation régulière au cours de la mesure qui doit être pensée comme un processus continu, dont
l’exactitude et la pertinence doivent être examinées périodiquement (REP 69).

 Quel que soit le nombre de personnes amenées à intervenir, l’identification d’un professionnel référent, qui
peut varier au cours du suivi, est nécessaire. Son rôle est d’évaluer, d’élaborer et de coordonner le plan d’exécution
général, d’assurer les contacts avec la PPSMJ et de veiller au respect du dispositif fixé par la commission
pluridisciplinaire (REP 80). »4

Pour le SNEPAP-FSU, les REP doivent donc donner dès à présent lieu à un travail de diffusion, de réflexion et
d’élaboration d’un socle de principes de prise en charge.

 Vers des méthodologies d’intervention scientifiquement éprouvées et étayées ?

Pour le SNEPAP-FSU, il est nécessaire de mettre en place une évaluation de l’action pénale. En effet, tant que les
gouvernements ne disposeront pas de données fiables et indépendantes qui lui permettent de savoir « ce qui marche »
et ne marche pas en matière de prévention de la récidive, les politiques pénales balanceront au gré des alternances
politiques. Les propositions démagogiques, que certains qualifient « de bon sens » comme, par exemple, l’affirmation
qu’une réponse pénale plus sévère est plus efficace sur la délinquance, perdureront alors que nous savons, par le
résultat de travaux étrangers, évoqués plus haut, que c’est faux. De telles orientations « de bon sens » ont conduit les
politiques pénales américaines dans les années 70 à miser sur la prison. En réponse à ces choix politiques américains,
des chercheurs se sont mis au travail pour savoir « ce qui marche », « What Work’s ? » en matière de prévention de la
récidive. Ce mouvement du What Work’s, né d’une réponse aux affirmations du Nothing Works, a permis de remettre en
avant l’idéal réhabilitatif de la peine. La preuve de l’efficacité du système pénal est la réponse à la démagogie, c’est la
voie pour son amélioration.

Toutefois, le Ministère de la Justice français peine à établir des chiffres clairs et justes. Éternel angle mort des politiques
pénitentiaires, la probation ne fait l’objet d’aucune évaluation, d’aucune statistique fiable (nombre de personnes
suivies, état des RH…). Quelques recherches à ce sujet ont pourtant été réalisées en 20065 ou en 20116 mais elles ne
concernent que les taux de récidive et ne constituent pas une recherche sur le contenu des suivis et leur impact sur la
récidive. Un travail d’évaluation rigoureux doit donc être mené, tel qu’il l’a été voilà déjà 40 ans dans d’autres pays par
le mouvement du What Work’s ? Ce travail doit permettre d’évaluer la prévention de la récidive et de dégager des
principes d’intervention. « Aussi, partant du constat que les statistiques sont d’abord le reflet de l’activité d’une
institution, et non un réel indicateur de l’évolution de la délinquance, nous exigeons qu’un travail scientifique soit mené. A
ce titre, le SNEPAP-FSU milite pour la création d’une structure indépendante multidisciplinaire d’études et de recherches
sur les infractions pénales, leur prévention, leur sanction et leur réparation.7 ». L’article 7 de la loi pénitentiaire du 24
novembre 2009 répondait à cette revendication en créant un observatoire indépendant chargé de collecter et
d’analyser les données statistiques relatives aux infractions, à l’exécution des décisions de justice en matière pénale, à
la récidive et à la réitération. Or, en Juillet 2012, dans leur rapport d’information n°629 relatif à l’application de la loi
pénitentiaire, M. Jean René LECERF et Mme Nicole BORVO COHEN-SEAT ont constaté que cette volonté du Législateur
n’avait pas été menée à terme, constituant ainsi un « chaînon manquant »8 à l’évaluation des politiques pénales.
L’observatoire National de la Délinquance (OND) existant au sein de l’Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité
et de la Justice (INHESJ) n’a pas vu ses missions étendues aux Réponses Pénales (ONDRP) telles que prévues par la loi,
ni sa structure évoluer comme le prévoyait celle-ci.

La prévention de la récidive en France est restée relativement imperméable à l’évolution des modèles étrangers
d’intervention en la matière. L’intervention imposée par leur administration aux professionnels a davantage reposé sur
« le bon sens » et l’intuition des professionnels que sur une intervention dont l’impact était mesuré. Toutefois, il serait
aujourd’hui « dangereux » de penser que de tels modèles sont directement importables en France, sans passer par une
phase d’études et d’expérimentation. Plus qu’une transposition tels quels des résultats de la recherche étrangère, il est
indispensable d’engager un aller-retour entre les praticiens et les chercheurs français (modèle de la recherche-action).
Évaluer la pratique et alimenter la recherche sur « ce qui marche » nécessite de se donner du temps de réflexion sur les
pratiques, du temps pour les échanges collectifs. A ce titre, des dispositifs existent déjà dans les SPIP mais sont sousemployés,
à l’image du temps prévu pour la supervision. Bien plus, le déploiement des Programmes de Prévention de la
Récidive (PPR) en 2008 a permis d’enrichir considérablement les pratiques de la probation française, qui se
cantonnaient jusqu’à présent essentiellement au travail individuel. Pour le SNEPAP-FSU, l’entretien individuel est un
outil incontournable, qui permet d’établir la relation avec la personne, mais il doit être complété par d’autres modalités
d’intervention, sur la base du volontariat et d’une formation des personnels. La dynamique insufflée par les PPR a donc
permis aux professionnels de diversifier leur intervention, ainsi que de développer le travail pluridisciplinaire et
collectif en interne au SPIP par l’arrivée de quelques psychologues superviseurs et par des temps d’échanges
indispensables à la préparation et au déroulement du PPR. Un référentiel établi par l’administration9 propose aux
professionnels d’aborder lors des séances avec les personnes condamnées des notions telles que « la loi et l’interdit »,
« les stratégies d’évitements », « l’empathie pour la victime », « le rapport à l’autre », « la parentalité »… Le référentiel
pourrait être toutefois enrichi, notamment si une évaluation des PPR était enfin rendue publique, mais il constitue cela
dit un premier pas vers la structuration de l’intervention du CPIP et vers une réflexion plus aboutie sur le contenu du
suivi. Les professionnels n’ont bien sûr pas attendus les PPR pour mettre en place des interventions collectives, mais
bien souvent celles-ci sont proposées dans le cadre de la sensibilisation à certaines problématiques et ne correspondent
pas à véritable travail criminologique sur l’acte commis et son contexte. L’administration pénitentiaire a indiqué avoir
mandaté l’Université de Rennes pour une évaluation de l’efficacité des PPR sans que les résultats de l’étude ne soient
connus à ce jour. Elle doit se saisir de cette occasion pour développer de véritables études statistiques et scientifiques
sur le contenu du suivi et faire ainsi évoluer les pratiques. Pour le SNEPAP-FSU, seule l’évaluation du dispositif pourra
permettre de le faire évoluer vers une intervention criminologique plus développée et structurée.

Enfin, le SNEPAP-FSU tient à rappeler, comme il le fait à chacune de ses interventions, que les SPIP ont
développé des compétences spécifiques et une place désormais reconnue de tous. Ce sont sur ces compétences
et cette place qu’il faut s’appuyer pour développer la probation en France, tout en ayant à l’esprit qu’il serait
illusoire de vouloir le faire à moyens constants. Le SNEPAP-FSU a aussi la responsabilité de rappeler que les
réformes envisagées doivent s’entendre au delà du temps politique déterminé par la durée d’un mandat
électoral. La mise en place de recherches scientifiques ne sera pas effective demain, leur résultats ne seront
pas consolidés dans 4 ans… La probation a donc besoin d’objectifs qui ne seraient pas, pour la première fois
depuis des années, dictés par l’émotion mais bien par la raison et une forte ambition…

Paris, le 12 novembre 2012.

TOP