La réforme pénale au Sénat : attention à l’extension du filet pénal !

Le 18 juin, la commission des lois du Sénat a adopté un certain nombre d’amendements au projet de réforme pénale, avant sa discussion en séance publique qui débutera le 24 juin prochain. Le SNEPAP-FSU salue les Sénateurs qui ont su prendre leurs responsabilités pour améliorer certaines dispositions de ce projet de loi. Certes, nous sommes encore loin d’une contrainte pénale véritablement efficace et opérationnelle. Mais nous accueillons positivement le fait que cette peine deviendrait la peine de référence, la sanction principale pour une série de délits pour lesquels de courtes peines d’emprisonnement sont actuellement encourues.

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Mais la commission des lois a semble t-il sauté une étape fondamentale dans la déclinaison de ce nouveau dispositif. Elle a en effet oublié que l’emprisonnement pouvait aussi être prononcé…avec sursis. De fait, en ne prévoyant pas que la contrainte pénale puisse être prononcée avec sursis, ou en ne remaniant pas le contenu de la contrainte pénale, le Sénat prend le risque majeur de durcir l’échelle des peines, d’étendre le filet pénal et, par ricochet, de faire exploser l’activité des services de l’application des peines et des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP).

Plus de 100 000 condamnations à une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis simple sont prononcées chaque année. Les personnes ainsi condamnées ne sont pas prises en charge par le SPIP.

Certes, ces condamnations ne concernent pas toutes des délits pour lesquels la contrainte pénale serait désormais la peine encourue à titre principal, mais la masse des « petits délits » serait concernée. Certes, le code pénal permettrait au Tribunal, comme c’est déjà le cas actuellement, de substituer à la barre une simple restriction de droits listée par l’article 131-6 du code pénal (suspension du permis de conduire, confiscation, interdiction de fréquenter certaines personnes, interdiction de séjour dans certains lieux etc) à la peine de contrainte pénale ; il pourrait même en rester à la peine d’amende. Mais pourquoi le Tribunal serait-il enclin à descendre ses exigences par rapport à l’existant ? Le risque d’extension du filet pénal, avec le prononcé d’une contrainte pénale au suivi « soutenu » ou d’un travail d’intérêt général, là où la simple dissuasion du sursis était privilégiée, est donc majeur.

La contrainte pénale pourrait donc ne pas se contenter de mordre sur les courtes peines d’emprisonnement ou le SME (objectif initial). Elle pourrait aussi se substituer à des peines de sursis qui n’impliquaient jusqu’ici aucun suivi.

Le SNEPAP-FSU salue les sénateurs qui ont adopté un amendement visant à faire de la contrainte pénale la peine de référence pour un certain nombre de délits.

Il est toutefois fondamental que le parlement prévoie une modification de l’article 132-31 du code pénal afin que la contrainte pénale puisse être prononcée avec sursis. Ou qu’il procède à une redéfinition de cette peine de probation afin qu’elle puisse comprendre une obligation, durant un certain nombre d’années, de ne pas commettre de nouveau délit ou de crime (sur le modèle du sursis simple).

A défaut, nous assisterons à la généralisation du contrôle social et judiciaire et à l’explosion des services de l’application des peines et des SPIP .

Paris le 23 juin 2014

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