Déclaration liminaire de la FSU au Comité Technique Ministériel du 20 décembre 2013

Madame la Ministre,

Ce dernier CT-M de l’année 2013 vient clore la première année pleine de votre mandature. Elle aura aussi été marquée par les attaques ignominieuses portées contre vous et qui se sont déchaînées après

votre engagement en faveur de la loi sur le mariage pour tous. Vous trouverez la FSU à vos côtés à chaque fois que vous ferez avancer le droit et les idées de progrès. Cependant, le gouvernement dont vous

faites partie s’est aussi illustré par des choix économiques et sociaux que nous contestons car ils ne peuvent qu’aggraver la situation des salariés et des personnes en situation de précarité. Ces choix continuent d’affaiblir les services publics dans leurs capacités à garantir la solidarité nationale et la qualité des missions.

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Alors, pour le Ministère, pour nos services, nos établissements, pour nos métiers, la machine est grippée. Etranglée par une politique d’austérité qui n’a pas été remise en cause et qui conduit à la

poursuite de la RGPP travestie en MAP, le budget du ministère ne permet toujours pas de faire face à l’ensemble de ses missions. Le point d’information sur le schéma d’emploi 2014 est tristement

symptomatique d’une politique qui doit se résoudre à déshabiller Paul pour habiller Jacques. Si nous avons salué l’annonce de la création de 1000 emplois supplémentaires pour les SPIP dans les trois prochaines années, force est de constater que, pour l’année 2014, ces créations se feront en grande partie au prix de restructurations et de redéploiements qui vont fragiliser d’autres services et établissements. De même, l’ouverture des nouveaux établissements va une nouvelle fois absorber les créations d’emplois pour la DAP aux dépends des indispensables renforts pour les services et établissements existants. Plus inquiétant encore, avec un plafond d’emploi qui ne progresse que de 112 ETP au regard de 643 créations d’emploi prévues, le PLF 2014 fait l’improbable pari du redéploiement des effectifs aujourd’hui

consacrés au développement du logiciel GENESIS, dont la phase de mise en oeuvre n’est même pas encore engagée.

Trop de juridictions sont aujourd’hui en grande difficulté et le service au citoyen, au justiciable ne s’améliore pas.

Aux services judiciaires, l’absence de recrutement pour les personnels de catégorie C de la filière administrative ne saurait être compensée par l’arrivée de greffiers. Pour ce qui concerne la rémunération,

alors même que les propositions du Gouvernement de « revalorisation » de carrière des agents de la catégorie C, lancés dans une course perpétuelle derrière le SMIC, ne traduisent même pas les pertes de pouvoir d’achat de ces dernières années, le Ministère de la Justice invente le coup de pouce indemnitaire à « double vitesse » pour ses adjoints administratifs et techniques. Le budget 2014 du Ministère de la Justice prévoit ainsi une « dotation de 2 M€ pour l’amélioration du régime indemnitaire des catégories C au sein des juridictions », soit une quinzaine d’euros par mois pour les adjoints administratifs et techniques, sans compter une prime exceptionnelle de fin d’année d’environ 200 €. De plus, nous ne pouvons que nous étonner du traitement différencié en fonction des directions, pour des corps dits « communs », alors que la rémunération des personnels de catégorie C est pour l’ensemble des directions plutôt équitable…. dans sa médiocrité !

Pour la PJJ, là encore les personnels de catégorie C seront oubliés. Oublié aussi le corps majoritaire des éducateurs, dont le reclassement en catégorie A n’est même plus envisagé au nom d’une augmentation du nombre de CSE, corps de débouché, et du recours à ces personnels pour remplir au travers de la fonction de RUE, les mêmes responsabilités que celles exercées précédemment par les Directeurs.

Pour les créations d’emplois, celles annoncées au budget 2013 n’auront eu aucune traduction en terme d’amélioration de la situation des services. Elles n’auront pas compensé les départs de personnels et

la surconsommation de l’année antérieure. Pour 2014, les 78 créations annoncées se traduiront par une augmentation de 37 ETPT et seront totalement absorbées par la poursuite du programme CEF : ouverture

de Cambrai, de deux nouveaux CEF, extension à tous ces établissements des dotations santé mentale. Dans le même temps, les foyers éducatifs, bien moins dotés en personnels, continueront de supporter les conséquences du sous-entretien de l’immobilier.

Ces éléments budgétaires sont le triste révélateur d’une continuité politique qui s’exprime dans de trop nombreux domaines. Les choix politiques du précédent gouvernement ne sont pas profondément

remis en cause. Malgré les engagements du Président de la République, la rétention de sûreté, les tribunaux correctionnels pour mineurs ne sont pas en voie d’être abrogés. Pour la PJJ, la journée d’hier marquait l’anniversaire des 10 ans du premier CEF public, celui de Beauvais. Nous regrettons que la Directrice de la PJJ ait choisi de donner un poids symbolique à cet anniversaire alors que les services de milieu ouvert de placement éducatif et d’insertion, attendent toujours des signes pour que soient restaurées leurs capacités d’intervention ainsi que les conditions d’exercice des missions des personnels. Le choix d’une priorité accordée à l’enfermement des mineurs est toujours une réalité, malgré vos prises de position de l’été.

Du côté de l’administration pénitentiaire, si le projet de création de 30 000 places supplémentaires est abandonné, vous n’avez en revanche pas pu interrompre le plan de construction d’établissements hérité du précédent gouvernement. Les choix architecturaux, le gigantisme de cette dernière génération d’établissements pénitentiaires sont pourtant générateurs de souffrance au travail pour les personnels et de conditions de vie déshumanisées pour les personnes détenues. Les voyants d’alertes sont au rouge dans tous les établissements livrés ces dernières années et malheureusement les mêmes erreurs sont sur le point d’être commises pour les prochains établissements. Que dire en particulier des deux maisons centrales ultra-sécuritaires de Condé-sur-Sarthe et Vendin-Le-Vieil ? Avant même l’ouverture de la seconde et au terme de quelques mois seulement de fonctionnement pour l’établissement de Condé-sur-Sarthe, les personnes détenues dénoncent leurs conditions de détention pendant que les personnels disent leur épuisement. A l’évidence, le calcul était mauvais et pourtant rien n’est venu interrompre ou au moins réviser un projet voué à l’échec de ces deux établissements. La seule contention n’a jamais permis d’assurer réellement la sécurité d’un établissement pénitentiaire quels que soient les moyens déployés. Malheureusement, la vision d’une administration pénitentiaire conçue comme la troisième force de sécurité intérieure, revendiquée par certains et affirmée par la loi pénitentiaire du gouvernement Fillon, continue de produire ses effets délétères. Ainsi, un arbitrage récent du Premier Ministre vient de

confirmer la poursuite du transfert des charges d’escortes et d’extractions judiciaires des forces de police et de gendarmerie vers les personnels de l’Administration Pénitentiaire, et ce dès 2015. Bien évidemment, les moyens ne seront pas au rendez-vous, (mais qui pouvait être dupe d’une opération avant tout budgétaire ?), et cette reprise des missions d’escorte se traduira par de nouvelles ponctions sur les effectifs des établissements déjà exsangues. Mais le pire est ailleurs, dans cette dénaturation des missions des personnels de surveillance qui ne sont plus conçues que sous le prisme de la sécurité, abandonnant même ce que la notion de « garde » pouvait avoir de positif. Et ne parlons même pas de réinsertion sur des coursives désertées, où l’intervention des ERIS devient de plus en plus habituelle pour rétablir l’ordre… Mais pour combien de temps ? Il vous appartient, Madame la Ministre, de rompre avec les dogmes archaïques pour construire l’administration pénitentiaire de demain, plus sûre et plus humaine.

Concernant la PJJ et la justice des mineurs, nous voyons de plus en plus s’éloigner les possibilités d’une réforme de l’ordonnance de 1945 restaurant la spécificité de la justice des mineurs. Il faut réaffirmer avec

clarté la priorité éducative, réintroduire la dimension protectrice de la justice des mineurs, comme seuls gages d’efficacité. Par conséquent, au-delà de la suppression des TCM, il faut supprimer les dispositifs

sécuritaires votés ces dernières années.

Derrière le changement de discours, les pratiques n’ont guère évolué. Une dernière illustration de cette continuité : le référentiel métier ministériel que vous nous présentez. Au-delà de la logique gestionnaire de standardisation accrue en elle-même contestable, que dire d’autre à part le fait que cet imposant document n’est que le fruit exclusif d’un travail entre les différentes directions et le secrétariat

général ? Comment les personnels pourraient-ils ne pas se sentir dépossédés de leur métier lorsqu’il n’est envisagé que sous ce désespérant angle technocratique. La production par la DAP d’un référentiel métier des CPIP en total décalage avec la réalité de ce métier en est le triste exemple qui se prolonge dans le document ministériel. La même erreur d’appréciation se profile avec l’opacité totale autour de la mise en place des groupes de travail que vous avez souhaité créer en marge de la réforme pénale qui s’annonce.

Plus que jamais, la FSU s’emploiera à faire entendre la nécessité de choix ambitieux tant pour les personnels que pour les missions du service public de la justice.

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