PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION POUR LA JUSTICE 2018-2022 : entre absence de démonstration et oubli des SPIP

Le 20 avril 2018, le projet de loi de programmation et de réforme pour la justice était présenté en conseil des Ministres après six mois de consultation dans le cadre des cinq chantiers justice. Comme nous l’avons déjà exposé dans notre contribution en date du 14 avril 2018, le projet de loi tel qu’envisagé ajoute un degré de complexité en changeant simplement la dénomination de dispositifs déjà existants.

Néanmoins, l’étude d’impact accompagnant le dit projet en date du 23 avril 2018 ne fait que confirmer notre incompréhension face à la lecture d’une justice plus efficace du Ministère !

Et quelle incompréhension de constater qu’il n’y a aucune donnée analytique concernant les conséquences de ce projet de loi… Les objectifs sont simplement annoncés sans étude probante et chiffrée.

Exemple : « Les propositions issues du cinquième chantier de la justice portant sur le sens et l’efficacité des peines ont pour objectif de redonner du sens à la peine, en la rendant plus lisible, et à renforcer son efficacité, en favorisant sa mise à exécution rapide, tout en préservant sa nécessaire individualisation ». Pour satisfaire à cet objectif, l’étude d’impact écarte certaines « options » en se basant sur des justifications aisées et non mesurées. Il en va malheureusement ainsi de l’ajournement de la peine systématique qui doublerait le nombre d’audiences correctionnelles et de la reconnaissance d’une peine de probation. Sur ce dernier point, la contrainte pénale n’a pas « absorbé » le sursis mise à l’épreuve dans la mesure où cette « solution présente l’inconvénient de faire disparaître un dispositif ancien, bien connu et bien appliqué par la juridictions, puisque plus de 80 000 sursis avec mise à l’épreuve et sursis travail d’intérêt général sont prononcés chaque année 3 ».

La preuve du maintien de l’existant parce qu’il existe, du surcroît en masse, n’illustre rien d’autre que l’absence de vision éclairée d’une politique d’exécution des peines efficace pour lutter contre la récidive et la surpopulation carcérale dont les coûts sont majeurs tant du point de vue des deniers publics que du point de vue de la sécurité publique !

Il est vraiment regrettable que la culture de l’évaluation ne soit pas une priorité au sein de l’administration comme l’illustre parfaitement cette étude d’impact. Comment la considérer comme une évaluation alors qu’elle ne prend pas en compte l’environnement du projet dans sa globalité !

Aussi et à aucun moment, cette étude d’impact vient apprécier les conséquences de toutes natures du projet de loi et surtout quant aux moyens dévolus aux services pénitentiaires d’insertion et de probation à savoir tenter de limiter ou de compenser les impacts négatifs…

De même l’annonce des 7000 places, qui finalement seront 15000 ne fait l’objet d’aucune prise en compte. Bien sûr les SPIP n’interviennent pas en détention, le haut fonctionnaire pilotant l’étude d’impact l’aura probablement oublié.

Le vide de l’étude d’impact quant aux répercussions sur les métiers et moyens des SPIP ne fait, qu’une fois de plus, illustrer le manque de vision globale du continuum des peines et l’impossibilité de mesurer l’activité de ces services. Pourtant à la lecture du projet de loi, comment ne pas craindre une explosion des besoins pour les SPIP ? L’annonce des 1500 postes paraît difficilement conciliable avec les mesures annoncées.

Le SNEPAP-FSU aurait attendu d’une étude d’impact une véritable comptabilisation de la charge d’activités des SPIP liée par exemple aux flux d’entrées des personnes dans les établissements pénitentiaires et les services en milieu ouvert et encore de la prise en compte de l’immense charge engagée pour les SPIP avec le « retour » au pré-sentenciel.

Nous ne pouvons que dénoncer, encore et toujours, le manque d’effectifs de référence pour chaque service. Le nombre de 1500 annoncé pour les SPIP reste discutable puisqu’il ne permet pas d’objectiver la charge d’activité réelle des services par une lecture territoriale des besoins et des problématiques.

Le SNEPAP-FSU regrette également que l’étude d’impact ne se réfère à aucun moment à des indicateurs évaluables pour mesurer l’intensité de la charge d’activité des SPIP. En effet, une démarche qualitative est indispensable pour quantifier l’ensemble des actes métiers réalisés par l’ensemble des personnels du SPIP et y compris les personnels administratifs et les personnels de surveillance en charge de la surveillance électronique.

Le travail des personnels aurait pu être calculé à l’aune du temps nécessaire pour la prise en charge d’une personne placée sous main de justice (temps des entretiens et périodicité ; démarches d’accompagnement ; relations partenariales ; tâches administratives ; vie de service…).

D’autant que le premier référentiel des pratiques opérationnelles, en cours de déploiement dans les SPIP, fournit dorénavant une référence pour évaluer le coût RH d’un accompagnement.

Force est de rappeler que les 15 dernières années ont été particulièrement denses d’un point de vue législatif et réglementaire avec un impact direct sur les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Les métiers pénitentiaires d’insertion et de probation connaissent une évolution doctrinaire, professionnalisant ainsi leurs champs d’intervention.

Le SNEPAP FSU déplore l’absence d’évaluation de l’impact du projet de loi de programmation pour la justice sur la charge d’activité des personnels des SPIP basée sur des effectifs de référence et des indicateurs fiables. Sauf à considérer que, pour le Ministère de la Justice, ce sont les juges qui accomplissent ces actes métiers…..

Il y a une chose que notre administration semble oublier : d’une véritable évaluation découle la qualité des prises en charge et, in fine, la qualité du service public de la justice.

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