Surpopulation carcérale : quand les dernières réformes ne sont que poudre aux yeux !

A quand la fin de l’humiliation de la République ?

Un constat alarmant

Chaque mois, les chiffres publiés par la France sur l’état de ses prisons confirment une surpopulation carcérale chronique, contrairement à certains de ses voisins européens.

Sa condamnation – par la CEDH le 31/01/2020 pour les conditions inhumaines et dégradantes de détention dans ses établissements pénitentiaires – ne donne lieu qu’à une prise de conscience bien timide … et ce ne sont pas les constructions de nouveaux établissements qui arrêteront ce processus !

En ce début 2023, force est de constater que les chiffres de janvier témoignent d’une surpopulation qui s’étend désormais aux Structures d’Accompagnement à la Sortie (SAS) et quartiers de semi-liberté.
Aucune DISP n’est épargnée, pas de jaloux, des matelas pour tout le monde…

Qui aurait pu prédire que la maison d’arrêt de Fresnes pourrait être un jour le plus épargné des établissements parisiens, alors que son taux d’occupation atteint les 155% ?! Villepinte atteint les 187% et n’aurait « que » 15 matelas au sol, contre 124 matelas à Paris La Santé…

Le quartier maison d’arrêt de Nantes totalise 162% d’occupation pour le triste record de 98 matelas au sol. La maison d’arrêt Le Mans les Croisettes 158% et 94 matelas! A la maison d’arrêt de Vannes, 203% d’occupation et “seulement” 9 matelas au sol.

La maison d’arrêt de Corbas compte 143% d’occupation. Et la DISP de Lyon totalise 142 matelas au sol. Au centre pénitentiaire de Gradignan, le taux d’occupation culmine à 204% et les cellules de la SAS sont désormais doublées.

 

Les effets dévastateurs sur les personnels et les personnes incarcérées

Doit-on s’habituer à ces chiffres et continuer ainsi à mettre un mouchoir sur les désastreuses conditions de travail des personnels pénitentiaires et les conditions honteuses de détention de celles et ceux qui nous sont confié.es par l’autorité judiciaire ?

La surpopulation carcérale a des conséquences directes tant sur le quotidien des agent.es que sur les personnes détenues.

Comment faire le travail correctement dans ce contexte ? Comment prévenir la récidive ?
Ces conditions de travail entraînent une perte d’attractivité pour les métiers de l’administration pénitentiaire et la fuite des agent.es.

Pour le SNEPAP-FSU, la prison doit demeurer l’exception. La peine de prison et l’enfermement doivent être un ultime recours.

Ainsi, plutôt que de pousser les murs et de poursuivre la construction de nouveaux établissements, il est impératif de repenser la peine. Seule une réflexion de l’ensemble des acteurs.trices concernés sera à même d’enclencher ce changement de paradigme indispensable. 

 

Quel est l’impact de la réforme applicable depuis le 1er janvier 2023 ?

La libération sous contrainte de plein droit (LSC PD) est applicable depuis le 1er janvier 2023. Elle est destinée aux personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à 2 ans d’emprisonnement et dont le reliquat à exécuter est inférieur ou égal à 3 mois.

Cette disposition a considérablement augmenté la charge de travail des greffes, notamment en termes de notification de décisions aux personnes détenues. Plus largement, elle impacte tous les personnels exerçant en établissement et en SPIP. Les personnels de surveillance sont sur-sollicités par les personnes détenues en quête d’informations. Comme toute nouvelle réforme, elle entraîne des attentes et une anxiété de la population pénale qui peine à en comprendre toutes les subtilités… constat bien normal, au vu de la complexification de la procédure liée au cumul de dispositifs !

Si la Sous-Direction Insertion Probation de la DAP a élaboré des supports conséquents à destination tant des agents que des personnes détenues, le mode de diffusion au terrain et sa temporalité sont en revanche à revoir.

Pour le SNEPAP-FSU, imaginer que les agent.es aient le temps de consulter intranet lors de leur journée de travail est un voeu pieu. Lors de réformes, il est impératif de laisser aux personnels le temps nécessaire à l’appropriation des nouvelles dispositions et à l’articulation de travail entre les services concernés. A ce titre, un véritable temps de formation doit être institutionnalisé. Il est urgent que les services publient ces informations aux agents et procèdent à leur affichage dans toutes les détentions.

En l’espèce, au 2.02.2023, 3 128 mesures ont été instruites au titre de la LCS-PD : 1 525 ont été rejetées contre 1 416 accordées, dont 640 sous forme de libération conditionnelle, 380 DDSE, 375 semi-liberté et 21 placements extérieurs. On est encore loin de l’automaticité de cette mesure !

Environ 1 400 mesures de justice sont sorties des effectifs de maison d’arrêt, en 33 jours. Pour le SNEPAP-FSU, la projection pour l’année 2023 permet d’espérer la sortie anticipée de près de 17 000 personnes, sous réserve que la LSC-PD ne vienne pas amoindrir en parallèle les chiffres des aménagements de peine classiques.

Ces mesures sont un appel d’air pour les maisons d’arrêt, et assurent de meilleures conditions de vie pour ceux purgeant le reliquat de leur peine à domicile.

Toutefois, on constate également une pression reportée vers les centres de semi-liberté et les SPIP milieu ouvert, pour lesquels la surpopulation carcérale opère un effet de vase communiquant. Le problème semble déplacé ! Le SNEPAP-FSU attire l’attention sur l’effet possiblement pervers de la LSC-PD.

Qui plus est, si les établissements se désemplissent, même légèrement, du fait de ces nouvelles dispositions ne risque-t-on pas de voir certain.es magistrat.es prononcer plus aisément des emprisonnements en tablant sur la LSC-PD pour raccourcir la peine prononcée?
Une autre difficulté réside en la durée très courte de ces mesures. Quelle qualité d’accompagnement le SPIP parvient-il à opérer dans un délai, bien souvent selon les données de la DAP, de moins de 2 mois?

Un abondement en moyens RH est indispensable pour permettre aux services tant de faire face à cette charge de travail supplémentaire, que de diversifier les modalités de prises en charge.

Pour le SNEPAP-FSU, les sorties sèches doivent être proscrites. L’aménagement de peine doit intervenir automatiquement à mi-peine, dans l’hypothèse d’une suppression totale des réductions de peine, pour permettre un accompagnement en milieu ouvert plus pertinent.

Pour le SNEPAP-FSU, il est urgent de sortir de la logique de gestion de flux.

 

Le SNEPAP-FSU continue d’agir
pour endiguer ces phénomènes, en militant en faveur :
⇒ d’une véritable réflexion sur le sens de la peine ainsi que sur la place de la prison dans l’échelle des peines
 de la création d’une peine de probation autonome
⇒  de moyens, pour permettre à tous les agent.es d’avoir les conditions d’exercer leurs missions

Paris, le 6 mars 2023

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