Le CTPM du 10 juillet 2008 a examiné le projet de la loi pénitentiaire !
La FSU persuadé que le projet de texte serait transmis en l’état au parlement sans que les
observations des organisations syndicales soient prises en compte, a refusé de siéger.
Mais, avant l’ouverture du CTP, elle a tenu à faire la déclaration suivante :
« Madame la ministre,
Inutile de vous préciser combien les personnels du Ministère de la Justice attendent une loi
pénitentiaire qui sorte les prisons françaises de l’exception juridique dans laquelle elles demeurent
depuis plusieurs années. L’idée que la prison doit être un lieu où le droit commun s’applique, où les
personnes détenues soient considérées avec dignité et que leurs droits soient respectés fait l’objet
d’un rare consensus. Y compris chez les personnels pénitentiaires qui sont soucieux d’exercer dans
des conditions adéquates et propices à favoriser la réalisation de leurs missions.
Une loi fondamentale, ambitieuse, source d’avancées notoires, doit permettre de franchir ce pas, et
de marquer les consciences à l’occasion, comme vous l’avez dit vous-même, de « ce grand rendezvous
de la France avec ses prisons ».
Or, pour la FSU, ce projet de loi est éloigné de ces objectifs. Il y a tout juste un an, lors de
l’installation du Comité d’Orientation Restreint, vous aviez invité ses membres « à ne pas brider
leur imagination », à faire preuve de créativité. Mais force est de constater que le projet de loi du
gouvernement, ne répond pas aux espoirs un moment suscités.
La partie portant sur les droits des détenus, concentre certes, les plus grandes avancées du texte :
l’accès au téléphone, l’entrée des entreprises d’insertion, la domiciliation qui permettra aux détenus
d’accéder plus facilement aux prestations sociales et d’exercer leur droit de vote sont des mesures
positives qui amélioreront la condition des détenus.
Mais, on ne peut que déplorer que le droit du travail ne devienne pas plus effectif par cette loi.L’acte d’engagement professionnel prévu détermine les conditions de travail et de rémunération et
les obligations des détenus mais non ses droits. Il est quand même extrêmement regrettable que ce
premier petit pas vers la contractualisation ne prévoit aucune indemnité en cas de maladie et même
d’accident du travail et n’apporte aucune protection contre les licenciements abusifs.
En outre, le fait que l’indigence ne fasse pas l’objet de mesures efficaces pour l’endiguer est
particulièrement dommageable tant on connaît ses effets néfastes sur le déroulement de la peine.
Enfin, à l’égard des mineurs, n’est-ce pas un recul d’indiquer dans la loi que leur enseignement est
assuré « avec le concours » et non pas « par » l’Education Nationale ?
Ce manque d’ambition atteint son paroxysme quand le texte aborde l’encellulement
individuel. Certes, le Ministère de la Justice construit, mais cette voie, comme l’indique la
recommandation européenne du 30 septembre 1999 sur le surpeuplement des prisons, ne constitue
pas une solution durable à la surpopulation carcérale. Le nouveau moratoire de 5 années provoque
beaucoup d’amertume et de désespoir, et cela d’autant que le reste du texte ne nous apparaît pas
contenir des dispositions qui permettent à l’issu de ce délai d’assurer un encellulement respectueux
des droits des personnes.
Alors, demander aux personnels de respecter les droits des détenus
quand dans le même temps, aucune solution n’est mise en oeuvre pour mettre fin à l’état de
surencombrement des Maisons d’Arrêt, constitue une véritable provocation !
Certes, le dispositif proposé pour promouvoir les aménagements de peine contient des améliorations
par rapport à l’existant. L’assignation à résidence avec surveillance électronique pour les prévenus,
faire de l’aménagement des peines fermes de moins de 2 ans le principe, sont susceptibles d’éviter
des incarcérations. Mais, encore faudrait-il que les services chargés de réaliser les enquêtes
indispensables aux juges pour prendre de telles décisions soient en mesure de le faire dans des
conditions satisfaisantes !
Elargir les conditions d’octroi à « tout projet sérieux de réinsertion », laisse certes plus de latitude
aux juges pour prononcer des aménagements de peine. Mais si l’on considère la pression que ceuxci
subissent, il est à craindre, que sans critères précis, la politique d’aménagement des peines
reste comme aujourd’hui, à géométrie très variable.
Par ailleurs, aménager une peine suppose du temps, de nombreux échanges avec la personne
détenue, un partenariat étoffé…donc des moyens qui, à ce jour, sont incertains.
Nous attendons, en outre, d’autres dispositions qui replacent la libération conditionnelle au centre
du dispositif, qui favorisent l’aménagement des longues peines, y compris des récidivistes…parce
que nous considérons que l’aménagement de la peine non pas comme une faveur, un moyen de
libérer de la place ou encore l’ultime solution pour éviter une sortie sèche, mais avant tout
comme un outil efficace en terme de prévention de la récidive. Si vous partagiez ce constat, vous
auriez proposé la suppression d’un certain nombre d’obstacles à l’aménagement des peines (comme
les conditions de quantum pour les permissions de sortir, les périodes de sûreté…)
Enfin, en ce qui concerne les mesures censées valoriser les personnels pénitentiaires, nous les
estimons tout simplement indigentes. La prestation de serment purement symbolique accompagné
de son nécessaire code de déontologie, ne suffira pas aux personnels qui attendent d’autres marques
de confiance. Le statut spécial est maintenu en l’état, à l’égard de tous les personnels alors même
que seules les missions de greffe, surveillance, et de direction sont reconnues comme régaliennes.
Les personnels des SPIP apprécieront, sans doute, à sa juste valeur le fait que la mission de
contrôle qui leur échoit ne soit pas considérée comme une mission devant relever du seul
service public pénitentiaire !
Cela traduit d’ailleurs la vision purement carcérale de cette loi qui obère tout un pan de
l’administration pénitentiaire : les mesures restrictives de liberté. En effet, aucune disposition ne
vient renforcer leurs recours alors qu’elles sont des concurrentes idéales à l’incarcération, solution
couteuse et trop souvent inefficace.
Si le SNEPAP FSU a siégé lors du CTPSE du 23 juin dernier, c’était dans l’objectif de transmettre
clairement à l’administration pénitentiaire nos commentaires et critiques sur ce projet de loi.
Il a voté contre ce projet de loi en raison de ses insuffisances et de ses carences.
La FSU interviendra de tout son poids dans le cadre du débat démocratique qui aura lieu au
parlement. Elle défendra une loi plus ambitieuse qui réponde aux aspirations des personnels
et qui fasse enfin du service public pénitentiaire français un exemple à suivre. »